Licenciement, rémunération au mérite, refonte des catégories… Les pistes du gouvernement pour réformer la fonction publique
L'épineux dossier de la réforme de la fonction publique est désormais à l'épreuve des concertations avec les syndicats. Le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, a lancé, mardi 9 avril à Paris, les négociations autour de son projet de loi. Deux autres réunions sont prévues le 14 mai et le 20 juin. Annoncée en septembre 2023, la réforme suscite l'inquiétude des partenaires sociaux et des 5,7 millions d'agents publics, en particulier après les déclarations chocs du ministre au Parisien, mardi. Franceinfo liste les pistes envisagées à ce stade.
Réformer les trois catégories de fonctionnaires
Au sein de la fonction publique, les emplois de fonctionnaires sont classés en trois catégories hiérarchiques (A, B et C), en fonction des niveaux de qualification. Ces distinctions sont présentes dans les trois secteurs de la fonction publique : d'Etat, territoriale et hospitalière. Les enseignants, médecins hospitaliers, inspecteurs des impôts ou chefs de service appartiennent à la catégorie A. Les éducateurs spécialisés et les contrôleurs des douanes à la catégorie B, les aides-soignants ou les agents des écoles maternelles à la catégorie C, par exemple.
Mais ces catégories sont jugées trop rigides par Stanislas Guerini. Invité de France Inter mercredi, le ministre s'est désolé d'un système qui "bloque beaucoup de choses et met des plafonds de verre au-dessus de la tête des agents", blocages liés selon lui à leurs diplômes et à leur formation. L'objectif de la réforme est, selon lui, de permettre aux agents de "rentrer plus facilement", de "bouger plus facilement" et de "parfois pouvoir sortir plus rapidement de la fonction publique".
Faciliter les licenciements pour insuffisance professionnelle
"Je veux qu'on lève le tabou du licenciement dans la fonction publique", a lâché Stanislas Guerini dans Le Parisien, pointant une "culture de l'évitement sur ces sujets-là" et suscitant d'emblée la colère des syndicats. Comme le rappelle le site Vie-publique.fr, le statut professionnel de fonctionnaire titulaire garantit un emploi et oblige l'administration à trouver "au fonctionnaire un emploi correspondant à son grade en cas de suppression de poste", contrairement à ce qui est prévu pour les agents contractuels ou stagiaires.
Le ministre entend s'attaquer à ce principe d'emploi à vie en élargissant les sanctions en cas d'insuffisance professionnelle. Le licenciement pour insuffisance professionnelle dans la fonction publique est un "outil très mal défini et extrêmement peu appliqué", a déploré Stanislas Guerini sur France Inter.
Le statut des fonctionnaires "n'a jamais expliqué qu'on ne pouvait pas licencier quelqu'un qui ne fait pas bien son travail", a fait valoir le ministre. Trois motifs de licenciement existent aujourd'hui dans le Code général de la fonction publique. Les administrations peuvent se séparer de leurs agents en cas d'abandon de poste, pour insuffisance professionnelle ou encore refus de trois emplois différents.
Mais ces dispositions seraient trop peu appliquées, d'après Stanislas Guerini. Sur les 2,5 millions d'agents appartenant à la fonction publique d'Etat, "il y a eu 13 licenciements pour insuffisance professionnelle" en 2023. Quant à "la révocation pour faute", un autre type de sanction, "il y en a eu 222" sur la même période, a chiffré le ministre.
Stanislas Guerini précise que son projet de loi n'introduirait pas un motif de licenciement des fonctionnaires pour des raisons économiques. "Il n'y a pas de licenciement économique dans la fonction publique et je ne souhaite pas changer ça, a-t-il assuré. Je pense que statutairement, c'est quelque chose de très important qui distingue le public du privé".
Favoriser la rémunération au mérite pour les agents
Autre piste explorée par Stanislas Guerini : "mieux rémunérer et mieux récompenser" les fonctionnaires. Le gouvernement souhaite élargir les possibilités de récompenser financièrement les agents les plus méritants, autrement dit une individualisation de la rémunération. Aujourd'hui, les salaires sont fixés sur des grilles salariales communes à l'ensemble de la fonction publique (Etat, hôpitaux et collectivités) et dépendent en grande partie de l'ancienneté et du poste. Cette proposition n'est pas nouvelle. En novembre 2015, Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, s'était déclaré favorable à cette mesure.
Pour défendre sa proposition, Stanislas Guerini peut s'appuyer sur les résultats d'une enquête publiée fin mars par la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) : "Dans la fonction publique, en 2021-2022, 20% des agents souhaitent travailler plus d'heures avec une hausse de rémunération, contre 23% des salariés du privé." "Il faut que le travail paie mieux, qu'on puisse récompenser l'engagement individuel et collectif des agents et il faut qu'on ait plus d'outils pour valoriser les métiers et les compétences", a expliqué le ministre sur France Inter.
Ce principe de rémunération au mérite existe déjà mais il n'est pas généralisé à toutes les fonctions publiques. Dans la fonction publique d'Etat, "la valeur professionnelle" des agents "est prise en compte, le cas échéant, pour la modulation indemnitaire", l'avancement professionnel ou en termes de mobilité, précise le ministère de la Fonction publique. S'ajoute une prime facultative qui rémunère les agents d'Etat. Ce complément indemnitaire annuel est versé pour "reconnaître spécifiquement l'engagement professionnel et la manière de servir".
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