Réforme de l'Ena : "La discrimination positive, c'est l'égalité au rabais", critique l'énarque Daniel Keller
Pour que les jeunes, quel que soit leur milieu, accèdent à l'excellence, il faut leur permettre d'acquérir de "la culture générale", insiste le président de l'association des anciens élèves de l'Ena.
"La discrimination positive, c'est l'égalité au rabais", a réagi Daniel Keller, le président de l'association des anciens élèves de l'Ena, mardi 18 février sur franceinfo alors que, selon nos informations, le rapport sur la réforme de la haute fonction publique de FrédéricThiriez rendu mardi, prévoit notamment un "concours spécial" pour les plus modestes. "Il faut permettre à des jeunes, quels qu'ils soient, d'acquérir ce qui fait, au fond, l'excellence."
franceinfo : Supprimer l'Ena, c'est quelque chose de démagogique, selon vous ?
Daniel Keller : C'est démagogique, parce qu'on aura toujours besoin d'une école pour former les hauts fonctionnaires et donc la question du nom, à mon avis, n'est pas le vrai problème. Nous avons un modèle de haute fonction publique à la française qui est relativement admiré à l'étranger. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que beaucoup de pays dans le monde cherchent à se doter d'école nationale d'administration et d'un système de formation des hauts fonctionnaires comparable au nôtre.
Cultivons notre excellence et faisons de cette haute fonction publique à la française un atout, plutôt que de chercher à la dénigrer en permanence.
Daniel Keller, le président de l'association des anciens élèves de l'Enaà franceinfo
Les ambassadeurs de France qui font leur travail partout dans le monde, les préfets qui maintiennent l'ordre public depuis maintenant de très nombreux mois, les recteurs d'académie qui font en sorte que nos universités et notre système scolaire marchent bien, je pense que ce sont tout sauf des hauts fonctionnaires déconnectés. Ce procès en sorcellerie, fait à l'ENA, ne repose sur aucun fait objectif et constaté.
Le but est d'ouvrir la haute fonction publique à des profils plus variés, plus représentatifs de la société. Le texte prévoit notamment 20 classes préparatoires qui seraient créées partout en France métropolitaine. Ce sont de bonnes idées pour essayer de rapprocher l'Ena de la population française ?
Excellente idée. Il en existe déjà deux sur les 20. Les deux qui existent déjà, ce sont celles que l'Ena a créées sur ses propres deniers. Je me félicite que Frédéric Thiriez reprenne cette idée, dont l'Ena été le précurseur. Il faut faire comme l'Ena le fait à travers ces classes préparatoires intégrées. C'est-à-dire permettre à des jeunes issus de quelque région de France, y compris des banlieues défavorisées ou des territoires abandonnés, de préparer les concours de la fonction publique et d'avoir les mêmes chances que les autres. Cela se fait avec des moyens et notamment à travers l'organisation de ces classes préparatoires, à travers des enseignements. L'Ena en a fait la démonstration.
Ce que les jeunes issus justement, comme on dit, des banlieues ne veulent pas, c'est d'une égalité au rabais. Ils ne veulent pas être considérés comme des citoyens de seconde zone.
Daniel Keller
Ce qu'ils demandent, c'est de pouvoir bénéficier de la même excellence que quand on est élève au lycée Louis-le-Grand, à Paris. La discrimination positive, c'est l'égalité au rabais.
Faut-il aussi changer le concours en lui-même ? Changer la manière dont on sélectionne les jeunes qui rentrent à l'Ena ou à cette future EAP ?
Si vous voulez être champion du monde du saut en hauteur, ce n'est pas en sautant 1m20 que vous serez champion du monde du saut en hauteur. Il faut permettre à des jeunes, quels qu'ils soient, d'acquérir ce qui fait, au fond, l'excellence. C'est la culture générale. Tout le monde a le droit d'avoir lu Honoré de Balzac et Raymond Aron.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.