Atteinte sexuelle sur une mineure de 11 ans : "Il était anormal qu'il n'y ait eu aucune instruction pour viol"
Le tribunal de Pontoise s’est déclaré, mardi, incompétent dans l'"affaire Sarah". Il demande à un juge d'instruction de requalifier en "viol" les faits qui valaient jusqu'alors à un homme de comparaître pour "atteinte sexuelle" après un rapport avec une fillette de 11 ans.
La plainte pour viol de la petite Sarah* n'a finalement pas été enterrée. Au bout de quatre longues heures d'audience à huis clos, le tribunal correctionnel de Pontoise a choisi, mardi 13 février, de se dessaisir du dossier et d'inciter le parquet à nommer un juge d'instruction afin d'ouvrir une information judiciaire. Sarah a eu des relations sexuelles à 11 ans, en avril 2017, avec un homme alors âgé de 28 ans. Choquée, elle avait décidé de porter plainte avec sa famille, mais les enquêteurs avaient estimé qu'elle avait consenti à l'acte et le parquet avait décidé de poursuivre uniquement pour "atteinte sexuelle".
La décision du tribunal ouvre ainsi la voie à une requalification des faits en viol, comme le demandaient les parties civiles. "C'est une victoire pour les victimes, a réagi auprès de franceinfo Carine Diebolt, l'avocate de la plaignante. La famille est satisfaite, le dossier va être renvoyé à l'instruction comme on le demandait depuis le début. On a perdu du temps, donc sur ce point, ce n'est pas satisfaisant, mais du point de vue de la justice, ça l'est."
Il était anormal qu'il n'y ait eu aucune instruction pour viol dans ce dossier, donc le tribunal a pris la juste mesure de ce manque.
Carine Dieboltà franceinfo
"Tout s'est joué en dehors de la salle d'audience"
De son côté, la défense ne digère pas le choix du tribunal. "Je ne comprends absolument pas cette décision. Je suis déçu. En réalité, tout s'est joué en dehors de la salle d'audience avec le travail de sape en amont de Carine Diebolt", confie Marc Goudarzian, l'avocat du prévenu. Un observateur présent à l'audience livre son explication de cette décision : "Vu l'enjeu de ce dossier, la présidente n'a sans doute pas voulu prendre la responsabilité de la décision car il y avait un risque de relaxe."
Carine Diebolt a gagné avec une bataille médiatique menée depuis des mois pour obtenir le renvoi du dossier à l'instruction.
Marc Goudarzianfranceinfo
Le retour à l'instruction du dossier va s'accompagner d'une reprise "à zéro" des investigations avec des auditions et sans doute une confrontation entre le jeune homme (âgé de 29 ans aujourd'hui) et la collégienne âgée désormais de 12 ans. Il devrait également y avoir des expertises psychiatriques. A l'issue de ces mois, voire années de travail, le juge décidera alors qui est compétent pour juger l'affaire.
La question de l'âge du consentement
Si les faits de viol sont qualifiés, l'affaire se retrouvera alors devant une cour d'assises. Marc Goudarzian, qui souhaite étudier les possibilités pour interjeter appel, ne cache pas son pessimisme : "J'ai peur qu'on se dirige vers une mise en examen pour viol. Il risque de passer deux ans en détention provisoire, alors qu'encore une fois, il n'a rien à se reprocher." Dans le box, l'accusé semblait un peu perdu au début de l'audience. Doudoune noire et jean clair, il se frottait le visage ne sachant pas vraiment où poser son regard.
Au-delà des débats juridiques, "l'affaire Sarah" est devenue un emblème de la délicate question de l'âge du consentement sexuel. Elle est "vraiment à l’ordre du jour", même s'il "n’y aura pas de bonnes réponses", a souligné à franceinfo Martine Brousse, la présidente de La Voix de l’enfant, association qui s’est constituée partie civile dans cette affaire. Un dossier devenu si emblématique et médiatique qu'Emmanuel Macron s'est déclaré favorable à une évolution de la loi pour fixer un âge en dessous duquel une victime ne pourra jamais être considérée comme consentante. Le président de la République a évoqué le seuil de 15 ans. La Voix de l'enfant souhaite que la loi "soit dissuasive". "Il faut qu'on protège" les enfants qui "ne font pas la part des choses", a expliqué Martine Brousse. La mesure doit être débattue dans le cadre de la loi contre les violences sexuelles et sexistes présentée le 7 mars.
* Le prénom a été modifié.
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