La banane, le «pétrole vert» de l'Angola
Le business de la banane a propulsé Novagrolider au rang des leaders industriels de l'agriculture en Angola. Le deuxième producteur de pétrole en Afrique, dont les revenus pétroliers ont été divisés au moins par trois depuis 2014, s'emploie à redresser son économie en misant sur le secteur agricole et notamment sur l'exportation de ce fruit.
"From Angola, with love". C'est estampillées de cette mention que plusieurs dizaines de tonnes de bananes quittent chaque semaine l'entreprise Novagrolider pour rejoindre le continent européen par la mer. Un périple de plus de 6000 km pour ces fruits stockés dans des containers réfrigérés, dont l'essentiel est destiné au Portugal.
Fondée en 2008 avec des capitaux privés portugais, Novagrolider est devenue, en dix ans, un exemple national de l'agriculture industrielle, que le gouvernement angolais veut promouvoir pour sortir du tout-pétrole et donc de la crise.
A quelques dizaines de kilomètres au nord-est de la capitale Luanda, la plantation Novagrolider de Caxito s'étend sur près de 600 hectares, avec ses bananiers alignés au cordeau, dont les fruits sont protégés par des sacs plastique bleus.
3 à 4000 cartons par jour
Les lourdes grappes fraîchement cueillies rejoignent ensuite un hangar, où elles sont plongées délicatement dans de vastes piscines. Elles sont ensuite lavées, puis calibrées et méticuleusement triées. Au total, 3 à 4000 cartons par jour.
Les plus belles sont "chargées dans un conteneur qui arrivera dans vingt à vingt-cinq jours en Europe" , explique Edwin Andres Luis Campos, le contremaître des lieux. Les autres sont vendues dans les "quatre à cinq jours dans des supermarchés angolais".
En quelques années, l'activité de Novagrolider s'est considérablement développée. Les 3500 salariés de la société du groupe Grupolider – présent aussi dans les secteurs du transport et de l'immobilier – produisent dans ses quatre plantations angolaises bananes, ananas, mangues ou pastèques, sans compter de nombreux légumes.
"Malgré la concurrence d'Amérique latine, la qualité de nos produits nous permet désormais de vendre au Portugal et en Espagne. Et ce n'est pas fini", explique son ambitieux patron Joao Macedo.
"Impératif national"
M. Macedo espère rapidement doubler sa production en visant la barre des 170.000 tonnes par an et compte bientôt conquérir, avec ses bananes, le marché sud-africain.
A Caxito, le "ministre" de l'Agriculture pour la province de Bengo dit "inciter financièrement", avec des dons d'outils et de semences notamment, "les petits agriculteurs à augmenter les surfaces cultivées".
"Jusqu'à présent, ils utilisent l'essentiel de leur production pour leur propre subsistance, nous voulons qu'ils puissent en vendre une plus grande partie sur les marchés."
"La banane, c'est notre pétrole vert", se félicite le fonctionnaire. Ici, elle peut être une solution pour la diversification de l'économie."
Pendant la décennie qui a suivi la guerre civile (1975-2002), l'Angola a connu une croissance à deux chiffres grâce à sa manne pétrolière, qui génère 90% de ses exportations et 70% de ses recettes.
Mais la chute des cours du brut en 2014 a fait exploser ce modèle et plongé le pays dans une crise provoquant récession, inflation galopante, endettement et chômage de masse.
Diversifier l'économie, notamment en développant l'agriculture, c'est ce qu'a promis le nouveau président João Lourenço. Il en a même fait un "impératif national" pour "garantir l'autosuffisance alimentaire", "réduire les importations et les dépenses en devises" et "créer des emplois".
Investissements étrangers
Malgré l'adoption d'une loi récente destinée à favoriser les investissements étrangers, "nous avons besoin de l'aide de l'étranger, car nous manquons de capital, de technologie et de main d'œuvre formée", explique Carlos Rosado de Carvalho, patron du magazine économique angolais Expansão. "Mais ça ne suffira pas (...). Il faut aussi convaincre les Angolais eux-mêmes d'investir dans leur agriculture. Et pour ça, il faut absolument régler le problème de la propriété foncière", prévient-il.
Héritage de son passé marxiste post-indépendance, la loi fait toujours de l'Etat angolais le propriétaire de la terre. "Il m'a fallu trois, quatre ans pour trouver des terres", confirme le patron de Novagrolider.
"Jusqu'à présent, nous n'avons aucune aide de l'Etat, insiste-t-il Si j'avais des soutiens pour le carburant, les exportations ou la formation, on avancerait plus vite." Mais malgré ces obstacles, João Macedo reste plus que jamais convaincu que "si elle est soutenue et structurée par l'Etat, je vous le dis, l'agriculture sera le moteur du développement de ce pays".
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