Les dix principales mesures du projet de loi Pacte, qui vise à "donner aux entreprises les moyens de croître"
L'examen par les parlementaires de ce texte tentaculaire, destiné à rendre l'économie française "plus compétitive", a commencé cette semaine.
C'est le premier gros dossier de l'année pour les députés. L'examen du projet de loi Pacte (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises) a débuté mercredi 5 septembre à l'Assemblée nationale. "La loi Pacte va donner aux entreprises les moyens de croître et à notre économie, de prospérer", assure le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, dans un entretien au Figaro. Comment ? Le texte comporte 73 articles, qui portent sur des sujets divers, rapporte Le Monde. Assouplissement de l'épargne retraite, suppression de certains seuils fiscaux et sociaux, simplification de l'intéressement et de la participation... Voici dix des principales mesures connues de ce projet de loi tentaculaire.
L'intéressement et la participation encouragés
"Les salariés doivent toucher les fruits de leurs efforts", assure Bruno Le Maire au Figaro. Pour "mieux récompenser" les employés, la loi Pacte prévoit de simplifier les dispositifs d'intéressement et de participation, qui permettent aux salariés de bénéficier des profits de leur entreprise quand elle se porte bien. Le "forfait social" de 20% sera ainsi supprimé pour les entreprises de 0 à 250 salariés en ce qui concerne l'intéressement, et pour les entreprises de 0 à 50 salariés en ce qui concerne la participation.
Les sociétés seront ainsi incitées à partager leurs profits avec les employés. "Toutes les entreprises pourront télécharger un formulaire type leur permettant de signer, dès janvier 2019, un accord d'intéressement avec leurs salariés", précise Bruno Le Maire. Grâce à ce levier, le ministre espère "doubler le nombre de salariés qui bénéficient d'un accord d'intéressement dans les TPE et PME" d'ici 2022.
La création, la transmission et la liquidation d'entreprise facilitées
Bruno Le Maire tient à simplifier l'activité des entrepreneurs. Plusieurs mesures sont prévues en ce sens dans le projet de loi Pacte. Les artisans et micro-entrepreneurs ne seront plus contraints de suivre un stage de préparation à l'installation, d'une durée de 30 heures, avant de pouvoir créer leur entreprise et s'immatriculer au répertoire des métiers. L'obligation d'ouvrir "un compte bancaire consacré à leur activité pour les micro-entrepreneurs réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 5 000 euros" sera également supprimée, selon Le Monde.
D'ici janvier 2021, un guichet unique en ligne sera en outre créé afin d'accompagner toutes les sociétés dans leurs démarches administratives, notamment dans le cas d'une création d'entreprise. Il devrait permettre aux entrepreneurs d'éviter de se perdre entre les différents sites et interlocuteurs, dont les Centres de formalités des entreprises (CFE).
Pour assurer la pérennité des sociétés, le pacte Dutreil, qui prévoit des avantages fiscaux pour faciliter la transmission d'une entreprise à ses enfants, sera assoupli. La loi Pacte facilitera également la reprise d'une entreprise par les salariés, précise La Tribune.
Enfin, en cas de faillite, la liquidation judiciaire simplifiée sera généralisée pour les entreprises de moins de cinq salariés et réalisant moins de 750 000 euros de chiffre d'affaires. "Celle-ci est aujourd'hui réservée aux sociétés qui n'emploient pas plus d'un salarié, affichent moins de 300 000 euros de chiffres d'affaires et ne détiennent aucun bien immobilier", précise Le Monde.
Certains seuils sociaux et fiscaux supprimés
La mesure la plus attendue par les patrons concerne la simplification des "seuils" à partir desquels les entreprises se voient imposer des obligations fiscales et sociales. Elles doivent par exemple, à partir de 20 salariés, cotiser au Fonds national d'aide au logement, qui permet de soutenir la construction. Le projet de loi Pacte prévoit de supprimer cette limite et de n'appliquer la plupart des obligations qu'à partir de 50 salariés, sauf pour celles liées aux employés en situation de handicap. Cette mesure se traduirait par une économie de près de 500 millions d'euros pour les entreprises.
Le texte prévoit en outre que "la mise en place d'un local syndical commun ou la communication aux actionnaires des rémunérations les plus élevées ne s'appliqueront plus aux entreprises de plus de 200 salariés mais à celles qui en comptent au moins 250", selon Le Monde.
"Les entreprises auront désormais cinq ans pour s'adapter avant d'appliquer les obligations liées au franchissement d'un seuil, ajoute Bruno Le Maire, dans son entretien au Figaro. Elles pourront continuer à investir et embaucher, avec toute la souplesse nécessaire en cas de retournement de conjoncture." En clair, les entreprises devront avoir dépassé les seuils de 10, 50 ou 250 salariés pendant cinq années consécutives avant de devoir respecter les obligations sociales et financières associées à ces seuils.
La définition de l'entreprise modifiée
Le texte prévoit de modifier la définition de l'entreprise dans l'article 1833 du Code civil, afin de rappeler qu'elle a également un rôle social et environnemental dont elle doit tenir compte. "L'entreprise ne peut plus se résumer à la seule recherche de profits", justifie Bruno Le Maire dans les pages du Figaro. L'article 1835 doit également être modifié, pour permettre aux entreprises d'ajouter une "raison d'être" dans leur objet social, "dont la définition serait laissée à la discrétion de [celles] qui le souhaitent", précisent Les Echos.
Cette décision, hautement symbolique, a provoqué de vifs débats. Juristes et organisations redoutent que la réécriture du Code civil ne multiplient les contentieux. Cette mesure pourrait, selon eux, pousser des ONG, des élus ou des clients à se retourner contre les entreprises "au motif que l'activité de l'entreprise est dommageable à l'environnement ou à la société", détaillent Les Echos.
La Française des jeux et le groupe ADP privatisés
La loi Pacte va lever les contraintes légales qui obligent l'Etat à détenir la majorité des parts du groupe ADP (anciennement Aéroports de Paris), le tiers du capital ou des droits de vote d'Engie, et qui figent la détention publique de la Française des jeux (FDJ). L'exécutif se prépare ainsi à des cessions d'actifs dans ces trois entreprises. Pour ADP, l'Etat accordera une concession sur une période de soixante-dix ans, mais conservera "la propriété de tous les actifs, dont le foncier", expliquent Les Echos.
Le ministère assure toutefois que des garde-fous ont été prévus pour éviter que ces privatisations ne mettent en péril les intérêts de l'Etat. Le niveau des redevances aéroportuaires sera ainsi encadré, tandis qu'une "autorité indépendante" sera chargée de réguler le secteur des jeux.
Ces cessions d'actifs devraient rapporter à l'Etat 15 milliards d'euros, qui alimenteront un fonds pour l'innovation et l'industrie créé par Emmanuel Macron. Selon Les Echos, les privatisations "ont aussi vocation à relancer l'actionnariat populaire, qui a fortement baissé en France depuis 2007".
Le nombre de salariés dans les conseils d'administration revu à la hausse
Le projet de loi Pacte accède à une revendication de longue date de la CFDT en imposant aux entreprises ayant un conseil d'administration (y compris les mutuelles) d'avoir deux administrateurs salariés à partir de huit administrateurs. Jusqu'ici, "les entreprises de moins de 1 000 salariés ont un conseil d'administration composé de huit à douze membres, dont un seul doit être un salarié", souligne Le JDD. Le journal rappelle que ce conseil "nomme les dirigeants exécutifs d'une entreprise, vérifie et évalue son action, ainsi que la bonne santé financière de la société".
L'épargne retraite plus accessible
Le fonctionnement de l'épargne retraite va également être modifié. Un "produit unique, composé de plusieurs compartiments" va être mis en place, explique Le Monde. Le but est de "rassembler toutes les sommes consacrées à cet objectif, ce qui en facilitera la gestion et la lisibilité", et donc de promouvoir ce produit financier, qui représente aujourd'hui à peine 200 milliards d'euros d'encours, contre 1 700 milliards pour l'assurance-vie.
Si la loi est adoptée, il sera ainsi possible de transférer entre eux les principaux produits d'épargne retraite (Perp individuel, Perco collectif, contrats Madelin...), quel que soit le parcours professionnel du particulier. L'épargnant, une fois à la retraite, pourra choisir de retirer son argent en une fois, alors qu'il lui est aujourd'hui le plus souvent versé sous forme de rente, avec un revenu régulier assuré jusqu'à sa mort.
Les investissements étrangers plus encadrés
Le décret permettant à l'Etat de contrôler les investissements étrangers en France (IEF) va être "renforcé significativement" pour protéger les entreprises françaises jugées stratégiques. La liste des secteurs nécessitant une procédure d'autorisation préalable avant un rachat par un investisseur international incluera notamment le stockage de données numériques, la robotique, l'espace et l'intelligence artificielle.
Bercy va en outre disposer d'un éventail élargi de sanctions en cas de non-respect de la réglementation, rapporte Le Monde. "Le ministre aura le pouvoir de demander la cession des activités sensibles, le respect des conditions initiales ou de nouvelles conditions qu'il fixe pour pallier le manquement constaté", poursuit le quotidien. Il pourra aussi prononcer des amendes allant jusqu'au "double du montant de l'investissement irrégulier, 10% du montant du chiffre d'affaires annuel de la société cible, 1 million d'euros pour les personnes physiques et 5 millions d'euros pour les personnes morales".
La loi Pacte facilitera enfin l'introduction d'actions spécifiques, afin de permettre à l'Etat de défendre les entreprises jugées stratégiques. Ces "golden shares" permettent par exemple à l'Etat "tout en réduisant sa part du capital, de conserver des pouvoirs particuliers", indique Le Monde.
Les obligations comptables allégées
Le texte prévoit de relever les seuils à partir desquels les sociétés doivent nommer un commissaire aux comptes pour faire certifier leur bilan. Actuellement, l'audit est obligatoire dès le premier euro pour les sociétés anonymes (SA) et à partir de 3,1 millions d'euros de chiffre d'affaires pour les sociétés à responsabilité limitée (SARL). Avec la loi Pacte, le gouvernement va relever ces seuils au niveau des règles européennes, soit huit millions d'euros de chiffre d'affaires et plus de 50 salariés.
Cette mesure permettra d'exempter les petites entreprises de cette obligation comptable jugée coûteuse (5 500 euros en moyenne pour les PME). Elle fera en revanche perdre 620 millions de chiffre d'affaires aux commissaires aux comptes, notent Les Echos.
Une certification facultative pour les cryptomonnaies
Bercy prévoit de créer un nouveau cadre pour les levées de fonds en cryptomonnaie, dites ICO ("Initial coin offerings"). Elles consistent, pour une entreprise, à émettre des "jetons" numériques – fondés, comme le bitcoin, sur la technologie blockchain – pour se financer, durant la phase de démarrage d'un projet. Les entreprises qui le souhaitent pourront bénéficier d'une certification par l'Autorité des marchés financiers (AMF), si elles respectent certaines règles. Cette démarche restera facultative.
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