Reportage "Je ressens l'usure corporelle" : l'espérance de vie varie toujours fortement selon les métiers, d'après l'Insee

Selon une étude de l'Insee, les différences en terme d'espérance de vie restent importantes entre cadres et ouvriers, témoignant ainsi de l'impact des conditions de vie et de travail.
Article rédigé par franceinfo
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Illustration d'un ouvrier un chantier. (DYLAN MEIFFRET / MAXPPP)

Les cadres vivent en moyenne cinq ans et trois mois de plus que les ouvriers. Cette conclusion est présentée dans la nouvelle étude de l'Insee, publiée mardi 16 juillet, sur l'espérance de vie. Plus précisément, les hommes cadres de 35 ans peuvent espérer vivre 48,9 années supplémentaires - soit jusqu'à 83,9 ans en moyenne - contre 43,6 pour les ouvriers - soit jusqu'à 78,6 ans. La bonne nouvelle est que cet écart se réduit depuis la dernière enquête de 2016. En tout cas pour les hommes, car pour les femmes cet écart se creuse un peu entre ouvrières et cadres.

Mais le constat de l'Insee, c'est aussi qu'entre 35 et 65 ans, les ouvriers ont toujours deux fois plus de chances de mourir que les cadres.

"Pas de cadeaux pour ceux qui prennent des risques"

Eyup Heidemmer travaille depuis 40 ans sur les chantiers. Il a été maçon à 15 ans, puis coffreur-boiseur. Il dirige aujourd'hui une équipe de neuf ouvriers. Quand on lui demande s'il a déjà eu un accident, il est catégorique : "Personnellement non, ni moi ni sur mes chantiers." En revanche, certains de ses collègues en ont eu. "Il y en a pas mal, certains sont tombés du 4e étage. Ils sont handicapés maintenant, ils ne peuvent plus travailler."

Eyup surveille donc ses collègues de près et ne fait "pas de cadeau pour ceux qui prennent des risques", comme il dit. Lui-même garde des séquelles après des années de chantier. "J'ai une tendinite, mon médecin m'a dit que j'ai trop forcé, raconte Eyup Heidemmer. Quand on est jeune, on ne fait pas attention, et aujourd'hui on a du mal à marcher." La retraite, il n'y pense pas. Cela lui rappelle certains collègues, décédés juste après avoir arrêté de travailler : "Il y en a pas mal qui sont morts au bout de deux ou trois ans."

"On est toujours en mouvement, cela demande des efforts"

Les éboueurs sont eux aussi particulièrement exposée aux risques. Kader Mekhfi est éboueur depuis 25 ans et voit régulièrement partir des collègues avant la retraite : "Il y a même pas deux mois on a enterré un collègue à nous de 56 ans. Il a fait une crise cardiaque." Le résultat de cette enquête ne le surprend pas. "Cela ne m'étonne pas du tout, on est toujours en mouvement, ça demande des efforts. Sur Paris vous avez la pollution et quand il y a la chaleur c'est très compliqué. À mon avis, le cœur doit prendre un coup."

Le cœur mais aussi les muscles, les articulations, le dos... Yohann Guerdette, éboueur en Normandie, cumule ces troubles musculo-squelettiques. Il constate que ses conditions de travail s'améliorent, mais il préfère ne pas voir ses enfants faire le même métier que lui. "J'espère qu'ils ne feront pas un boulot trop fatiguant non plus. L'usure corporelle, je la ressens. Si je pouvais faire en sorte qu'ils trouvent un métier plus adapté pour eux, pour moins souffrir."

Le corps des ouvriers est également davantage abîmé par leur mode de vie, souligne l'Insee, comme le fait de fumer, même si les décès liés au cancer du poumon diminuent depuis les années 1990. Ce qui explique peut-être que l'espérance de vie des ouvriers se rapproche très légèrement des cadres depuis la dernière étude.

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