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Chômage : si la baisse était attendue, l’économiste Eric Heyer estime "surprenante" la création de 260 000 emplois en plein ralentissement économique

Le taux de chômage a nettement baissé au quatrième trimestre 2019, selon les chiffres de l'Insee, pour s'établir à 8,1% de la population active et atteindre ainsi son plus bas niveau depuis fin 2008. Sur un an, le taux de chômage, mesuré selon les normes du Bureau international du travail (BIT), est en recul de 0,7 point. L'analyse d'Eric Heyer, économiste à l'OFCE.

Article rédigé par franceinfo
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L'économiste Eric Heyer lors des Assises nationales de la citoyenneté, à Rennes le 20 janvier 2018 (PHILIPPE CHEREL / MAXPPP)

Eric Heyer, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) juge sur franceinfo que les chiffres publiés par l'Insee ce jeudi matin confirment "la tendance" que l'on voit "depuis 2015". En 2019, "toutes les tranches d'âge ont vu leur taux de chômage baisser, sauf les jeunes hommes", souligne l'économiste. Il met aussi en lumière la "stabilisation" de la part des CDI en 2019, ce qui "est plutôt une bonne nouvelle".

franceinfo : Les chiffres de l'Insee diffèrent de ceux de Pôle Emploi. Quelle est l'explication ?

Eric Heyer : Effectivement ce ne sont pas des statistiques de Pôle Emploi dans le sens où ce n’est pas du déclaratif puisque c'est une enquête. Au bureau international du travail (BIT), dans tous les pays, on mène la même enquête et on pose des questions aux citoyens en leur demandant s'ils ont travaillé au cours du dernier trimestre, s'ils ont fait des recherches actives d'emploi lorsqu’ils n'ont pas travaillé, etc. S'ils remplissent ces conditions, à savoir : ne pas du tout avoir travaillé, être immédiatement disponible et avoir fait des recherches actives d'emploi alors ils peuvent être considérés comme chômeurs. Voilà ce qu’est le chômage au sens du Bureau international du travail.

Les chiffres du BIT recoupent-ils ceux de Pôle emploi ?

Oui, on voit effectivement une baisse même si, en niveau, ce n'est pas exactement le même nombre de chômeurs. D'ailleurs, Pôle emploi les appelle des demandeurs d'emploi, alors que le BIT les appelle des chômeurs. Mais la tendance est la même : on voit effectivement depuis 2015 une baisse de ce nombre de chômeurs en France.

La réforme de l'assurance chômage est entrée en vigueur le 1er novembre dernier, au milieu de la période mesurée. Cela veut-il dire que dans l'étude du BIT, les personnes qui ont pu être radiées sont quand même considérées comme des chômeurs ?

Oui, il faut faire la distinction entre chômeurs indemnisés et chômeurs non indemnisés. Globalement, vous pouvez être chômeur sans être indemnisé par l'Unedic. Et donc ce que l'on mesure au sens du Bureau international du travail c'est l'ensemble des chômeurs, qu'ils soient ou non indemnisés. De ce point de vue-là, la réforme, qui est trop récente pour avoir une incidence, n'est pas prise en compte.

Avec ces chiffres du chômage, peut-on penser que c’est le secteur privé, et plus particulièrement les PME, qui dopent les statistiques ?

Oui, parce que globalement, ce n'est pas le chiffre de ce matin qui est étonnant. C'est plutôt celui de la semaine dernière concernant les créations d'emplois. L'Insee nous dit que l'on a créé 260 000 emplois en France. Et là, forcément, le chômage va baisser puisque la population active n'augmente que de 100 000 emplois. Donc il était normal de voir une baisse du chômage. Ce qui est plus surprenant, c'est de créer 260 000 emplois alors qu'on est dans un ralentissement économique et que les entreprises indiquent régulièrement qu'elles ont des difficultés à recruter.

Y a-t-il des tranches d'âge particulièrement bénéficiaires de cette baisse du chômage ?

Toutes les tranches d'âge, sur un an, ont vu leur taux de chômage baisser, sauf les jeunes hommes, puisque les jeunes femmes ont vu aussi une amélioration sur le front du chômage. On n'a pas réellement d'explication. Il y en aurait une potentiellement. Depuis deux ans, le gouvernement a stoppé et a réduit considérablement les emplois aidés. Ces emplois aidés bénéficiaient directement aux jeunes.

Est-ce que l'on a des précisions sur la nature des emplois aujourd'hui ?

D'après les statistiques du BIT, il y a une stabilisation de la part de CDD et de CDI. C'est plutôt la bonne nouvelle. On pouvait craindre que l'augmentation des créations d'emplois et donc l'augmentation du taux d'emploi se feraient au détriment de la qualité et qu'il y aurait une explosion des contrats courts ou des CDD de plus d'un mois. Or, d'après ces statistiques, il y a une stabilisation. La part des CDI est stable depuis un an. Cela veut dire qu'on crée de l'emploi avec une précarité qui ne bouge plus. Donc, c'est plutôt une bonne nouvelle, et même les temps complets progressent légèrement plus vite que les temps partiels.

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