Cet article date de plus de huit ans.

Des producteurs de lait au Vatican, un dernier espoir pour sortir de la crise

Des agriculteurs se disent excédés de défendre leur cause auprès de politiques qui, disent-ils, ne les respectent pas. Ils rencontrent ce mercredi le souverain pontife.
Article rédigé par Cécilia Arbona
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
  (Boris Gondoin et Sylvain Louis sont tous deux producteurs de lait en Champagne-Ardenne © RADIOFRANCE / Cecilia Arbona)

C'est une démarche qui pourrait presque faire sourire si l'enjeu n'était pas aussi grave. Confrontés à une crise sans précédent, marquée par la surproduction de lait et par la baisse des prix, 120 éleveurs ont demandé et obtenu une audience au pape. Venus de toute l'Europe, ces paysans membres du syndicat de l'European Milk Board (EMB) seront reçus mercredi en fin de matinée au Vatican.

La religion pour faire changer les choses

Parmi eux : Boris Gondoin, 44 ans, producteur de lait à Stenay, dans la Meuse. Lui ne va pas jamais à la messe le dimanche. Pourtant, il ne s'est pas posé la question deux fois quand ses collègues italiens ont suggéré de faire appel au pape Francois. "On a déjà vu tout le monde en 2009 au moment de la crise, tous nos députés, le ministre, les politiques, pour les avertir de la catastrophe,  raconte ce paysan. Alors si la religion peut faire changer les choses, pourquoi pas ! "

A la tête d'un cheptel de 450 bêtes et de 200 hectares Boris Gondoin s'est associé avec un autre paysan de sa commune pour réduire les coûts de production. Mais ni l'un ni l'autre n'arrivent à payer les factures. "Au début on ne se prenait pas de gros salaires, 6.000 francs, environ 1.000 euros,  se souvient le quadragénaire. Mais ça m'allait car je me disais que ça irait mieux ". Et pourtant, la vie à la ferme, Boris en rêvait depuis qu'il est gamin. "Avec l'argent de la communion, mes copains se sont acheté une mobylette, et moi deux veaux " raconte-t-il.

Certains arrêtent le métier, d'autres sont en burn-out

Sylvain Louis, lui, est agriculteur dans les Ardennes. "Maintenant on n'a plus le SMIC et avec mes revenus, je vais bientôt demander le RSA,  se désole ce paysan. Dans trois ou quatre ans, c'est la retraite et il faut que je tienne jusque là. Mais tous les jours on apprend que certains ont arrêté le métier, d'autres sont en burn-out, ou liquident le capital."

237 paysans de la Meuse ont arrêté entre 2009 et 2014

A Stenay, une commune de 2800 habitants cernée par les pâturages verdoyants, tout le monde connaît un producteur de lait. Comme Eliane, la patronne du bar des Arcades. "Ceux qui ont trop investi, j'en connais plein. Et maintenant ils ont le cul dans la bassine, tout le monde va crever de faim " craint-t-elle.

L'abbé Jean Mangin est curé à Ligny-en-Barrois dans le sud de la Meuse. "On va dans le sens d'une financiarisation de ce qui fait la nourriture humaine,  dénonce-t-il. On se trompe de chemin et il ne faut pas que les agriculteurs se laissent manipuler."  Entre 2009 et 2014, sur les 3200 exploitants agricoles du département, 237 paysans ont cessé leur activité, certains pour des raisons économiques.

Quand le Pape représente le dernier espoir d'une profession. Reportage dans la Meuse de Cecilia Arbona
 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.