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Droit à l'oubli pour les malades du cancer : "Ça ne va pas assez vite, faute d'une réelle volonté des acteurs", dénonce l'association Rose Up

La présidente de l'association d'aide aux malades du cancer Rose Up a estimé vendredi sur franceinfo que le délai de dix ans pour le droit à l'oubli des malades du cancer est "trop long".

Article rédigé par franceinfo
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Une personne étudie son dossier d'assurance emprunteur, le 12 janvier 2018 (illustration). (JEAN-FRAN?OIS FREY / MAXPPP)

Les avancées législatives concernant le droit à l'oubli des malades du cancer ne vont "pas assez vite", a déploré vendredi 26 novembre sur franceinfo la présidente de l'association Rose Up, Isabelle Huet, alors que l'Assemblée nationale a rejeté en première lecture jeudi une partie des amendements de la proposition de loi Lemoine sur l'assurance emprunteur. 

Emmanuel Macron avait promis de faire passer ce droit à l'oubli de dix à cinq ans après la fin des traitements. Mercredi, sur franceinfo, Bruno Le Maire s'était montré plutôt favorable à un abaissement de ce délai. "C'est une question de justice fondamentale. Il n'y a pas plus injuste que la maladie", a déclaré le ministre de l'Economie qui s'est dit "favorable à l'ouverture d'un travail avec les banques assureurs, sur les discriminants d'accès à l'assurance-emprunteur". Le ministre souhaite "raccourcir le délai du droit à l'oubli" pour ces personnes. "Dix ans, c'est trop long", a abondé Isabelle Huet. "ll s'agit vraiment d'avoir la possibilité et le droit de reprendre sa vie comme tout le monde."

franceinfo : Qu'est-ce que le droit à l'oubli pour les malades ?

Isabelle Huet : C'est une notion que notre association a inventé. Le droit à l'oubli est le fait de ne pas déclarer son cancer passé et guéri lors de la souscription d'une assurance emprunteur à l'occasion de l'achat d'un logement ou de la création d'une entreprise pour lesquelles on a besoin d'un prêt. Quand vous avez été malade d'un cancer et que demandez un prêt, même de longues années après, l'assurance emprunteur considère presque que vous n'êtes jamais guéri. C'est ce que l'on appelle "la double-peine". Vous avez combattu pendant plusieurs mois votre maladie et, une fois que votre maladie est guérie et que vous voulez reprendre une vie normale en souscrivant un emprunt, c'est extrêmement difficile. On vous soumet des surprimes très importantes, des exclusions de garantie, c'est-à-dire qu'on vous dit : "Vous payez une prime, mais si vous avez un nouveau cancer, vous n'êtes pas assuré." Vous pouvez même vous voir opposer un refus.

Que dit la loi alors aujourd'hui sur ce droit à l'oubli ?

Nous avons bataillé pendant de longs mois en 2015 pour faire inscrire ce droit à l'oubli dans la loi. Au bout de dix ans après la fin de votre traitement, vous n'avez plus à déclarer votre cancer passé et guéri lors de la souscription d'un contrat d'assurance. Cela concerne les adultes. Pour les plus jeunes, en dessous de 21 ans, ce délai est de cinq ans. Dix ans, c'est trop long. Les données médicales et la recherche montrent que c'est tout à fait possible de réduire ce délai. Nous souhaitions jutement que ce délai soit réduit par la législation, alors que dans la proposition de loi Lemoine, on renvoyait à une sorte de négociation entre le secteur de l'assurance, l'État et les associations de patients. Nous nous sommes très vite rendu compte, en intégrant ces instances de négociation, que les choses n'allaient pas du tout assez vite. Ce sont des vies qui ne peuvent pas être reconstruites alors que reprendre sa vie en achetant un logement ou en créant une entreprise, c'est bien normal. Il s'agit vraiment d'avoir la possibilité et le droit de reprendre sa vie comme tout le monde.

Pourquoi le gouvernement s'y est-il opposé ?

Nous avons sollicité le gouvernement il y a quelques mois puisque c'était un engagement de campagne du candidat Macron de passer ce droit à l'oubli de dix à cinq ans. Au bout de quatre ans, se rendant compte que les choses n'avançaient pas comme indiqué dans le programme de campagne, nous avons sollicité les cabinets d'Olivier Véran [le ministe de Santé] et de Jean Castex [le Premier ministre], qui nous ont ouvert une oreille attentive. Ils ont accepté d'introduire dans ce texte de loi des dispositions sur ce droit à l'oubli, mais en renvoyant l'abaissement de ces délais au dispositif conventionnel qui, pour nous, n'est pas du tout suffisant. On se rend compte que cela ne va pas assez vite, faute d'une réelle volonté des acteurs d'aboutir à des avancées. Pour nous, il est important que le législateur intervienne pour imposer un abaissement de ce délai et permettre aux 3,8 millions de personnes qui ont ou qui ont eu un cancer en France de reprendre leur vie normale. Aujourd'hui, un homme sur quatre et une femme sur trois risquent d'avoir un cancer en France. C'est une problématique de société.

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