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Trois questions sur la pénurie de moutarde qui touche la France (et le monde)

Le prix de la moutarde conditionnée a augmenté de près de 14% en un an. En cause : l'effondrement de la production au Canada, premier exportateur mondial de graines de moutarde.

Article rédigé par franceinfo
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Des rayons à moitié vides de moutarde, dans un supermarché parisien, le 4 juin 2022. (MAGALI COHEN / HANS LUCAS / AFP)

Elle est si rare qu'on pourrait croire qu'il s'agit de petits pots d'or. Depuis quelques semaines, il est devenu quasiment impossible de trouver de la moutarde dans les rayons des supermarchés. Et quand il y en a, il faut s'accrocher à son porte-monnaie : le prix de la moutarde conditionnée a augmenté de près de 14% en un an, selon l'institut d'études spécialisé dans les études de marché IRI. Mais quelle est la cause de cette pénurie ? Et va-t-elle bientôt se résoudre ? Franceinfo vous répond.

A quoi est due la pénurie de moutarde ?

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la France n'est plus une grande productrice de graines de moutarde : 80% de celles utilisées dans notre pays proviennent du Canada, le premier exportateur mondial en la matière, rappellent Les Echos (article réservé aux abonnés), dans une enquête consacrée à la pénurie actuelle.

Or, ces dernières années, le pays "a réduit nettement ses champs de graines de moutarde au profit du blé, qui était plus rémunérateur", expliquait début juillet à franceinfo Lionel Maugain, du magazine 60 Millions de consommateurs. A cela s'ajoute "une récolte catastrophique en 2021 à cause d'une sécheresse", rappelle ce dernier. La production canadienne a donc chuté de moitié en 2021-2022, à 50 000 tonnes de graines, selon un document (PDF) du ministère de l'Agriculture canadien datant d'avril.

Quant aux autres grands exportateurs de graines de moutarde... il s'agit de la Russie et de l'Ukraine. Mais la guerre entre les deux pays exclut toute exportation pour l'instant. Enfin, la production française a fait les frais d'un insecte ravageur, la "grosse altise", au grand dam des agriculteurs. Ceux-ci assurent qu'il faut y voir les conséquences de l'interdiction de l'épandage de pesticides depuis 2019.

N'est-elle pas organisée par les enseignes, comme le laisse penser une vidéo ?

Une vidéo partagée plusieurs milliers de fois sur les réseaux sociaux prétend dénoncer l'imposture de la pénurie de moutarde. On y voit des palettes entières de pots de moutarde stockées dans ce qui ressemble à un entrepôt. Un homme, dont on entend que la voix, explique tout en filmant ces palettes qu'il "travaille dans le transport" et "livre les magasins Carrefour".

Une vidéo de stocks de moutarde diffusée sur les réseaux sociaux. (CAPTURE D'ECRAN TWITTER)

Comme franceinfo l'avait déjà démontré, cette vidéo est en partie une "fake news" : si les palettes de moutarde sont bien réelles (mais appartiennent à Leclerc et non à Carrefour), l'interprétation qui est faite de leur présence en grand nombre est erronée. Selon le fabricant, il s'agissait d'une commande un peu particulière puisque quatre semaines de commandes avaient été regroupées en une seule livraison. De son côté, Leclerc explique qu'il "n'est pas surprenant que plusieurs palettes se retrouvent en transit de manière très ponctuelle sur une plateforme en attendant leur dispatch".

Quand peut-on espérer un retour à la normale ? 

"L'impact de la pénurie de graines est majeur", assure Unilever, premier producteur de moutarde, auprès des Echos. Elle "va se faire ressentir toute l'année : il nous manquera plus d'un tiers de nos besoins en graines de moutarde pour assurer nos volumes de production 2022". L'entreprise espère néanmoins "retrouver les approvisionnements habituels dès réception de la prochaine récolte de graines en octobre 2022".

Même analyse du ministère de l'Agriculture canadien, qui estime qu'en 2022-2023, "les producteurs vont réagir aux prix élevés du marché en maximisant la superficie ensemencée", ce qui devrait permettre "un retour à la tendance ou à des rendements légèrement inférieurs à la tendance"

Dans l'intervalle, "la production française ne pourra pas satisfaire la demande nationale", prévient Marc Désarménien, directeur général de la moutarderie Fallot, dans Les Echos. Il faudra donc s'armer d'un peu de patience pour les prochains mois. D'ici là, le site de recettes de cuisine Marmiton vous propose six alternatives à la moutarde : tahini (purée de sésame), yaourt, échalote, raifort, wasabi, sauce worcestershire.

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