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Manifestation finalement autorisée contre la loi Travail : pourquoi le compromis ne résout pas les problèmes de sécurité

Le ministère de l'Intérieur a finalement autorisé le rassemblement contre la loi Travail à Paris, jeudi, avec un parcours réduit. 

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une démonstration contre le projet de loi Travail à Paris, le 14 juin 2016. (DOMINIQUE FAGET / AFP)

Le rassemblement aura bien lieu. Bernard Cazeneuve a autorisé, mercredi 22 juin, la manifestation contre la loi Travail qui doit se tenir jeudi à Paris. Elle avait un temps été interdite par la préfecture de police, qui craignait de nouveaux incidents entre casseurs et membres des forces de l'ordre. Le ministre de l'Intérieur a toutefois trouvé un compromis avec les syndicats, qui menaçaient de manifester malgré l'arrêté préfectoral, pour définir un trajet plus court et plus facile à encadrer.

A en croire Danielle Tartakowsky, historienne spécialiste des mouvements sociaux, il s'agit de la meilleure solution. "Maintenir l'interdiction de manifester aurait été totalement contreproductif par rapport aux objectifs de maintien de l'ordre des pouvoirs publics, analyse la présidente de l'université Paris VIII, interrogée par francetv info. La demande d'autorisation préalable de manifester permet aux autorités et aux organisateurs de s'accorder sur un parcours et donc aux forces de l'ordre de prévoir les dispositifs de police et de secours à mettre en place."

"L'interdiction de manifester peut être un facteur aggravant"

Le syndicat SGP Police, contacté par francetv info avant que l'interdiction de manifester ne soit levée, abonde. "Lorsqu'on ignore quels seront les points de chute des manifestants, il est impossible d'anticiper et de sécuriser l'événement, explique Nicolas Comte. Pour pouvoir agir contre les casseurs, encore faut-il qu'on en ait les moyens."

"L'interdiction de manifester peut-être un facteur aggravant des violences, insiste Danielle Tartakowsky. Il suffit de prendre l'exemple du rassemblement à la station de métro Charonne." Le 8 février 1962, plusieurs milliers de manifestants descendent dans les rues de Paris pour protester contre la guerre d'Algérie et les attentats de l'Organisation armée secrète. La mobilisation, interdite par la préfecture, dégénère. Des manifestants sont repoussés vers la station Charonne et chargés par la police, rappelle MarianneNeuf personnes, dont huit militants de la CGT, trouvent la mort dans un mouvement de foule dans la bouche de métro.

Le parcours pourrait poser problème

"Interdire une manifestation alors que l'on sait que des milliers de personnes vont quand même se rassembler, c'est compliquer la tâche des forces de l'ordre, souligne Danielle Tartakowsky. En autorisant la marche du 23 juin, la préfecture permet au moins aux forces de l'ordre de garder la tête hors de l'eau."

Les manifestants partiront finalement de la place de la Bastille, jeudi, et feront le tour du bassin de l'Arsenal avant de revenir à leur point de départ. Mais le parcours sur lequel organisateurs et autorités se sont accordés ne satisfait qu'en partie les policiers. "Il n'est pas évident de maintenir l'ordre quand il n'y pas d'échappatoire : sur ce parcours, il n'y a pas vraiment de voies pour se disperser", note Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint du syndicat Alliance, contacté par francetv info. 

Autre problème : les manifestants vont tourner en rond. "Ca ne s'est jamais vu de faire revenir le cortège au point de départ, s'étonne le représentant syndical. Dans les autres manifestations, il y avait des casseurs au départ ou à la fin du parcours. Là, on est sûr qu'il y en aura aux deux."

"Il y a moins de cibles potentielles sur ce parcours"

Frédéric Lagache craint en outre qu'il y ait "beaucoup plus de gens à gérer", car l'interdiction de manifester à Paris a attiré l'attention de l'opinion publique sur le rassemblement. "Il n'est pas impensable que les militants fassent du sur-place, note le secrétaire général adjoint d'Alliance. Cela reste une manifestation considérée comme sensible et qui mobilisera donc d'importantes forces policières, même si le parcours est moins long."

Pour le syndicat des forces de l'ordre, le meilleur compromis aurait été de reporter le rassemblement à une date ultérieure. "Les policiers sont fatigués. On ne peut pas être sur tous les fronts à la fois, gérer l'Euro de foot, la menace terroriste et des manifestations répétées où les incidents se succèdent, martèle Frédéric Lagache. On pourrait penser qu'une manifestation sous conditions est plus simple, mais ça ne change rien au fait que, pour gérer ce type de rassemblements, il faut que les policiers soient en pleine possession de leurs moyens."

Du côté des organisateurs, la solution trouvée avec le gouvernement semble toutefois satisfaisante. "Notre objectif était de garantir notre droit à manifester et d'obtenir une manifestation itinérante, indique Jacques Girod, secrétaire adjoint de l'union départementale FO-Paris, à francetv info. Il y a toujours un risque qu'il y ait des casseurs mais il y a moins de commerces, donc moins de cibles potentielles sur ce parcours." Reste à savoir si cela permettra d'éviter de nouveaux heurts, jeudi.

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