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Fin des emballages plastiques des fruits et légumes : le risque d'une "moindre envie d'acheter"

A partir du 1er janvier 2022, les emballages plastiques seront interdits pour un certain nombre de fruits et de légumes en France.

Article rédigé par franceinfo
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Des légumes dans des emballages en plastique. (JEAN-FRAN?OIS FREY / MAXPPP)

"Le plastique a un énorme inconvénient, il n'est pas bon pour l'environnement. Il a un avantage, c'est qu'il permet de voir" ce que l'on achète, a résumé ce lundi 11 octobre sur franceinfo le journaliste Olivier Dauvers, spécialiste de la grande distribution, auteur du blog Le Web Grande Conso, alors qu'à partir du 1er janvier 2022, les emballages plastiques seront interdits pour des fruits et légumes. Certains produits y échapperont jusqu’en 2026. La liste doit être officialisée mardi 12 octobre dans un décret d’application de la loi anti-gaspillage votée en janvier 2020.

franceinfo : Il y aura des exceptions à cette interdiction des emballages plastiques, mais quand même, c'est une révolution pour les magasins ?

Olivier Dauvers : C'est un signal politique qui va accélérer un mouvement que l'on voyait déjà, mais probablement de manière trop timide. Ceux qui font leurs courses savent qu'on commence à voir, par exemple, des fruits et légumes qui sont dans les emballages carton. Le plastique a un énorme inconvénient que personne ne conteste, il n'est pas bon pour l'environnement. Il a un avantage, c'est qu'il permet de voir les fruits et légumes qu'on achète. Ce que ne permettra pas le carton pour les produits qui devront continuer à être emballés, c'est aussi pour ça que, jusqu'à présent, ça n'allait probablement pas aussi vite que le citoyen le voulait. Tout simplement parce que le consommateur lui-même trouvait un intérêt au plastique.

La grande distribution a déjà intégré la nécessité de mettre moins de plastique ou il y-a-t-il encore la volonté d'essayer de "jouer" avec les exceptions ?

Il faut savoir que le présenter uniquement sous le prisme de la grande distribution, c'est partiel parce que c'est aussi le sujet de leurs fournisseurs, des grossistes ou des producteurs. C'est eux qui vont devoir faire preuve d'inventivité pour passer du plastique à d'autres matériaux. Donc, il n'y avait pas à proprement parler une volonté de freiner, mais simplement il n'y avait pas l'obligation d'aller vite. Il y a une nuance entre les deux, c'est qu'il y avait un mouvement qui était d'ailleurs entamé avant le Covid, de se passer du plastique. Et rappelez-vous ce qu'on a vu pendant le Covid, les clients ont demandé du plastique parce qu'ils voulaient être rassurés sur le côté sanitaire, parfois même pour choisir leurs fruits et légumes en leur mettant à disposition des gants en plastique. Voyez cette dichotomie qu'il y a entre le citoyen qui veut moins de plastique et le consommateur qui, à certains moments, est rassuré par le plastique. Ce n'est pas un petit paradoxe.

Est-ce que cela va être facile de passer de ce monde-là à un univers plus naturel ?

Non, ça ne va pas être facile parce que c'est un changement de pratique et par principe, les changements de pratiques sont toujours difficiles. Il y aura des alternatives que l'on voit déjà arriver. Je pense par exemple aux barquettes de tomates cerises que vous aviez peut-être l'habitude d'acheter dans des barquettes en plastique. Désormais arrivent des barquettes en carton. Et ça pose un problème, c'est que vous voyez moins le produit qui vous fait moins de l'œil. Vous aurez peut-être moins envie de l'acheter. Donc il pourrait y avoir sur certains fruits et légumes, dès lors qu'on ne les voit plus ou qu'on les voit moins, une moindre envie de les acheter, et ça serait un problème, évidemment, pour la distribution de repas, mais aussi pour les producteurs qui auraient moins de débouchés. Donc, il va falloir y aller vite parce que le gouvernement l'a décidé. Mais malgré tout, il ne va pas falloir faire d'erreur parce que pour certains produits, les risques d'une moindre vente sont là.

La loi s'appliquera-t-elle aussi à l'arrière-boutique, aux livraisons et pas seulement aux rayons des magasins ?

C'est de toute façon une chasse au plastique qui est générale. Et dans l'absolu, ce n’est pas que les fruits et légumes. Mais les fruits et légumes sont des produits fragiles. Quand vous êtes un producteur, un grossiste ou un distributeur, mettre des emballages, ça vous coûte de l'argent, donc vous ne les imaginez pas assez bêtes pour dépenser de l'argent s'il n'y en avait pas besoin. Les fruits et légumes sont des produits fragiles et d'autant plus quand les consommateurs les réclament mûrs, prêts à consommer. C'est aussi un autre paradoxe. Si on les achète tous absolument dur et pas à maturité, on aurait moins besoin de les protéger. Dès lors qu'on les veut du prêts à consommer, il faut les protéger. Ça paraît peut-être bête, mais c'est la réalité des choses sur le terrain, dans les rayons.

Il y a une demande de certains consommateurs pour avoir beaucoup moins de plastique ?

J'aurais même tendance à dire qu'il y a une demande de tous les consommateurs qui souhaitent qu'on consomme moins de plastique. Le citoyen veut plus d'environnement dans tout ce qu'il fait, et notamment là, quand il fait ses courses. Moins d'emballage, c'est le développement du vrac. Mais dans le même temps, n'oubliez pas encore une fois qu'il y a le consommateur et que si c'est le même individu, il a bien deux facettes. Et par moments, il y a des paradoxes, des injonctions contradictoires. Le sujet des emballages en fruits et légumes en est une illustration.

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