Quatre questions sur la suppression de la redevance proposée par Gérald Darmanin
Gérald Darmanin a annoncé avoir proposé à Emmanuel Macron et Edouard Philippe de supprimer la contribution à l'audiovisuel public, vendredi 29 mars.
C'est sa proposition au grand débat national en tant que simple "citoyen", assure le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, sur RMC, vendredi 29 mars. ll explique avoir plaidé, auprès du président de la République et du Premier ministre, pour la suppression de la redevance audiovisuelle, un impôt qu'il considère "assez injuste". Franceinfo répond à quatre questions que pose cette proposition.
1A quoi sert la redevance ?
La redevance audiovisuelle, aussi appelée "contribution à l'audiovisuel public", finance la radio depuis 1933 et la télévision publique depuis 1943. Cet impôt est aujourd'hui payé par 30 millions de foyers imposables à la taxe d'habitation et qui occupent un logement équipé d'un téléviseur. En 2017, 61,3% des foyers français s'en sont acquittés. La contribution à l'audiovisuel public s'élève à 139 euros en métropole et à 89 euros en outre-mer, par an et par foyer. Elle devait rapporter 3,8 milliards d'euros en 2018.
C'est une taxe fiscale directement affectée aux organismes investis des missions de service public de l'audiovisuel. Par exemple, quand un euro de redevance est perçu par France Télévisions, 50 centimes servent à financer la création, 35 centimes soutiennent l'information, le sport et la présence en France et en outre-mer. Enfin, 11 centimes sont reversés à l'opérateur d'infrastructures de télécommunication TDF et les 4 centimes restants contribuent aux frais généraux de fonctionnement.
Les recettes sont en majorité reversées à la télévision publique – 66% à France Télévisions, 7% à Arte, 2% à TV5 Monde – et 2% à l'Institut national de l'audiovisuel, d'après les chiffres de 2018 ; 7% du montant de la redevance sont alloués à France Médias Monde (France 24, RFI, Monte Carlo Doualiya) et 16% à Radio France.
Les Français ne sont pas les seuls à payer pour leur audiovisuel public. Par comparaison, les Britanniques déboursent 174 euros par an. La BBC, par exemple, est financée à 70% par la redevance. En Allemagne, chaque citoyen verse 215 euros par an. Françoise Nyssen, ministre de la Culture jusqu'en octobre 2018, avait plaidé pour que la redevance soit déconnectée de la détention d'un téléviseur. Elle justifiait cette mesure par le fait que beaucoup de Français consomment désormais des contenus sur leur mobile. Si cet impôt était étendu à 900 000 foyers de plus, il pourrait rapporter 100 millions d'euros supplémentaires. Les principaux partis politiques français se montrent favorables à une telle généralisation du paiement de la redevance par tous les ménages. Et, selon un sondage Ifop pour Le JDD en 2018, 65% des Français se disaient favorables à une contribution universelle.
2Pourquoi certains veulent-ils sa disparition ?
Depuis la loi de finances de 2005, la contribution à l'audiovisuel public est collectée en même temps que la taxe d'habitation. Cette dernière, perçue au profit des collectivités locales, va progressivement baisser pour 80% des ménages avant d'être supprimée en 2021. Il faudra d'ici là réorganiser la perception de la redevance par le Trésor public.
Cette collecte, lorsqu'elle ne sera plus adossée à la taxe d'habitation, risque de "coûter cher" et d'être plus compliquée, selon le ministre des Comptes publics. "Cela coûte cher d'adresser un impôt seul qui rapporte à peu près 120 euros, a argué Gérald Darmanin. La question se pose de cette redevance télé, d'autant que l'on ne saura plus comment l'adresser."
Gérald Darmanin n'est pas le premier à mettre la suppression de la redevance sur la table. Il faut dire que c'est une idée populaire chez de nombreux Français : en 2013, 69% d'entre eux la jugeaient "tout à fait" ou "plutôt injustifiée", selon une étude Ipsos.
3Serait-elle si facile à supprimer ?
Gérald Darmanin le reconnaît lui-même : supprimer la redevance s'annonce compliqué. "On affecte cet argent à Radio France et à France Télévisions, ce qui pose la question de la réforme de Radio France et de France Télévisions. C'est donc facile à dire et difficile à faire", a-t-il reconnu le 29 mars au micro de RMC. Il faudrait ainsi trouver de nouvelles sources de financement et réorganiser les budgets.
La réforme de l'audiovisuel public est toutefois déjà lancée et très attendue. En janvier 2019, le ministre de la Culture, Franck Riester, a annoncé que le projet de loi serait présenté au Conseil des ministres "à l'été".
Sur France Bleu, Franck Riester a répondu à Gérald Darmanin : "Il faut un financement qui soit à la hauteur des besoins, qui soit pérenne et qui garantisse l'indépendance de l'audiovisuel public par rapport au politique. Ce sont cela les enjeux." Il a ajouté que ce serait à Emmanuel Macron et à Edouard Philippe de trancher.
4 Par quoi pourrait-elle être remplacée ?
La redevance n'est pas la seule ressource qui compose le budget de l'audiovisuel public. En 2017, d'après l'INA, la redevance alimente à 82% le budget de France Télévisions et à 89% le budget de Radio France. Le reste provient de ressources propres, venant de la publicité, des partenariats, de la billetterie, mais aussi d'une taxe sur les opérateurs de télécommunications et d'autres aides de l'Etat.
L'INA Global a identifié des substituts à la redevance, appliqués dans d'autres pays. Au Royaume-Uni, la revente des droits des téléfilms et documentaires rapporte une part importante des recettes de la BBC. Depuis le décret Tasca en 1990, c'est devenu impossible pour les chaînes publiques françaises, qui doivent faire produire la majorité de leurs films par des sociétés extérieures, détentrices des droits d'exploitation. En Italie, c'est sur la facture du fournisseur d'électricité que la redevance est prélevée depuis 2016. En Chine, la majorité du financement de la télévision publique provient de la publicité.
D'autres sources de financement existent ailleurs dans le monde. Au Japon, l'audiovisuel public se finance en partie par la vente de produits commerciaux. Aux Etats-Unis, les dons privés représentent 64,2% des ressources de l'audiovisuel public.
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