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Justice : "Nous avons été abandonnés par la ministre pendant deux mois et cet abandon continue", déplore la présidente du Syndicat des avocats de France

Estellia Araez demande un plan de redressement de la justice "à bout de souffle depuis des décennies" et réclame un plan de soutien des avocats.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le Palais de justice de Paris. (LAURE DEBEAULIEU / FRANCE-INFO)

La justice se déconfine elle aussi petit à petit, après deux mois au ralenti pendant lesquels seules les audiences urgentes se sont tenues. Mais l'activité est loin de reprendre comme avant, ce qui provoque la colère d'Estellia Araez, présidente du Syndicat des avocats de France. "Nous avons le sentiment que nous avons été abandonnés par madame la ministre pendant deux mois et cet abandon continue", a-t-elle déploré dans la soirée, mardi 12 mai sur franceinfo. Elle réclame par ailleurs un plan de soutien des avocats, alors que 25% des cabinets risquent de mettre la clé sous la porte faute d'activité selon elle.


franceinfo : Comment se passe le déconfinement pour l'activité judiciaire?


Estellia Araez : Ça se passe très, très au ralenti puisque nous avons le sentiment que nous avons été abandonnés par madame la ministre pendant deux mois et cet abandon continue. La justice a été abandonnée pendant deux mois parce qu'aucune consigne claire n'a été donnée, et la ministre a laissé à chaque juridiction le soin de se débrouiller. Et cet abandon continue, puisque dans le cadre des plans de reprise d'activité, aucune consigne claire n'a davantage était donnée, si bien que d'une juridiction à une autre, les règles sont différentes. Selon les juridictions, il y a du gel hydroalcoolique à disposition des justiciables et des auxiliaires de justice, des masques... Nous avons l'impression que madame la ministre est restée confinée et qu'elle n'a pas pris la mesure de l'importance de l'institution judiciaire, contrairement à beaucoup d'autres ministres comme la ministre du Travail ou le ministre de l'Education, qui ont tout mis en œuvre pour que l'activité reprenne.


Pour vous, la réponse n'a pas été à la hauteur ?


Non, la réponse n'est absolument pas à la hauteur. De toute façon, il n'y a pas d'autre solution que de donner des moyens supplémentaires à la justice, qui est à bout de souffle depuis des décennies, pour qu'elle fonctionne correctement. Donc, des moyens humains, mais aussi des moyens matériels, parce que nous avons constaté ce qu'on savait déjà : si pendant les deux mois de confinement, la justice n'a pas pu faire son office, ce n'est pas de la faute des magistrats, ni des fonctionnaires, ou des greffiers. C'est parce qu'ils n'avaient pas de moyens techniques, matériels de travailler.


Est-ce qu'il y a des avocats dont l'activité est en danger ?


Oui. Une enquête du Conseil national des barreaux indique qu'environ 25% des cabinets d'avocats sont en danger. Alors j'espère que la reprise de l'activité se fera rapidement et qu'elle pourra sauver les cabinets d'avocats. Parce que, contrairement à ce qui a pu être dit au cours des derniers mois avant le confinement, nous ne sommes pas trop nombreux en France. Nous exigeons un plan de redressement de la justice et un plan de soutien des avocats, qui ont eu le plus grand mal à bénéficier du chômage partiel pour leurs salariés.


Y a-t-il eu des difficultés, des incompréhensions avec vos clients pendant cette période ?


Non. Nos clients ont été assez compréhensifs. Alors ils sont très, très inquiets d'autant que les délais de procédure étaient déjà extrêmement déraisonnables avant ce confinement et avant même la grève des avocats. On a énormément de dossiers toujours en souffrance qui ont été renvoyés pendant le confinement et pour lesquels nous n'avons pas de date puisque les greffiers et greffières n'ayant pas les moyens matériels de faire du télétravail, ils se retrouvent aujourd'hui dans une situation où ils doivent en quelques semaines, en quelques jours, rattraper tout le retard et reconvoquer tous les justiciables pour les audiences qui ont été reportées. La justice dégradée qu'on nous propose avec des procédures sans audience ou des débats sans parties ou en visioconférence, ce sont des mesures qui ne doivent pas perdurer et qui doivent immédiatement cesser à l'issue de l'état d'urgence sanitaire et on compte sur madame la ministre pour cesser immédiatement cette procédure dégradée qui ne correspond pas à une justice de qualité.

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