"Pandora Papers" : "Les décideurs politiques n'ont pas envie de se fâcher avec leurs amis", accuse un eurodéputé belge
"Rien ne change", s'indigne Philippe Lamberts, eurodéputé belge sur franceinfo ce lundi après les révélation des Pandora Papers. Le coprésident du groupe des Verts au Parlement européen dénonce toute "complaisance à l'égard des paradis fiscaux".
"Les décideurs politiques n'ont pas envie de se fâcher avec leurs amis", accuse l'eurodéputé belge Philippe Lamberts, lundi 4 octobre sur franceinfo. Après les révélations des "Pandora Papers" sur l'évasion fiscale qui concerne plusieurs responsables politiques, le coprésident du groupe des Verts au Parlement européen se dit "en colère" et déplore ce "manque de volonté politique". "Je ne comprends pas qu'il y ait encore ce genre de complaisance à l'égard des paradis fiscaux." Il réclame une "transparence obligatoire" de ces montages financiers afin de "rendre publiques" leurs bénéficiaires.
franceinfo : Qu'est-ce qui retient le plus votre attention dans ces révélations ?
Philippe Lamberts : On a l'impression que rien ne change depuis les premières révélations des Offshore Leaks il y a 8 ans, en 2013 ! Cette fois, vu qu'un certain nombre de décideurs politiques sont concernés, on comprend qu'il n'y a vraiment aucune vergogne de ces gens qui professent des valeurs devant les électeurs qui, derrière, s'en mettent plein les poches… On ne peut s'empêcher d'être en colère ! Rien ne change alors qu'on a les moyens de faire évoluer la situation. Visiblement, les oligarques, quelle que soit leur nationalité, ont un accès privilégié à un certain nombre de décideurs politiques.
C'est un constat d'échec ?
C'est surtout un constat de manque de volonté politique. Au cœur du processus de décision, se trouvent des gens qui n'ont pas intérêt à ce que ça change. Par exemple, le ministre néerlandais des Finances Wopke Hoekstra, grand défenseur de la doctrine de l'orthodoxie budgétaire, si prompt à donner des leçons de bonne gestion à tous ses collègues ministres des Finances et tout social-démocrate qu'il est, se retrouve pris la main dans le sac. Il faut aussi savoir que les administrations fiscales et que les pôles financiers des ministères de la Justice de toute l'Europe ont systématiquement été sous-dotés en termes d'effectifs et de moyens financiers. Autrement dit, on poursuit beaucoup plus la petite criminalité que la grande criminalité en col blanc. C'est aussi une question de volonté politique.
Il y a des dizaines de milliers de personnes concernées, dont 600 Français, jusqu'à l'ancien directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn… Comment trouver quelqu'un qui ait intérêt à ce que ça change ?
Je pense que tout responsable politique qui se respecte a intérêt à ce que les recettes fiscales soient correctement abondées par ceux qui devraient être les grands contribuables. Il n'y a pas si longtemps en France, les "gilets jaunes" se plaignaient à juste titre de ne pas parvenir à joindre les deux bouts en payant leurs impôts. Notre responsabilité politique est de défendre l'intérêt général, en particulier dans cette période de pandémie où les finances publiques ont été extrêmement sollicitées par le "quoi qu'il en coûte". Il va falloir faire rentrer des recettes fiscales et je ne comprends pas qu'il y ait encore ce genre de complaisance à l'égard des paradis fiscaux.
Que faudrait-il mettre en place ?
Il faut imposer une transparence obligatoire de tous ces véhicules opaques et de leurs bénéficiaires ultimes. Il faut les rendre publics. Lorsque vous êtes ministre, vous y réfléchirez ainsi à deux fois avant recourir à des montages financiers de la sorte. Les décideurs politiques tiennent encore compte de l'opinion publique et quand ils savent qu'ils peuvent s'en cacher, certains sont prêts à faire n'importe quoi.
Cette volonté politique est-elle absente parce que la fraude fiscale ne fait voter personne ?
Non, je ne suis pas d'accord. Une grande partie de nos concitoyens sont en colère contre ce genre de phénomènes. Mais les décideurs politiques ont tendance à côtoyer plus de personnes qui profitent d'évasion fiscale que le citoyen lambda. Quand Emmanuel Macron disait "tout le monde me dit que l'ISF est stupide", qui était ce "tout le monde" ? Les décideurs n'ont visiblement pas envie de se fâcher avec leurs amis.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.