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"1% des violeurs condamnés" en 2016 : que faut-il comprendre de ce chiffre avancé par Marlène Schiappa ?

La secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes a cité ce chiffre à deux reprises dans les médias ces derniers jours, provoquant de nombreuses critiques. 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
La secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, le 21 mars 2018 à l'Elysée, à Paris.  (LUDOVIC MARIN / AFP)

"Seulement 1% des violeurs sont condamnés et font de la prison, ce n’est pas normal." Ce chiffre, Marlène Schiappa l'a répété à deux reprises, sur France Inter, jeudi 3 mai et sur Europe 1, dimanche 6 mai. Que recouvre-t-il réellement ? Alors que la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes présente un projet de loi sur le sujet dans une semaine, franceinfo fait le point. 

D'où provient ce pourcentage ? 

Comme l'avance le cabinet de la secrétaire d’Etat auprès de 20 Minutes, ce ratio provient de deux chiffres : le premier est issu de la lettre de l'Observatoire national des violences faites aux femmes, qui s'appuie sur lenquête "Cadre de vie et sécurité" de 2017, menée par l'Insee en partenariat avec l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP) et le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure. Selon cette lettre, en 2016, 93 000 femmes ont déclaré avoir été victimes de viols ou de tentatives de viol. Mais ce chiffre ne figure pas tel quel dans l'enquête "Cadre de vie et sécurité". 

Le second chiffre provient du ministère de la Justice et figure également dans la lettre de l'Observatoire : en 2016, 1 012 personnes (1 001 hommes et 11 femmes) ont été condamnées pour viols.

Les services de Marlène Schiappa ont donc réalisé un simple produit en croix pour parvenir au pourcentage de 1,08% de violeurs condamnés. 

Pourquoi est-il contesté (et contestable) ? 

Pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le chiffre de 1 012 personnes recouvre des condamnations pour des viols commis sur mineurs et majeurs. Or, le chiffre de 93 000 ne concerne, lui, que des victimes âgées de plus de 18 ans. Ensuite, cette comparaison s'appuie sur des "unités de compte différentes", comme l'explique un chercheur de l'ONDRP sur Twitter : l'enquête "Cadre de vie et sécurité" est basée sur du déclaratif, les personnes interrogées affirmant avoir été victimes de viols ou de tentatives de viol. Les chiffres du ministère de la Justice émanent, eux, de condamnations effectives. "Une victime peut avoir subi un ou plusieurs viols, commis par une ou plusieurs personnes. Et la même personne peut avoir commis plusieurs viols", souligne Hugo d'Arbois de Jubainville sur le réseau social. "Ce produit en croix est le degré zéro de l'analyse criminologique", s'insurge-t-il.

Enfin, il est impossible de comparer les plaintes déposées en 2016 et les condamnations de la même année car elles ne se recroisent pas, en raison des délais incompressibles de la justice pour traiter ce type d'infractions. 

"Sont condamnés en 2016 les faits constatés entre 2013-2014, voire peut-être au tout début de l’année 2015", confirme auprès de 20 Minutes le porte-parole du ministère de la Justice, Youssef Badr.

Que disent vraiment les chiffres pour 2016 ?

Selon une note du ministère de la Justice de mars 2018, les affaires de violences sexuelles traitées par les parquets en 2016 ont concerné près de 33 000 personnes mises en cause dans des affaires de viol (38%), d’agression sexuelle (60%) ou de harcèlement sexuel (2 %).

Résultat : plus de 7 personnes mises en cause sur 10 ont vu leur affaire classée sans suite, "essentiellement pour infraction insuffisamment caractérisée ou absence d’infraction et moins de 3 sur 10 ont fait l’objet de poursuites", soit moins de 30%, expliquent les auteurs de cette note. Impossible, à ce stade, de savoir quelle proportion de ces 30% sera effectivement condamnée car ces poursuites peuvent se solder par un non-lieu, ou par un acquittement s'il s'agit d'un viol ou une relaxe s'il s'agit d'agression ou de harcèlement sexuel. A titre d'exemple, sur près de 2 300 personnes mises en examen pour viol et dont l’instruction s’est achevée en 2016 avec cette qualification, 34 % ont bénéficié d'un non-lieu, précise la note du ministère de la Justice. 

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