Suppressions de postes, disparition de trésoreries… Pourquoi les agents des finances publiques font grève
Ils protestent, notamment, contre les 5 800 postes qui vont être supprimés en trois ans.
Leur mouvement sera-t-il éclipsé par celui des avocats, mécontents de la réforme des retraites ? En désaccord avec les suppressions de postes annoncées par le gouvernement, les agents des finances publiques appellent, lundi 16 septembre, à "une journée d'action nationale" de grève et de manifestations.
Ils protestent aussi contre les disparitions de trésoreries, que dénoncent également de nombreuses communes, de Loudéac (Côtes-d'Armor) à Yvetot (Seine-Maritime). Enfin, ils déplorent une baisse du service rendu aux usagers et l'externalisation de certaines tâches, qui vont être confiées aux buralistes. Explications.
Quelque 5 800 postes vont être supprimés
Près de 5 800 postes devraient être supprimés dans les finances publiques. "Dans un courrier du 4 septembre, détaille le média spécialisé Acteurs publics, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, annonce aux agents de la direction générale des finances publiques (DGFIP) que leur direction connaîtra une baisse de 1 500 équivalents temps plein en 2020, de 1 800 en 2021 et de 1 600 en 2022. Sur le périmètre ministériel, 5 775 suppressions d’emplois sont envisagées."
Pour les organisations syndicales, il s'agit d'un "plan social déguisé", avec une baisse de quasiment 5% des effectifs, explique France Culture. "Si le feu couve au sein de l'administration fiscale, c'est qu'elle a le plus contribué à la réduction des effectifs de l'Etat depuis quinze ans, à raison de 2 000 suppressions de postes par an en moyenne", précisent encore Les Echos. Citée par l'AFP, Fanny De Coster, de la CGT Finances publiques, souligne que les finances publiques "ont déjà perdu entre 30 000 et 40 000 postes depuis quinze ans".
Avec la dématérialisation, la "transformation des missions" n'est pas prise en compte
Pour le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, la suppression "d'environ 5 800 emplois sur trois années" est justifiée par le "prélèvement à la source ou la suppression de petites taxes", qui "simplifient la vie des Français".
Pour les syndicats, ce discours "n'est plus audible". "Les ministres successifs n'ont jamais pris en compte la transformation des missions, de la charge de travail qui n'a cessé de croître, sans aucune reconnaissance (...). A titre d'exemple, entre 2012 et 2017, les sollicitations à l'accueil ont augmenté de 39%." La dématérialisation, "c'est 15 millions de sollicitations de visu chaque année et 32 millions au total (par téléphone et courriel en plus)", déclare à l'AFP Anne Guyot-Welke, du syndicat Solidaires, premier syndicat des finances publiques.
Elle rappelle aussi qu'en dehors du prélèvement à la source, les agents gèrent "la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale, l'aide aux collectivités locales". "Toutes ces missions sont aujourd'hui en souffrance, et derrière il y a des agents et des agentes en souffrance aussi", souligne Anne Guyot-Welke.
Près d'un tiers des trésoreries vont disparaître
Ces suppressions d'effectifs se traduiront par la disparition de trésoreries un peu partout en France. "Au cœur de l'été en effet, Gérald Darmanin a rendu publique la nouvelle carte des trésoreries et des centres des impôts sur le territoire : de 3 500 existantes aujourd'hui, plus d'un millier devraient disparaître encore", souligne France Culture.
De Paris, le mouvement passe inaperçu. Mais les médias régionaux ont largement documenté ces disparitions. En 2023, dans le Maine-et-Loire, explique ainsi Ouest-France, "le département ne comptera plus que sept points de contact [pour les impôts]. Dans un communiqué, [l'intersyndicale] explique que dans ce même laps de temps, 'les dernières trésoreries seront amenées à disparaître de la carte', et les services fiscaux de 'Baugé et Segré [seront] rayés'.
Nombre de communes s'insurgent également contre ce rouleau compresseur, signale Le Monde. "De Tonnerre (Yonne) à Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et-Garonne), de Quimperlé (Finistère) à Villeneuve-les-Corbières (Aude), de nombreux conseils municipaux votent, depuis le début de l’été, des motions pour dénoncer la réorganisation du réseau des finances publiques." Cette chaîne de télévision bretonne donne d'autres exemples.
Les élus des 20 communes de #Bretagne porte de loire Communauté se mobilisent pour le maintien du centre des Finances Publiques à #bain de bretagne D'ici 2022 14 trésoreries d'Ille-et-Vilaine devraient fermer @dgfip_officiel pic.twitter.com/qRXMFOPPaI
— TVR La chaîne (@TVR35) September 13, 2019
Le service rendu sera moindre
Enfin, les syndicats font valoir que le service rendu par les "points de contact" ou par les Maisons France Services, qui doivent remplacer les trésoreries, sera de moins bonne qualité. Pour Christine Helstroffer, du syndicat Solidaires finances publiques, citée par Rue 89 Strasbourg, "ces Maisons [France Services] ne remplaceront en aucun cas les centres de finances publiques, puisqu’elles ne seront pas dotées de techniciens des impôts. La direction départementale a indiqué que des agents de la DGFIP pourraient y faire des permanences. Mais avec la charge de travail qu’ils ont déjà sur les épaules, on se demande bien comment ils pourraient aller passer une demi-journée dans les villes et villages."
Autre point qui fâche : les tâches confiées aux buralistes. A partir de l'été 2020, les Français pourront en effet régler leurs impôts (dans la limite de 300 euros), leurs amendes, mais aussi leurs factures de services publics (crèche, cantine, hôpital) dans les bureaux de tabac, en espèces ou par carte bancaire. Pour Fanny De Coster, de la CGT, une limite a été franchie. Il ne s'agit pas d'"une énième réforme de l'administration, mais de son démantèlement et de la privatisation de nos missions régaliennes", accuse-t-elle, avant de pointer "les dangers de confier à des buralistes, sans devoir de réserve ou de probité, le paiement des amendes".
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