Déchéance de nationalité, Code du travail... "Le débat politique échappe à François Hollande"
En crispant à plusieurs reprises sa majorité, l'exécutif poursuit-il une stratégie délibérée ? Francetv info a posé la question au politologue Stéphane Rozès, ancien conseiller de l'ombre de François Hollande durant la campagne de 2012
Mais à quoi jouent François Hollande et Manuel Valls en allumant un nouvel incendie au sein de leur propre majorité avec l'avant-projet de loi sur la réforme du Code du travail ? Déjà échaudée par la déchéance de nationalité, et malmenée par le dernier remaniement, la gauche se divise à un peu plus d'un an de l'élection présidentielle.
Quelle est la stratégie de l'exécutif ? Francetv info a posé la question au politologue Stéphane Rozès, président du cabinet de conseil CAP, et ancien conseiller de l'ombre de François Hollande durant la campagne de 2012.
Francetv info : Avec la réforme du droit du travail et la tribune de Martine Aubry, le couple exécutif est-il en train d'ouvrir délibérément un nouveau front à gauche ?
Stéphane Rozès : Il y a un écart entre la façon dont se structurent les clivages entre les responsables de gauche, tels que relayés par les médias, et les clivages qui traversent le pays et les électeurs de gauche. Si on ne comprend pas cet écart, on ne comprend pas pourquoi Emmanuel Macron est si populaire.
Pour les signataires de la tribune, les sujets sont toujours : "Est-ce qu'on est du côté des patrons ou des salariés ?" ; "Pour une politique de l'offre ou de la demande ?" ; "Profits d'investissements ou redistribution sociale ?"...
Or, les Français, eux, se disent plutôt : "Est-ce qu'on va disparaître économiquement dans le monde et l'Europe telle qu'elle est ?" ; "Pour éviter cette disparition, faut-il remettre en cause notre modèle social, le réformer ou le conserver ?"... C'est là-dessus que se font les lignes de partage dans le pays.
Pour autant, on peine à percevoir la stratégie de François Hollande et de Manuel Valls...
L'exécutif essaye de maintenir la compétitivité du pays tout en préservant son modèle social. Sur le fond, l'équilibre entre ces deux prérogatives n'est pas toujours bien articulé... D'autant que cette politique, François Hollande n'en fait pas le récit.
C'est-à-dire ?
Au sommet de l'Etat, on se soucie de la dynamique de la croissance, du respect des engagements européens, le tout sous le regard des marchés financiers. La situation est contrainte. Le fait que le président de la République ne mette pas en perspective ces enjeux lui nuit.
Pourquoi les débats politico-médiatiques ne sont-ils pas adaptés aux sujets qui concernent notre pays et préoccupent les Français ? La responsabilité première en incombe à François Hollande qui n'énonce pas les problèmes de fond. Il ne fait pas travailler les socialistes sur les vraies questions. Conséquence : le débat politique lui échappe, et les forces centrifuges se déploient...
François Hollande a conditionné sa candidature en 2017 à une baisse du chômage. Est-ce un bon choix ?
François Hollande pense qu'il y a, d'un côté, des choses sérieuses, à savoir la gestion de l'Etat, et que de l'autre, il y a le petit théâtre de la vie politique. S'il construisait le récit de ses intentions, de son ambition, il articulerait les questions économiques et les questions politiques. Or, le président pense que c'est l'économie qui fait la société. D'où son idée de conditionner sa candidature à la prochaine élection présidentielle par la baisse du chômage.
Il fait donc un pari très risqué ?
C'est non seulement un pari risqué, mais cela affaiblit aussi sa position symbolique. Même si le chômage baissait, cela ne changerait pas grand chose. La politique dans notre pays ne se résume pas à des questions économiques ! La raison profonde de la dépression française, ce n'est pas le chômage. C'est l'absence de vision.
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