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Projet de loi El Khomri : comment le gouvernement a réussi à se mettre tout le monde à dos

Elus socialistes, syndicats, simples citoyens... Tous se mobilisent contre la réforme du droit du travail qui doit être présentée en conseil des ministres le 9 mars. 

Article rédigé par franceinfo
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Myriam El Khomri et Manuel Valss, lors de la visite d'une agence Pôle emploi, à Mulhouse (Haut-Rhin), le 22 février 2016. (VINCENT KESSLER / REUTERS)

Tous vent debout. Parlementaires socialistes, syndicats, société civile... Le projet de réforme du droit du travail porté par la ministre du Travail Myriam El Khomri fait l'unanimité contre lui. Ses opposants jugent le texte trop favorable aux entreprises, au détriment des salariés. Comment le gouvernement a-t-il réussi à fédérer contre sa future loi ? Tour d'horizon des mécontents. 

La majorité se divise

Cette fois, il y a bien le feu dans la majorité. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a lui-même réclamé des améliorations du projet de réforme du Code du travail, en prévenant que "dans l’état", il aurait "du mal à le voter". C'est dire si la fronde dépasse largement la gauche du PS. Dimanche, des poids lourds du gouvernement sont aussi montés au créneau : Ségolène Royal, Jean-Marc Ayrault ou encore Marisol Touraine ont souhaité que le projet de loi évolue pour aboutir à un texte "équilibré""Si ce texte est voté, le PS est mort", prévient Yann Galut, député socialiste qui jusqu'à présent ne faisait pas partie des frondeurs, dans Le Parisien.

La modification des 35 heures ulcère bon nombre de parlementaires socialistes. A tel point que pour contourner la gronde qui s'annonce, le gouvernement envisage de court-circuiter la commission des affaires sociales, compétente pour examiner le texte, rapporte Libération. "On me dit que ce sont des 'frondeurs', ce sont avant tout des députés très investis dans le monde social et qui connaissent le droit social !" réplique Catherine Lemorton, présidente PS de cette commission.

Les frondeurs, eux, s'en donnent à cœur joie. "Trop, c'est trop !" s'exclament les députés Benoît Hamon, Christian Paul, Jean-Marc Germain, dans une tribune publiée mercredi par Le Monde. Signe de l'unité à gauche contre ce texte, cette tribune est également signée par Martine Aubry, Daniel Cohn-Bendit ou encore le député européen écologiste Yannick Jadot ou encore le premier adjoint à la maire de Paris, Bruno Julliard. 

La gauche de la gauche s'insurge

Sans surprise, le PCF, le Parti de gauche et Europe Ecologie-Les Verts s'opposent aussi à cette réforme du Code du travail. "Améliorer, vu le point de départ, ça ne va pas suffire. Parce que le projet de loi El Khomri, c'est une catastrophe quasiment de la première à la dernière ligne", explique Pierre Laurent. Le secrétaire national du PCF dénonce un "dynamitage du Code du travail" "On est effaré devant un tel projet et (...) j'espère qu'il sera mis en échec purement et simplement."

De son côté, EELV fustige "une opération de copier/coller du cahier de revendications du Medef". Le secrétaire national intérimaire du parti, David Cormand, prône une réduction du temps de travail à 32 heures, bien loin de la remise en cause des 35 heures. "Déjà les syndicats de salariés se disposent pour organiser une action nationale concertée. Mais toute la société doit les appuyer. Pour ma part, je souhaite que soit organisée une marée citoyenne pour obtenir le retrait de la loi", déclare quant à lui Jean-Luc Mélenchon.

Les syndicats protestent

Le projet de loi El Khomri a fait naître un consensus rare parmi les syndicats : neuf d'entre eux ont signé mardi un communiqué commun contre le texte. La CFDT, la CFE-CGC, la CGT, FSU, Solidaires-Sud, l'Unsa, le syndicat étudiant Unef et les syndicats lycéens UNL et Fidl dénoncent un "projet élaboré sans réelle concertation". Réunis lundi au siège de la CGT, ils se sont mis d'accord pour appeler notamment à l'abandon du plafond des indemnités prud'homales.

"Le fait que nous ayons réussi à nous retrouver tous, toutes les organisations syndicales, cela montre combien la situation est aujourd'hui préoccupante", a déclaré sur BFMTV la secrétaire générale de la FSU, Bernadette Groison. Force ouvrière, dont le secrétaire général Jean-Claude Mailly a estimé que cette loi valait "une grève", n'a pas signé le communiqué commun mais sera présent le 3 mars. Ce jour-là, l'intersyndicale se reverra pour discuter des suites à donner à son mouvement – une manifestation et/ou une grève pourrait avoir lieu fin mars – et faire d'autres propositions pour réformer le droit du travail.

Les citoyens signent une pétition

Sur le front anti-gouvernemental, une pétition a également été lancée sur internet par des militants associatifs. Intitulée "Loi Travail : non merci !" et en ligne depuis six jours, elle affiche plus de 400 000 signataires, mecredi 24 février, à la mi-journée. Militante féministe et initiatrice, avec d'autres personnalité de la société civile, de cette pétition, Caroline De Haas se félicite du "démarrage historique" de la mobilisation. "C'est du jamais-vu."

"Je signe tout simplement parce que je n'accepte pas qu'un gouvernement qui se dit de gauche mène une politique que la droite n'aurait même pas osé tenter !" dit le texte qui accompagne la pétition.

Et à droite ?

Jusqu'ici, les Républicains, conscients que le projet de loi reprend plusieurs de leurs propositions en matière de droit du travail, laissent l'exécutif se débattre avec sa majorité. "On l'avait écrit en partie", s'est réjoui Eric Woerth, ancien ministre du Travail de Nicolas Sarkozy, sur Europe 1. "Tout ce qui déverrouille les 35 heures par l'accord d'entreprise va dans le bon sens", estime aussi le député des Républicains qui se félicite que son parti "et les chefs d'entreprise aient été entendus""Ce sont des mesures que la droite aurait peut-être dû appliquer plus tôt", a surenchéri Jean-François Copé. 

Si la loi fait consensus, la droite cible les désaccords et les couacs au sein de la majorité. Alain Juppé, le maire de Bordeaux, a ainsi dénoncé un texte "improvisé, mal préparé, mal équilibré". Roger Karoutchi pointe lui le "bazar" au sujet de l'utilisation ou non de l'article 49.3 par le gouvernement pour imposer sa loi sans avoir à la faire voter.

On ignore, pour le moment, si les élus des Républicains voteront le texte ou s'ils s'y opposeront pour affaiblir un peu plus l'exécutif. Seul Henri Guaino s'est démarqué de son parti. "Si la politique ça n'est que la destruction méthodique de tout ce que nous avons acquis en termes de progrès social, où allons-nous nous arrêter ?"  s'interroge le député sur RTL. Et l'élu de pointer une "espèce de panique" et une "fuite en avant".

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