Assurance-chômage : pourquoi l'Unédic doute de la réforme souhaitée par Emmanuel Macron
Le chef de l'Etat souhaite ouvrir les droits à l'assurance-chômage aux indépendants et aux salariés qui démissionnent. L'Unédic, chargée de la gestion de cette assurance, s'interroge sur la faisabilité et les éventuels effets pervers de cette réforme.
Il y a encore du travail. L'Unédic s'inquiète de la refonte de l'assurance-chômage. L'organisme, chargé de la gestion de cette assurance avec Pôle emploi, s'interroge sur la mise en place et les possibles conséquences de cette réforme souhaitée par le gouvernement dans une série de documents transmis aux partenaires sociaux, le 12 juillet, et consultés par l'AFP.
Au cours de sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron a proposé l'ouverture des droits à l'assurance-chômage aux indépendants, ainsi qu'aux salariés qui démissionnent une fois tous les cinq ans. Cette refonte du système doit être discutée à l'automne. Elle devrait être progressivement mise en œuvre à partir de l'été 2018, selon Le Figaro.
Définition incertaine, incertitude sur le financement et craintes d'abus : l'Unédic émet des réserves quant à la pertinence de cette réforme de l'assurance-chômage. Franceinfo fait le point sur ses interrogations.
Parce que l'ouverture des droits pour certains indépendants n'est pas claire
L'Unédic s'inquiète notamment de "l'absence de définition unique de la notion d'indépendant" dans cette réforme. Les quelque 2,8 millions de travailleurs non-salariés, selon l'Insee, pourront-ils vraiment tous avoir accès à l'assurance-chômage ? A l'heure actuelle, les indépendants peuvent bénéficier de cette assurance uniquement "s'ils justifient d'un contrat de travail et sous certaines conditions", rapporte le site Service-Public.fr.
Dans ses notes, l'Unédic se préoccupe notamment du sort des "indépendants 'économiquement dépendants'" des plateformes collaboratives, telles qu'Uber, Foodora ou Deliveroo. Pourront-ils eux aussi avoir accès à ces droits avec cette réforme ? L'organisme se pose la même question pour les "loueurs de locaux d'habitation meublés", les "conjoints collaborateurs du chef d'entreprise" ou encore les "micro-entrepreneurs déclarant un chiffre d'affaires nul". Pour l'organisme, la définition des indépendants qui pourront bénéficier de l'assurance-chômage reste encore floue.
Parce que le nombre de démissions pourrait exploser
L'autre inquiétude de l'Unédic concerne l'ouverture des droits à l'assurance-chômage aux salariés démissionnaires, une fois tous les cinq ans. Aujourd'hui, seules les personnes dont la démission est jugée "légitime" par Pôle emploi peuvent prétendre à des allocations-chômage. Le site Service-Public.fr évoque, par exemple, une démission due à la mutation d'un conjoint, ou au non-versement du salaire par l'employeur.
Si l'assurance-chômage est désormais ouverte à tous les démissionnaires, l'Unédic craint une "augmentation" de la "durée entre la démission et la reprise d'un nouvel emploi", voire la hausse du "nombre de démissions" en France. L'organisme cible notamment les démissions "à l'approche du départ en retraite". Autant d'effets pervers qui feraient, selon l'organisme, "courir un risque financier à l'assurance-chômage".
Selon l'Unédic, moins de 55 000 démissionnaires ont reçu des allocations-chômage en 2016. Le nombre de démissions, chaque année, est largement supérieur : il oscille entre 900 000 et 1,1 million, selon le think tank libéral Institut Montaigne.
Parce qu'elle entraîne un nouveau financement et le pilotage de l'Etat
L'organisme de gestion de l'assurance-chômage s'interroge aussi sur la nouvelle gouvernance qu'implique cette réforme. Selon les documents de l'Unédic, la gestion de cette assurance, aujourd'hui paritaire, pourrait devenir tripartite et pilotée par l'Etat. L'organisme se demande quelle sera vraiment la place donnée aux partenaires sociaux dans cette nouvelle configuration.
Le financement de cette réforme de l'assurance-chômage inquiète également l'Unédic. Les cotisations salariales devraient être remplacées par l'augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG), à hauteur de 1,7 point. Selon L'Humanité (article abonnés), ce remplacement aura pour effet de casser le lien entre le niveau de salaire et celui des indemnités-chômage.
Ce changement pose enfin, selon l'organisme, une véritable question de constitutionnalité. L'Etat peut-il vraiment affecter des recettes de la CSG à un régime qui ne couvre pas tous ceux qui s'acquittent de cet impôt ? "La doctrine du Conseil constitutionnel ne semble pas totalement établie sur ce point", explique l'Unédic.
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