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Réforme des retraites : après six semaines de grève, quelles formes peut encore prendre la contestation ?

Plus de quarante jours ont passé depuis le début du mouvement social, le 5 décembre, et la pression financière qui pèse sur les grévistes les pousse à repenser leurs modes d'action.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Loup Adénor
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Une avocate du barreau de Lyon jette sa robe sur le sol pour protester contre la réforme des retraites, le 9 janvier 2020 à Lyon. (NICOLAS LIPONNE / HANS LUCAS / AFP)

Les grévistes engagés contre la réforme des retraites achèvent leur sixième semaine de mobilisation, jeudi 16 janvier. Une journée marquée par de nouvelles actions, une réunion de l'intersyndicale et un séminaire, avec lequel le gouvernement veut montrer qu'il tourne la page, alors que l'intersyndicale CGT, FO, CFE-CGC, Solidaires et FSU continue de réclamer le retrait total du projet de réforme et que des manifestations ont eu lieu mardi et mercredi dans plusieurs grandes villes (Paris, Metz, Montpellier, Marseille, Dieppe ou Rennes). Ports, métros, trains, raffineries, avocats, médecins, Banque de France... Si, pour certains grévistes, il est devenu financièrement difficile de ne pas retourner travailler, le mouvement social prend d'autres formes.

Vers une grève perlée dans les transports ? 

Après six semaines de grève, la situation financière de nombreux grévistes mobilisés contre la réforme des retraites est devenue délicate. Contacté par franceinfo, Bruno Poncet, secrétaire fédéral de SUD Rail, explique que le principe reste, pour l'instant, la grève reconductible votée chaque jour en assemblée générale."Nos syndicats appellent à maintenir le mouvement reconductible, explique le syndicaliste, mais c'est vrai que, localement, comme à Miramas, près de Marseille, ou vers Saint-Etienne, certains collègues choisissent en assemblée générale de se concentrer sur les temps forts, comme jeudi." Bruno Poncet reconnaît que "certains collègues sont pris à la gorge" alors que le mouvement s'étend dans la durée. 

"On ne change pas de mode de fonctionnement", assure-t-il pourtant. "Il suffit de voir à Paris Gare de Lyon ou Gare de l'Est, où la grève fonctionne en reconductible de façon continue depuis le 5 décembre." Comment les grévistes supportent-ils la pression financière qui pèse sur eux ? "Les caisses de grève fonctionnent", explique Bruno Poncet, pour qui le soutien populaire joue également un rôle très important. "Le nombre de messages de soutien qu'on peut recevoir est impressionnant. Ça nous donne beaucoup de force. Et puis, les gens continuent de soutenir la grève dans les sondages, ils sont majoritairement opposés à cette réforme. Ça nous permet de penser qu'on a raison de se battre." 

Malgré cette volontée affichée, le taux de grévistes dans les entreprises de transport s'érode au fil des jours. A la SNCF, il est repassé mercredi sous la barre des 5% (4,7%) dans la totalité de l'entreprise, avec un peu plus d'un conducteur sur cinq (22,4%) en grève. "On va se concentrer sur les moments forts [...], avec l'espoir d'atteindre les 30 à 40% de grèves", justifiait de son côté un syndicaliste de la SNCF au Parisienle 12 janvier.

Des actions coups de poing

Ces derniers jours, des actions coups de poing se sont multipliées, largement relayées par des vidéos très partagées sur les réseaux sociaux. Les avocats de Rennes ont ouvert le bal avec un jet de robes aux pieds de la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, venue présenter ses vœux à la profession. Les avocats ont également multiplié les "grèves du zèle", investissant en masse les bancs de la défense pour obtenir des renvois d'audiences... Depuis, le symbole a été repris par d'autres corps de métiers, professions hospitalières et professeurs.

Des blocages dans les raffineries et les ports et des coupures d'électricité

La Fédération nationale CGT des ports et docks a appelé, lundi, à une opération "Ports morts", un arrêt de travail de tous les salariés du secteur et l'installation de piquets de grève. Dès mercredi, au moins sept ports avaient répondu à l'appel : Calais, Dunkerque, Le Havre, Rouen, Nantes-Saint-Nazaire, La Rochelle et Marseille. 

A Marseille, les dockers et les marins bloquent depuis mardi, et pour une durée de trois jours, toutes les portes d'accès au port de Marseille. La compagnie Corsica Linea a même dû annuler dix-huit traversées prévues sur ces journées entre Marseille et la Corse. Dans le même temps, l'entreprise affronte une action des marins d'une compagnie concurrente, La Méridionale, qui a bloqué trois de leurs navires à quai au port de Marseille. A Calais et Dunkerque, Tony Hautbois, secrétaire général de la Fédération nationale CGT ports et docks, assurait que la grève était suivie "à 100%"

Dimanche, le groupe pétrolier Total a annoncé l'arrêt de l'unité de distillation de sa raffinerie de Donges (Loire-Atlantique) en raison d'un piquet de grève au port de Saint-Nazaire qui bloquait tout approvisionnement en pétrole brut. "Le mouvement social a été reconduit [mardi 14 janvier] à 5 heures jusqu'à vendredi 5 heures", a indiqué à l'AFP une porte-parole de la raffinerie, qui emploie 650 personnes.

La direction de la raffinerie estime cependant qu'"il n'y a pas de pénurie car on peut expédier. Les produits peuvent être livrés aux stations-service sans difficulté." [On] appuiera encore plus les copains qui sont en train de s'engager dans des mouvements de blocage, particulièrement dans les raffineries", a expliqué de son côté Gabriel Gaudy, secrétaire régional de FO Ile-de-France.

La contestation touche aussi le secteur de l'énergie. Mardi, à Besançon, des techniciens ont basculé "environ 32 000 clients en heures creuses et pratiqué des coupures momentanées d'électricité", a indiqué la CGT. Par ailleurs, le site de traitement des déchets d'Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), qui collecte et traite les ordures de plus d'un million et demi d'habitants, était bloqué.

Enfin, à la Banque de France, la grève d'agents de sécurité et d'opérateurs a continué dans les deux plus gros centres fiduciaires, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) et Sainghin-en-Mélantois (Nord). Le site de fabrication du papier pour billets, à Vic-le-Comte, et l'imprimerie de Chamalières, dans le Puy-de-Dôme, ont également connu des débrayages.

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