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Protection de l'enfance : la société doit se poser "la question de la jeunesse qu'elle veut construire"

Julien Capelle, éducateur et membre du collectif des Marcheurs, s'inquiète des conséquences des politiques de la protection de l'enfance et dénonce une dégradation des conditions de travail dans ce secteur. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Photo d'illustration. (IMGORTHAND / VETTA / GETTY IMAGES)

Plusieurs syndicats appellent à la grève, mardi 3 juillet, dans le secteur la protection de l'enfance, afin de protester contre la dégradation des conditions de travail. Sur franceinfo, Julien Capelle, éducateur spécialisé et membre du collectif des Marcheurs, s'inquiète des conséquences des politique actuelles et demande "que l'ensemble de notre société se pose la question de la jeunesse qu'elle veut construire".

franceinfo : Devez-vous affronter des situations de violence ?

Julien Capelle: Tout à fait. Durant les dernières années, tous les établissements qui accompagnaient les troubles du comportement ont vu leur budget réduire, sauf que ces enfants, il faut bien continuer à les accueillir. Donc, aujourd'hui, ils sont reçus dans des lieux qui ne sont pas adaptés pour répondre à leurs problèmes. Ça s'est terriblement dégradé. Cela se traduit par des enfants qui changent de foyers à plusieurs reprises parce qu'aucun d'eux n'est adapté pour les accueillir, par des éducateurs débordés par la masse de travail administratif et par une absence d'évaluation. Aujourd'hui, nous évaluons notre action quand les enfants sont dans notre foyer, mais personne n'est capable de dire ce que ces enfants deviennent 10, 20, 30 ans après.

Est-ce un problème d'effectif, d'argent ?

C'est aussi un problème de moyen, bien entendu. Aujourd'hui, il faut que l'ensemble de notre société se pose la question de la jeunesse qu'elle veut construire. Les enfants que nous accompagnons, ce sont des enfants qui vont dans les mêmes écoles que les vôtres. Ils vont dans les mêmes clubs de sports, fréquentent les mêmes rues et les mêmes villes. Les soucis de violence, qui, avant, étaient gérés dans les foyers, se retrouveront dans la rue.

Y a-t-il un manque de formation pour faire face à cette violence ?

Non, il y a un manque réel et concret de moyens. L'exemple, nous l'avons en Maine-et-Loire. Les nouveaux acteurs qui vont accueillir les enfants dans le département suite à l'appel à projet lancé par le président du conseil départemental ont remporté l'appel à projet en intégrant dans leur équipe des éducateurs non diplômés. Donc non formés et incapables de répondre à la violence des jeunes que nous accompagnons. C'est justifié par le climat général qui légitimise l'austérité. Nous, ce qu'on défend, au contraire, c'est un message d'espoir, de dire que certaines missions de l'Etat français, signataire de la convention des droits de l'enfant, ne peuvent pas être soumises à l'austérité.

Mais ce sont les départements qui sont chargés de la protection des droits de l'enfance. Or, les dépenses des départements dans ce secteur ont doublé en près de vingt ans. Ce n'est pas tant l'argent qui pose problème que la façon dont on l'utilise...

Aujourd'hui, dans mon association, par exemple, chaque centime est justifié et déposé dans l'intérêt de l'enfant. La réalité est que l'on paye la fracture sociale des dix dernières années. Il va falloir se décider à mettre des moyens conséquents. Vous dites qu'il y a beaucoup d'argent dépensé pour le social, dans les départements. Peut-être qu'aujourd'hui, pour sortir enfin d'une logique d'assistanat, il faut que l'on se donne les moyens d'apprendre aux gens à pêcher, plutôt que de leur donner du poisson. Ce que l'on souhaite avec les jeunes que l'on accompagne, ce n'est pas de les assister, c'est de les émanciper. Et les émanciper à court terme, cela demande de l'argent. Mais, à long terme, cela représente des économies considérables.

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