Gels tardifs : "Ce qui n'est pas normal, ce sont les chaleurs de mars, qui sont une caractéristique du changement climatique"
La violence de l'épisode de gel qui a détruit de nombreuses cultures en France, la semaine dernière, est une conséquence des épisodes de chaleur précoce fin mars qui ont favorisé la floraison des végétaux et leur fragilité face au froid. Franceinfo fait le point avec Serge Raka, docteur en agrométéorologie.
"Une situation exceptionnelle." Voilà comment le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, a qualifié la vague de froid et l'épisode de gel tardif qui ont fortement touché les cultures de nombreuses régions françaises la semaine dernière. Alors qu'un nouvel épisode de gel est attendu, mercredi 14 et jeudi 15 avril, le gouvernement a débloqué des aides pour aider les agriculteurs touchés par cet épisode, dont la violence est liée au changement climatique.
En accélérant la floraison des végétaux lors des épisodes de chaleur précoce en février ou en mars, le changement climatique rend les épisodes de gel tardif plus destructeurs pour les cultures. Franceinfo fait le point avec Serge Raka, docteur en agrométéorologie.
Franceinfo : Pourquoi cet épisode de gel tardif a-t-il été dévastateur ?
Serge Raka : Ce qui l'a rendu grave au niveau de l'agriculture, c'est la semaine qui a précédé cet épisode avec des records de chaleur battus (près de 28 °C). Il a été dévastateur car la semaine de douceur a favorisé l'ouverture des bourgeons. Cet épisode de gel tardif s'est traduit par une grosse chute de température, la plus importante en avril depuis que Météo France recense les indicateurs thermiques (en 1947)*.
Y a-t-il un lien avec le changement climatique ?
Un épisode de gel tardif est courant et arrive chaque année en France, cela fait partie de la variabilité de notre climat. Ce qui n'est pas normal, ce sont les chaleurs de mars qui sont une caractéristique du changement climatique.
"On appelle ça le faux printemps, lorsqu'on observe un événement de douceur en février et mars qui réveille la végétation avant le retour du froid. Cette ouverture précoce des bourgeons, qu'on observe depuis vingt à trente ans, est une marque du changement climatique."
Serge Rakaà franceinfo
Le changement climatique est à l'origine de dégâts plus importants liés au gel, pas à cet épisode de gel tardif proprement dit. Plus la floraison des végétaux débute tôt, et plus les bourgeons sont exposés à des périodes de gel.
Ces épisodes vont-ils s'intensifier dans les prochaines années ?
Les épisodes de gel tardif ne seront pas plus fréquents, mais ils tomberont à une période de floraison des cultures et provoqueront ainsi des dégâts plus importants car ils seront précédés de périodes de douceur. Ils seront donc plus dévastateurs, alors que le changement climatique fait diminuer le nombre de jours de gel.
"Ceux qui resteront interviendront durant la période de floraison où les bourgeons sont plus exposés."
Serge Rakaà franceinfo
Comment l'agriculture peut-elle s'adapter ?
On ne peut ni maîtriser ni éviter ces événements, ils auront lieu et on ne peut que réduire les dégâts. Il existe plusieurs solutions : faire des feux pour chauffer les parcelles, asperger les végétaux avec de l'eau froide avant la période de gel pour créer une couche de glace qui les protégerait ou encore utiliser des systèmes de ventilation. Mais il est impossible d'éviter à 100% un épisode de gel.
*Météo France a mesuré la plus grande amplitude thermique à ce jour entre la température moyenne en France le 31 mars (15 °C) et le 6 avril (5,1 °C).
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