Glyphosate : cinq questions sur la condamnation de Monsanto aux Etats-Unis
Le géant américain a été condamné à payer 289 millions de dollars à un jardinier américain pour ne pas l'avoir informé de la dangerosité de ses herbicides. Plusieurs milliers d'affaires similaires sont en cours aux Etats-Unis.
Une décision inédite. L'entreprise Monsanto a été condamnée, vendredi 10 août, par un tribunal de San Francisco (Etats-Unis), à payer 289 millions de dollars de dommages à Dewayne Johnson, un ancien jardinier qui a utilisé deux déherbants de la firme, le Roundup et le Ranger pro. Jardinier dans une école californienne, le plaignant a déclaré par la suite un cancer incurable du système lymphatique.
Monsanto, depuis racheté par le groupe allemand Bayer, a fait appel de la décision, et affirme toujours que ses produits ne provoquent pas de cancer. De leur côté, de nombreux militants écologistes se félicitent de cette décision "historique".
Pour quels faits la firme Monsanto a-t-elle été condamnée ?
Dans le jugement rendu vendredi, le jury a répondu par l'affirmative à presque toutes les questions posées à l'encontre du groupe Monsanto. Selon l'énoncé de la décision, non seulement au moins l'un des deux produits utilisés par Dewayne Johnson a contribué à son cancer, mais Monsanto connaissait la dangerosité des substances, et a volontairement choisi de ne pas "accompagner ses pesticides d'un avertissement destiné au consommateur".
Dans le détail, le géant américain a été condamné à 250 millions de dollars (218 millions d'euros) de dommages et à verser à Dewayne Johnson 39 millions de dollars (34 millions d'euros) d'intérêts compensatoires. Monsanto a fait appel du jugement.
Est-ce une première ?
Le cas de Dewayne Johnson, qui concerne des produits utilisant du glyphosate, a été le premier à bénéficier d'un procès, en vertu d'une loi californienne qui oblige les tribunaux à organiser la procédure avant la mort du plaignant. Selon ses médecins, son cancer ne lui laisse plus que deux ans à vivre. Selon les médias américains, des milliers de procédures similaires sont en cours aux Etats-Unis contre Monsanto, à des degrés d'avancement divers.
"C'est un jour historique", s'est réjoui l'avocat de Dewayne Johnson, Marc Burton. Cette décision "va provoquer une cascade de nouvelles affaires", s'est aussi félicité Robert F. Kennedy Jr, membre de l'équipe d'avocats rassemblée autour du plaignant.
Comment la firme américaine réagit-elle ?
Samedi, le groupe allemand Bayer, propriétaire de Monsanto après son récent rachat, a défendu auprès de l'Agence France-Presse le caractère inoffensif de la molécule de glyphosate, "sur la base de preuves scientifiques, d'évaluations réglementaires à l'échelle mondiale et de décennies d'expérience pratique de l'utilisation du glyphosate".
Le glyphosate est sûr, et non cancérogène.
Le groupe Bayerà l'AFP
Y a-t-il des cas similaires en France ?
En France, deux procédures sont encore en cours contre l'entreprise d'agrochimie.
La première est une affaire concernant un agriculteur céréalier charentais, Paul François, qui a porté plainte en 2007 contre Monsanto, l'accusant d'être responsable de sa maladie. Paul François a manipulé pendant des années le Lasso, un puissant herbicide, avant de subir cinq mois d'hospitalisation, une amnésie de onze jours et plusieurs comas. En 2015, la cour d'appel de Lyon a donné raison à l'agriculteur, mais la décision a été cassée par la Cour de cassation, et est en attente d'un nouveau jugement.
La deuxième affaire est la plainte d'une mère de famille qui accuse le glyphosate d'être responsable des malformations chez son fils, Théo. Elle avait utilisé du désherbant pendant sa grossesse. En 2016, à seulement 7 ans, Théo avait déjà subi une cinquantaine d'opérations.
>> VIDEO. Envoyé spécial. Théo, 7 ans, victime du glyphosate ?
Quelles sont les réactions en France ?
En France, cette décision de justice était très attendue par de nombreux militants écologistes, qui dénoncent la dangerosité des produits à base de glyphosate, accusé d'être dangereux pour la santé. Ses détracteurs s'appuient notamment sur les conclusions du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l'Organisation mondiale de la santé, qui a classé le produit comme "probable cancérigène" en 2015, et perturbateur endocrinien pour l'homme.
"C'est une décision historique", a réagi sur franceinfo François Veillerette, directeur et porte-parole de Générations Futures, voyant dans ce jugement "une avancée qui reconnaît le bienfondé du jugement du Centre international de recherche sur le cancer".
"Aujourd'hui, on a une décision de justice qui montre que ça produit le cancer chez l'humain", a réagi le secrétaire national d'Europe Ecologie-Les Verts, David Corman. "En France comme aux Etats-Unis, le glyphosate Roundup est mortellement dangereux, sortons des pesticides et changeons de modèle agricole", a plaidé l'eurodéputé écologiste Yannick Jadot. "[Les dirigeants de Monsanto] ne sont pas des magouilleurs mais des criminels", s'est pour sa part exclamé le député européen altermondialiste José Bové sur Twitter.
#Monsanto condamné par la justice américaine pour empoissonnement. Les dirigeants étaient conscients des dangers du #Roundup et du #glyphosate. Ce ne sont pas des magouilleurs mais des criminels. Les ministres de l’environnement des 28 états membres doivent interdire ce poison.
— José Bové (@josebove) 11 août 2018
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