Faillite de la banque américaine SVB : "C'est la fin de l'argent facile", estime une économiste
"Toutes les banques et institutions financières qui ont profité de cet argent facile doivent modifier leur stratégie", estime lundi 13 mars sur franceinfo Yamina Tadjeddine, professeure de sciences économiques à l’université de Lorraine et directrice adjointe au Bureau d'économie théorique et appliquée (BETA), après la faillite de la Silicon Valley Bank, qui fait souffler un vent de panique sur les marchés.
Les bourses européennes, inquiètes des risques de contagion, sont en effet en forte baisse. "L'exposition face au changement des décisions des banques centrales reste effectivement la même aux États-Unis qu'en France", ajoute Yamina Tadjeddine, même si "les banques européennes sont un peu plus protégées".
franceinfo : Il n'y a "pas de risque de contagion" ni "d'alerte spécifique", a affirmé le ministre de l'Économie sur franceinfo. Vous partagez la sérénité de Bruno Le Maire ?
Yamina Tadjeddine : Je dirais de façon globale que oui, mais avec un petit bémol. Car le déclencheur de la faillite de Silicon Valley Bank a bien été la revente des obligations d'État détenues par cette banque-là. Or c'est cette vente, avec un prix qui était un peu plus bas que la valeur achetée de ces titres, qui a amené et qui a attisé la situation de panique bancaire.
Il y a des risques pour d'autres établissements bancaires que SVB ?
Le point de départ, c'est bien le changement des banques centrales qui ont rehaussé leur taux d'intérêt. Et cette décision est le fait aussi bien de la Banque centrale américaine, la FED, que de la Banque centrale européenne (BCE). Et à ce titre-là, c'est la fin de l'argent facile. Donc toutes les banques et institutions financières qui ont profité de cet argent facile doivent modifier leur stratégie. Alors il est vrai en revanche que les banques françaises sont beaucoup plus diversifiées que ne l'était la Silicon Valley Bank, qui était véritablement tournée vers le secteur des start-ups informatiques et des crypto-actifs.
Quand Bruno Le Maire dit que "nous avons des banques solides" en parlant de la France et de l'Europe", il faut relativiser ?
L'exposition face au changement des décisions des banques centrales reste effectivement la même aux États-Unis qu'en France. Par contre, il est vrai qu'on a une réglementation bancaire différente. On avait une réglementation allégée mise en place sous la présidence de Donald Trump. Et puis on peut aussi dire que le secteur bancaire français s'est moins engagé vis-à-vis des acteurs des crypto-actifs et des start-ups informatiques qui sont directement touchés par cette faillite de SVB.
Est-ce que nous avons tiré suffisamment de leçons de ce qui s'est passé en 2008 avec notamment Lehman Brothers ? Et est-ce que nous sommes davantage aptes aujourd'hui à faire face à ce genre de problématique ?
Je répondrai en deux temps : la réglementation a bien évolué. C'est-à-dire qu'on a essayé de considérer les risques des banques en tant que mastodontes avec des activités bancaires et financières. Là, dans le cas de SVB, c'est la conjonction des deux. C’est le fait qu'une banque détienne des titres financiers dont la valeur a diminué et le fait que, de l'autre côté, les dépôts puissent être retirés par les clients des banques. Effectivement, il y avait eu une tentative dans les accords de Bâle III avec l'ajout de ratios, d'essayer de tenir compte de cette évolution et à ce titre-là, on peut dire que les banques européennes sont un peu plus protégées dans le sens où elles ont appliqué un peu plus Bâle III. Mais quoi qu'il en soit, le fond de l'instabilité financière de la puissance des marchés financiers sur nos économies a perduré après la crise de 2008.
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