Avec Podemos à la mairie, le Real Madrid et le Barça sont-ils tombés sur un os ?
Le parti des Indignés a remporté les municipalités de Madrid et de Barcelone. La gauche radicale va-t-elle contrarier les plans des deux richissimes clubs du football espagnol ?
"Podemos, c'est un peu l'Atlético Madrid", résume dans El Confidencial* un proche de Pablo Iglesias, le leader chevelu et charismatique de Podemos, le parti issu du mouvement des Indignés. L'Atlético, une équipe sans stars, accrocheuse, avec un budget réduit et un entraîneur à poigne, qui avait renversé des montagnes au point de devenir champion d'Espagne en 2014. Le destin dont rêve Podemos, après son succès aux municipales, où il a conquis les deux places-fortes du foot espagnol, Madrid et Barcelone. Au Real Madrid et au Barça, deux des clubs les plus riches du monde, on va devoir apprendre à composer avec une mairie très à gauche. Un avant-goût de ce qui attend le reste de la Liga après les législatives de la fin de l'année ?
A Madrid, le président du Real tremble
Lorsque que le Real Madrid a remporté sa dixième Ligue des champions, le 24 mai 2014 à Lisbonne (Portugal), l'ancien Premier ministre conservateur José Maria Aznar a eu droit à l'accolade du président du club, Florentino Perez. L'image résume les liens très forts entre le club castillan et le Parti populaire (droite). Dans les rues de la capitale espagnole, le Real est vu comme le club bourgeois, par opposition à l'Atlético, plus populaire. En Espagne, le club est vu comme le symbole de la capitale et de l'aristocratie. Et en Catalogne, le Real, c'est toujours le club de Franco (alors qu'en fait, c'est plutôt l'Atlético). Florentino Perez, patron de la plus grosse entreprise de BTP du pays et soutien actif du candidat conservateur pour la mairie de Madrid, est devenu une des têtes de Turc de Podemos. "Le symbole de la caste dirigeante corrompue", dénonce Pablo Iglesias, leader de Podemos, qui ne cache pas qu'il est "anti-madridiste".
La nouvelle maire de Madrid, Manuela Carmena, détient le pouvoir de bloquer l'extension du stade Santiago Bernabeu, présentée comme vitale pour le développement du club le plus riche du monde. Le club avait obtenu l'accord de la mairie pour agrandir le centre commercial jouxtant le stade et refaire le toit pour le transformer en une sorte de photocopieur géant. Florentino Perez avait même trouvé un sponsor pour le naming (qui consiste à renommer une enceinte du nom d'une entreprise) du nouveau stade. Il s'agissait d'une compagnie d'Abu Dhabi. L'ancienne municipalité était favorable au projet, mais la justice l'avait rejeté, arguant qu'il était trop favorable au Real. Les négociations s'annoncent beaucoup plus compliquées face à une municipalité hostile. Un malheur n'arrivant jamais seul, l'accord avec le mécène émirati sera caduc en 2017, relève El Economista. Il est loin, le temps où la municipalité de Madrid faisait un cadeau de 500 millions d'euros à un Real en quasi-faillite, en 2001. Mais pas sûr que la municipalité prenne le risque de se fâcher avec les nombreux supporters du Real en faisant capoter le projet. Un compromis est possible... peut-être avec un nouveau président du Real, en 2016.
A Barcelone, le Barça respire
Quand Ada Colau a été élue maire de Barcelone, le Barça s'est fendu d'un petit mot de félicitations. Entre le club blaugrana et l'édile rouge, il n'y a pas de nuage. Ada Colau a même confié au quotidien Sport qu'elle était devenue fan du club depuis l'époque Pep Guardiola, "sous l'influence de [son] mari" : "Je souhaite que le Barça gagne", poursuit-elle. Et elle ne compte pas lui mettre de bâtons dans les roues pour le dossier de l'agrandissement du stade. Le club veut construire des petites enceintes autour du Camp Nou, la mairie veut y installer des espaces verts : les deux projets paraissent compatibles. Jordi Moix, le responsable du développement du club, a balayé tout risque de paralysie du projet : "C'est un projet pour le club, pour la ville, pas pour un maire en particulier", dédramatise-t-il au journal Gol.
Ada Colau s'est en revanche attaquée d'entrée à la subvention versée annuellement aux organisateurs du Grand Prix de F1 de Barcelone. "La priorité est-elle d'assurer ou de donner 4 millions d'euros pour les cantines de 4,5 millions d'enfants, ou à la Formule 1 ? La ville doit se tenir à ses priorités." Pour l'instant, le football en fait partie.
La révolution, c'est (peut-être) pour décembre
Les choses risquent de changer si Podemos remporte les élections législatives, prévues en fin d'année. Le programme du parti s'attaque de front à des dossiers explosifs, notamment une répartition plus égalitaire des droits télé entre les clubs, l'instauration d'un salary cap (un plafonnement de la masse salariale) et la baisse du prix des tickets. Cette dernière mesure vise le Barça et le Real, où les touristes japonais ont remplacé les classes populaires. "Aujourd'hui, au Camp Nou, les gens prêtent plus d'attention à leur smartphone qu'à leur voisin", résume Fonsi Loaiza, qui a contribué à rédiger le volet sportif du programme du parti, dans El Confidencial. "A Podemos, nous revendiquons que le football soit populaire avant tout." Deux joueurs internationaux, Joaquin Sanchez Rodriguez et Roberto Soldado, se sont élevés contre ce programme : "Est-on vraiment obligé d'écouter Iglesias et sa clique ?", a tweeté le second.
Le programme de Podemos en matière de foot peut se résumer en observant le maillot que portait Pablo Iglesias lors d'un match interne au parti. Un maillot rouge, mauve et jaune, couleurs de la République espagnole pré-Franco, où la couronne royale a été remplacée par des fortifications. Un vêtement imaginé par les enfants d'exilés espagnol, pour rejeter le système politique actuel.
* Tous les liens de médias sont en espagnol.
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