Crise de l'énergie : on vous explique pourquoi l'UE veut réformer le marché européen de l'électricité dont le prix dépend de celui du gaz
Face à la flambée des prix du gaz, sur lesquels sont indexés les prix de l'électricité, la présidente de la Commission européenne a annoncé cette semaine "une réforme structurelle du marché de l'électricité".
Dans quelques années, comment seront déterminés les prix de l'électricité au sein de l'Union européenne ? La question, aussi technique que politique, agite les Vingt-Sept à l'heure d'une crise de l'énergie qui touche tous ses membres. Lundi 29 août, depuis la Slovénie, Ursula von der Leyen a annoncé une "intervention d'urgence et une réforme structurelle du marché de l'électricité". Pour la présidente de la Commission européenne, "la flambée des prix de l'électricité montre clairement les limites du fonctionnement actuel du marché".
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La réforme, appelée de ses vœux par Ursula von der Leyen, sera au menu d'une réunion des ministres de l'Energie de l'UE, vendredi 9 septembre, à Bruxelles (Belgique). Elle promet d'être ardemment débattue entre les différents Etats-membres. Comment fonctionne le marché européen de l'électricité ? Quelle réforme est envisagée ? Franceinfo fait le point sur une petite révolution que pourrait mener l'Europe pour limiter les conséquences de la guerre en Ukraine.
Le prix de l'électricité explose car il est indexé sur celui du gaz
Conçu dans les années 1990, le marché de gros de l'électricité se base sur le mécanisme suivant : c'est le prix de revient de la dernière source de production mobilisée pour équilibrer l'offre et la demande d'électricité, généralement les centrales au gaz, qui détermine le prix imposé à tous les opérateurs. En d'autres termes, pour équilibrer l'offre et la demande d'électricité, on s'intéresse au coût nécessaire pour produire un mégawattheure (MWh) supplémentaire, afin de satisfaire une demande croissante. C'est ce qu'on appelle le coût marginal. Or, ce sont les centrales thermiques, au gaz, qu'il faut mobiliser lorsque la demande est forte. C'est pour cela que le prix de l'électricité est corrélé au prix du gaz.
Dans le contexte préalable aux pénuries de gaz russe, le prix de l'électricité issue du gaz était très faible. Par conséquent, le prix de l'électricité était lui-même plutôt faible. Les énergies renouvelables, elles, ont pu profiter de ce système pour se développer sans que leur coût, d'abord très élevé, ne freine leur montée en puissance.
Désormais, les énergies renouvelables produisent de l'électricité à bas coût, tandis que le gaz a vu son prix flamber, en raison de la baisse des livraisons russes. Le prix de l'électricité, largement indexé sur le gaz, a donc flambé : fin août, son prix pour une livraison début 2023 atteignait 950 euros le mégawattheure en Allemagne. En France, la barre de 1 000 euros a même été franchie, contre 85 euros en moyenne à la fin de l'été 2021.
Plusieurs pays, dont l'Allemagne, se sont résolus à une réforme récemment
La France réclame depuis un an une réforme d'un système jugé "obsolète" qui empêche les consommateurs français de bénéficier pleinement des bas coûts offerts par le nucléaire. En Espagne, le gouvernement se plaint aussi de devoir payer des prix alignés sur le gaz alors que le pays a massivement investi dans les énergies renouvelables.
Une dizaine de pays du nord de l'UE, comme l'Allemagne, s'opposaient encore à toute réforme, à l'automne 2021. Ils s'y sont depuis convertis. Le marché "ne peut pas être décrit comme fonctionnel s'il conduit à des prix aussi élevés", a récemment fustigé le chancelier allemand Olaf Scholz.
Plusieurs pistes de réformes sont évoquées
Hormis l'Espagne et le Portugal, autorisés à imposer un plafond aux prix énergétiques en raison de leurs faibles connexions aux réseaux européens, les pays de l'UE se plient pour l'heure aux règles de ce marché européen.
Plusieurs pistes sont aujourd'hui évoquées pour cette réforme du marché européen de l'électricité. En premier lieu, des pays comme la France et l'Autriche prônent la solution du découplage, c'est-à-dire une déconnexion forcée du prix de l'électricité de celui du gaz. Cela permettrait par exemple aux consommateurs français de bénéficier d'une électricité moins chère grâce au nucléaire, même si 32 des 56 réacteurs français sont aujourd'hui à l'arrêt.
La République tchèque, qui occupe la présidence tournante de l'UE, propose quant à elle "un plafonnement des cours du gaz destiné à produire de l'électricité", tandis que la Belgique réclame plutôt "un blocage des prix" de l'électricité.
Le débat au sein de l'UE peut durer plusieurs mois
C'est là où le bât blesse. Une réforme ne sera pas "spontanément consensuelle, d'après un diplomate européen cité par l'AFP. La Commission devrait lancer une étude d'impact à l'automne, on peut espérer une proposition en début d'année prochaine", selon lui. Le débat "durera plusieurs mois, voire jusqu'à deux ans en cas de propositions législatives", anticipe ainsi Nicolas Berghmans, expert à l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), cité par l'AFP.
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