A Ivry-sur-Seine, le centre de traitement des déchets bloqué pour défendre "un Code du travail digne de ce nom"
A la veille du lancement de l'Euro, les poubelles s'entassent sur les trottoirs de la capitale. L'origine ? Une grève dans le principal centre de traitement de déchets d'Ivry-sur-Seine, pour protester contre la loi Travail.
Devant l'usine de collecte d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), un amas d'ordures témoigne de ce qui se joue dans les rues de Paris. Ici, sous l'odeur persistante des cendres et des déchets, il est agrémenté de drapeaux CGT. Depuis dix jours, une quinzaine d'agents grévistes montent la garde, postés aux grilles du garage de la rue Bruneseau.
Ils sont éboueurs, égoutiers ou conducteurs de bennes à ordures et se relaient pour maintenir un barrage filtrant. "On bloque les entrées et sorties de bennes pour sauvegarder notre travail", raconte Fausto Catallo, secrétaire général CGT aux Transports de la Ville de Paris.
Deux cents tonnes d'ordures sont incinérées quotidiennement dans ce centre multifilière, "le plus important à l'échelle de l'Europe". Sauf depuis la semaine dernière. L'extinction complète de l'incinérateur a été décidée par les grévistes, ce qui bloque toute la chaîne d'acheminement des ordures.
"On sait qu'on pénalise les gens"
Ce qu'ils réclament, c'est le retrait de la loi Travail. Et surtout de son article 2. "Celui de l'inversion de la hiérarchie des normes, précise Fausto Catallo. On est dans le secteur public, mais cela nous concerne aussi. On risque de nous dire : soit vous vous alignez, soit on va voir les autres, dans le privé." Actuellement, la régie publique partage avec le secteur privé, comme Veolia, la moitié des arrondissements parisiens.
Un peu plus loin, assis sous une bâche le protégeant du soleil, Michel Duclos, 51 ans, agent territorial de Malakoff (Hauts-de-Seine), est venu apporter son soutien. "Cela fait plusieurs jours que je viens, je pose des heures pour venir réclamer le retrait de la loi. Dans huit ans, je serai à la retraite, mais je veux que mes deux enfants aient un avenir avec du boulot et un Code du travail digne de ce nom."
A la veille du coup d'envoi de l'Euro, les agents du site de traitement assument les problèmes sanitaires qui pourraient se poser dans certaines rues de la capitale. "Faire grève ne nous enchante pas, on sait qu'on pénalise les gens", assure Richard. Pour ce conducteur, ce mouvement "va faire très mauvaise presse durant l'Euro. J'imagine donc que l'issue va être assez rapide."
La grève reconduite jusqu'au mardi 14 juin
"Ce n'est pas une action contre l'Euro, poursuit Richard, plutôt une coïncidence de calendrier. La responsabilité incombe au chef de l'Etat et au gouvernement." Quoi qu'il en soit, chez eux ou devant le site, les grévistes suivront la compétition. "Vendredi soir, on a prévu d'installer un écran pour regarder le match d'ouverture et animer la soirée", confie Fausto Catallo.
Intrigués par les palettes de bois et les pneus qui brûlent, quelques passants tournent le regard vers les manifestants. Des automobilistes, aussi, qui actionnent leur klaxon en guise de soutien au mouvement.
L'assemblée générale, convoquée dans la cour du site, a décidé de reconduire, "à l'unanimité" et sous les applaudissements, le mouvement de grève jusqu'au mardi 14 juin, jour de nouvelle manifestation nationale contre la loi El Khomri. Le deuxième garage, rue Victor-Hugo, est également concerné. "Seule l'ouverture de négociations par le gouvernement pourrait nous faire suspendre le mouvement", insiste Christophe Couderc, secrétaire national CGT services publics. En attendant, les poubelles, comme la colère, pourraient continuer de déborder.
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