Cinq questions sur la mauvaise récolte de blé tendre qui frappe les agriculteurs cette année

Les pluies incessantes depuis l'automne et les températures basses du printemps ont favorisé le développement de maladies et drastiquement réduit les rendements dans les champs.
Article rédigé par Pauline Lecouvé
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Un épi de blé, dans un champ de la commune de Véranne (Loire), le 28 juillet 2024. (ROMAIN DOUCELIN / HANS LUCAS / AFP)

"Catastrophique". C'est l'adjectif qu'a utilisé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, pour qualifier la moisson de blé tendre de cette année, au micro de franceinfo, mercredi 7 août. Il y aura "entre 25 et 30% de récolte en moins", estime le représentant du syndicat agricole. Selon une estimation du cabinet Argus Media, la production en 2024 pourrait en effet être au plus bas depuis 1983, avec 25,17 millions de tonnes récoltées en 2024, contre 35,1 en 2023. Franceinfo fait le point sur cette mauvaise année pour la production de blé tendre, la céréale du pain.

1 Pourquoi la récolte de blé tendre est-elle mauvaise ?

C'est la conséquence d'une mauvaise météo. "Le temps pluvieux a mal démarré la saison au moment des semis" et "les maladies des cultures, les basses températures et le manque d'ensoleillement" ont aggravé la situation, explique dans un communiqué le fournisseur d'information indépendant Argus Media. Les températures douces de l'hiver ont en effet favorisé le développement d'un champignon, qui a affecté la croissance des plants de blé. Résultat, les surfaces consacrées à la culture de blé tendre ont reculé de 10,5% sur un an et les rendements ont chuté de 18,7% par rapport à la moyenne sur les cinq dernières années, d'après les estimations du cabinet.

"On a eu du mal à implanter les cultures à l'automne, et les nuits froides et l'excès d'eau au printemps ont déclenché des maladies du pied et gêné la fécondation des épis", témoigne Jean-Bernard Lozier, céréalier dans l'Eure et membre de la Confédération paysanne. "On a eu des épis sans grains dans le tiers supérieur", déplore l'agriculteur, pour qui le réchauffement climatique n'est pas étranger à cette météo néfaste aux récoltes. "Il y a toujours eu des mauvaises années, mais avec le réchauffement climatique, les sécheresses sont de plus en plus fortes et les pluies aussi", affirme le cultivateur.

2 Les autres récoltes sont-elles concernées ?

Les champs d'orge, de colza ou encore de pois n'ont pas non plus été épargnés par la mauvaise météo des derniers mois. Début juillet, l'Agreste, le service statistique du ministère de l'Agriculture, estimait déjà, dans une note de conjoncture, que les récoltes d'orge d'hiver et de colza seraient en nette baisse en 2024. L'Agreste prévoit une production de 8 millions de tonnes d'orge d'hiver cette année, contre 9,7 en 2023, et une production de 3,9 millions de tonnes de colza en 2024, contre 4,3 en 2023.

"Sur le blé, l'orge et le colza, j'ai fait moitié moins de rendement", estime Jean-Bernard Lozier. L'agriculteur, qui cultive 11 types de céréales, a aussi perdu toute sa récolte de pois. "Tout avait disparu avant la récolte", regrette-t-il. En revanche, certaines de ses autres cultures ne sont "pas aussi catastrophiques". "Le maïs, le tournesol et le sorgho ont eu un départ difficile, mais maintenant la pluie les alimente bien et il fait chaud, mais pas trop", se réjouit le céréalier, "plutôt optimiste pour ces récoltes", qui devraient lui permettre de limiter les pertes de cette mauvaise année.

3 Quelles sont les conséquences pour les agriculteurs ?

La baisse des rendements dans les champs de blé tendre représente des pertes "de l'ordre de 30 000 à 40 000 euros" pour une exploitation agricole moyenne, affirme Arnaud Rousseau. Le représentant syndical craint par ailleurs que le prix payé aux agriculteurs ne baisse, en raison de la qualité des récoltes. "Ce n'est pas systématique, mais le blé, quand il subit comme ça, de manière régulière, des précipitations pendant l'été, sa qualité se dégrade", explique-t-il. Or, si la qualité des céréales est moins bonne, "cela dégrade le prix payé à l'agriculteur", conclut-il.

"Je dirais que je vais avoir une baisse moyenne de 30% de marge sur les cultures impactées [blé tendre, orge, colza]", estime Jean-Bernard Lozier. "Je ne m'en sors pas trop mal parce que je limite au maximum les intrants, ce qui limite mes coûts, analyse le céréalier, mais j'ai des collègues en agriculture conventionnelle qui ont mis plus de produits phytosanitaires pour protéger leurs cultures, parce que la météo était mauvaise, et qui disent déjà que ce sera une année blanche pour eux."

4 Les prix des produits à base de blé tendre vont-ils augmenter ?

"La mauvaise récolte en France ne pèse rien sur le marché international, ça m'étonnerait que les prix augmentent, juge Jean-Bernard Lozier. C'est complètement impossible de décider d'augmenter les prix, on est entièrement tributaires du marché international." Le cultivateur de l'Eure avance que si les prix des produits à base de blé tendre augmentent, "la mauvaise récolte ne sera qu'un prétexte".

Le blé tendre, la céréale la plus cultivée en France, fournit de la farine utilisée pour fabriquer du pain, des biscuits ou des gâteaux. Il est globalement utilisé dans la plupart des produits à base de pâte fraîche, contrairement au blé dur, qui est utilisé pour les produits à base de pâte dure, comme les pâtes, la semoule ou le boulgour. Selon les estimations de l'Agreste, la production de blé dur devrait, elle, rester stable entre 2023 et 2024.

5Les agriculteurs vont-ils recevoir des aides de l'Etat ?

Le président de la FNSEA a déjà demandé au ministre de l'Agriculture démissionnaire, Marc Fesneau, de mettre en place "des mesures d'accompagnement de l'Etat classiques", par exemple "sur les taxes sur le foncier non bâti, avec des exonérations, des aides au paiement des charges sociales et fiscales". Fin juillet, le gouvernement s'était dit prêt à activer des dispositifs d'aide exceptionnelle aux céréaliers en cas de mauvaises moissons.

Arnaud Rousseau a aussi exprimé son souhait que les "enveloppes de crise" qui sont ouvertes au niveau de l'Union européenne "soient rapidement activées". Enfin, le représentant de la FNSEA a annoncé que son syndicat était "en pleine négociation avec les banques pour pouvoir bénéficier (…) de conditions de trésorerie", comme "des prêts bonifiés avec des taux réduits qui permettront de continuer les cycles d'exploitation".

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