Réforme du Code du travail : la fusion des instances représentatives protégera-t-elle mieux les salariés ?
Le gouvernement prévoit de regrouper les délégués du personnel, le CE et le CHSCT au sein d'une même structure. Les syndicats redoutent que les conditions de travail des salariés passent au second plan.
C'est un acronyme bien identifié dans le monde du travail. Le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), qui existe dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés, pourrait disparaître. Dans le cadre des ordonnances sur le travail présentées jeudi 31 août, le gouvernement compte fusionner délégués du personnel, comité d'entreprise (CE) et CHSCT au sein d'un "conseil d'entreprise".
Ce conseil aura les mêmes compétences et les mêmes attributions, c'est-à-dire qu'il pourra saisir la justice comme le fait le CHSCT, ou négocier avec la direction comme le font les délégués du personnel. Le regroupement des instances représentatives du personnel est déjà possible depuis la loi El Khomri de 2015 dans certaines entreprises où un accord a dû être signé.
"La fusion n'a pas bouleversé les choses"
C'est le cas de l'agence de communication de Thibaut Arthaud, chef de projet à Paris. Depuis le mois de février, il fait partie des élus de cette nouvelle instance unique. Et il en tire un bilan positif, comme il l'explique à franceinfo : "La fusion n'a pas bouleversé les choses. Cela a simplement clarifié et simplifié des dossiers qui sont parfois à l'interconnexion du CE et du CHSCT. On les traite de façon plus fluide."
Pour le réaménagement des locaux de son agence, la direction a été obligée de consulter cette instance unique. "On nous a soumis les plans en amont et on a proposé des améliorations qui ont été ajoutées", explique Thibaut Arthaud. Pendant les travaux, le rôle des élus de cette structure a été de s'assurer que le réaménagement ne posait pas de problèmes aux salariés (nuisance sonore, odeurs de peinture, conditions de sécurité...). Satisfait du niveau de dialogue social dans son agence, Thibaut Arthaud évoque un travail "de co-création avec la direction".
Au-delà du travail de veille sur les conditions de travail (l'organisation, le planning, la cadence, le matériel utilisé...), les représentants des salariés ont également un droit d'alerte. "Un salarié victime de harcèlement moral a bénéficié d'un accompagnement individuel de la part du comité. Il y a eu un travail d'enquête et on a fait intervenir un organisme indépendant pour déterminer les causes de ce harcèlement", détaille Thibaut Arthaud. L'employeur ne peut pas refuser l'intervention d'un expert externe, ce qui donne un "pouvoir immense" au CHSCT.
"Le CHSCT, l'organisme qui a le plus de pouvoir dans l'entreprise"
On ne le sait pas forcément mais le CHSCT a des effets très concrets sur les conditions de travail. Dans le supermarché Auchan de Louvroil (Nord), "nous avons réussi à imposer le transpalette électrique", se réjouit Eric Dronsart, délégué CFDT et élu du CHSCT contacté par franceinfo. "Ce n'est pas rien pour transporter des palettes d'une tonne dans tous les rayons et pourtant on n'en trouve pas partout dans la grande surface." Le syndicaliste estime lui aussi qu'il s'agit de "l'organisme le plus important, car c'est celui qui a le plus de pouvoir dans l'entreprise, notamment celui de faire fermer le magasin ou d'arrêter la production."
Selon Eric Dronsart, la fusion des instances représentatives aura l'avantage de créer des "supers élus" mais qui risquent d'être noyés par l'étendue de leurs compétences. "On aura peut-être une vue sur tous les dossiers mais comment les bosser tous correctement ?", s'interroge-t-il.
Les maladies professionnelles, le handicap... Chaque question est très technique et en face de nous la direction met toujours des spécialistes.
Eric Dronsart, élu d'un CHSCT d'Auchanà franceinfo
Autre inquiétude de l'employé d'Auchan : "On est représentant des salariés, il faut rester à leur contact sur le terrain. En ayant toutes les casquettes, cela nous éloignera forcément..."
Des réserves partagées par la CGT. "L'instance unique va être professionnalisée et elle se consacrera au dialogue social et économique, comme dit la ministre Pénicaud, c'est-à-dire aux négociations, explique à franceinfo Fabrice Angei, membre de la direction de la CGT. Cela signifie que les questions d'hygiène, de sécurité, de conditions de travail, d'organisation, qui sont le quotidien des salariés, seront mises au second plan voire carrément oubliée."
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