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"Un poulet ukrainien, ce n'est pas la même chose qu'un poulet français" : le ministre de l'Agriculture prône le "patriotisme nutritionnel"

"Il nous faut investir massivement pour relocaliser nos productions", a déclaré Julien Denormandie sur franceinfo.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Julien Denormandie en mai 2021.  (FRANCOIS LO PRESTI / AFP)

"Le patriotisme nutritionnel, c'est bon pour nos territoires, mais c'est avant tout bon pour notre propre santé", a déclaré Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, mardi 18 mai sur franceinfo. Il déplore que la France importe aujourd'hui près de 60% des fruits et 40% légumes que nous consommons. Le sujet de la souveraineté alimentaire est au cœur d'une conférence présidée par Emmanuel Macron ce mardi. Le ministre souligne notamment que l'origine des produits va bientôt être indiquée dans les cantines scolaires : "Quand on va se rendre compte que c'est du poulet ukrainien ou brésilien, il y a pas mal de parents qui vont interroger localement".

franceinfo : Aujourd'hui, la France importe 60% des fruits qu'elle consomme, 40% de ses légumes, le chiffre augmente année après année, est-ce une fatalité ?

Julien Denormandie : Non, ce n'est pas une fatalité et c'est d'abord un enjeu qui est massif. L'enjeu, c'est celui de notre souveraineté alimentaire. Derrière ce terme, il y a notre capacité à nous nourrir nous-mêmes, notre capacité à produire en France ce qui va nous alimenter. Cet enjeu est colossal. Aujourd'hui, on voit qu'il y a de plus en plus de fruits importés. On voit que dans la cantine de nos enfants, il y a de plus en plus de volaille importée. Un poulet brésilien, un poulet ukrainien ce n'est pas la même chose qu'un poulet français. Ces produits importés ne respectent pas les mêmes normes que nous, ils sont souvent moins-disant en termes de qualité. Donc, pour moi, c'est une question de souveraineté mais aussi une question du quotidien en termes de qualité des aliments.

La moitié du poulet que nous consommons en France vient de l'étranger, 80% dans les cantines. Pourquoi n'indique-t-on pas l'origine des produits dans la restauration collective ?

Parce que la loi ne le permettait pas, on l'a modifiée avec la majorité au Parlement. A partir de cet été, on va pouvoir imposer l'origine des aliments, notamment de la viande, dans les cantines, dans la restauration hors-domicile. Que les parents puissent savoir ce que leurs enfants mangent, c'est quand même le minimum. Je pense que ça va faire changer un certain nombre de lignes quand on va se rendre compte que dans des cantines c'est du poulet ukrainien ou brésilien, il y a pas mal de parents qui vont interroger localement en disant 'mais comment fait-on pour changer les choses ?'

Le changement passe donc aussi par la commande publique dans les cantines scolaires, dans les hôpitaux. L'Etat va donner l'exemple ?

L'Etat doit donner l'exemple, je me mobilise beaucoup avec mes collègues pour faire en sorte que l'Etat soit en effet exemplaire. Et c'est d'ailleurs ce que nous avons fait dernièrement encore dans la loi Climat, on a rehaussé ces objectifs de produits de qualité, notamment dans la commande publique. Mais au-delà de ça, il nous faut investir massivement pour relocaliser nos productions, pour rasseoir la force de notre agriculture, parce que la réalité c'est qu'on a une agriculture qui est très forte. Pendant la période de la Covid, on n'a manqué de rien sur les étals des supermarchés, il n'y a pas eu de pénurie contrairement à d'autres pays, y compris en Europe. On voit que si on a une agriculture forte, aujourd'hui elle est menacée par ces importations et elle est aussi menacée par le changement climatique.

Est-ce que ça passe aussi par un changement de comportement des consommateurs qui doivent par exemple oublier les fraises importées à la fin de l'hiver ?

On ne peut pas l'interdire, c'est une question de pédagogie, une question d'information. Aujourd'hui on a perdu cette notion de saisonnalité, c'est très important de la réinstaurer. Par exemple, on a renforcé les obligations d'indication de la saisonnalité dans les supermarchés. Je crois que c'est essentiel que chacun puisse être informé sur la saisonnalité de ses produits, qui est aujourd'hui quelque chose de peu évident parce que ça a disparu beaucoup de nos habitudes. Et deuxième point, il faut bien avoir en tête que notre agriculture est marquée par deux qualités : la qualité nutritionnelle et la qualité environnementale. Elle a les standards les plus élevés en Europe probablement, et sûrement au monde. Et en fait, on a parfois une injonction paradoxale dans notre société : d'un côté on veut une agriculture de qualité et de l'autre côté on veut les prix les plus bas possible. Au bout d'un moment cette injonction n'est plus possible. On ne peut pas demander toujours plus de qualité et toujours plus de prix bas, ça n'est pas possible. Les prix, ça conduit aux importations et ça n'est pas les mêmes produits.

Est-ce que tout ça ne pourrait pas passer par une sorte de nutri-score ou sur chaque emballage de fruits ou de légumes, on pourrait connaître la saisonnalité, le coût du transport ou le coût environnemental ?

Oui, d'ailleurs on travaille beaucoup là-dessus. Mais il faut faire attention : trop de labels tuent le label. Quand vous êtes dans un supermarché, vous voyez bien qu'on a une somme d'informations qui est souvent trop importante. Mais il y a en revanche quelque chose qui est assez simple : de manière générale quand vous achetez un produit de votre territoire et un produit de saison, un produit frais, un produit local, à coup sûr c'est ce qu'il y a de mieux d'un point de vue nutritionnel. Comme disait Hippocrate, le premier des médicaments c'est l'alimentation. Dans cette période, en appeler à ce patriotisme nutritionnel, c'est bon évidemment pour nos territoires, mais c'est avant tout bon pour notre propre santé.

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