Hausse du cours du cacao : faut-il faire des stocks de chocolat avant que les prix augmentent ?
Après Pâques, le déluge sur le prix des chocolats ? Le secteur est confronté à une hausse inédite du cours du cacao, son principal ingrédient, à la bourse à New-York. La matière première a dépassé – temporairement – les 10 000 euros la tonne le 26 mars dernier. Un niveau quatre fois plus élevé que l'an passé, qui provoque une augmentation du prix d'achat pour les fournisseurs et in fine, du prix tout court pour les amateurs de chocolats.
Si les fabricants ont fait leur stock avant les fêtes de Pâques, épargnant la chasse aux œufs du dimanche 30 mars d'une forte hausse des prix, les montants en rayon dans les chocolateries devraient grimper dans les prochains mois. Sur son compte X, le PDG de Système U Dominique Schelcher incite même les "amateurs de chocolat à faire des stocks". Bonne ou mauvaise idée ? Franceinfo vous livre quelques éléments de réponse.
Oui, les prix vont augmenter partout
Des mastodontes du secteur qui vendent en grandes surfaces aux petits chocolatiers de quartier, personne ne sera épargné par cette hausse des prix. "Que vous soyez petit, moyen ou gros, elle va forcément vous toucher puisque le prix d'achat du cacao dans les mois à venir va augmenter, analyse Gilles Rouvière, secrétaire général du Syndicat du chocolat, qui réunit soixante-dix chocolatiers. La préoccupation est forte au niveau des ventes en 2024."
"Le fait que ce soit mondial est plutôt rassurant, parce que tout le monde est dans le même bateau", tempère Paul-Henri Masson, cofondateur de la marque Le Chocolat des Français. Concrètement, la hausse sera par exemple d'environ "20 centimes par tablette", chez Ethiquable, entreprise coopérative de commerce équitable qui revend en grande distribution.
Les produits chocolatés subissent cependant déjà l'inflation depuis près de deux ans, notamment à cause de la hausse des prix de l'énergie et du sucre. En rayon cette année, les chocolats sont "5% plus chers" que pour Pâques 2023, chiffre le Syndicat du chocolat. L'UFC-Que Choisir a mesuré de son côté des augmentations plus importantes sur certains produits de grandes marques.
Des augmentations différentes en fonction des produits
Si la hausse des cours va provoquer des augmentations chez tous les chocolatiers, plusieurs facteurs vont influencer les futurs prix, qui ne seront touchés de la même façon en fonction des produits. "Si on prend une tablette de chocolat, le packaging ne représente presque rien. La fève de cacao a donc un poids très important dans la structure de coût. C'est moins le cas sur un coffret par exemple", explique Paul-Henri Masson, qui va donc pouvoir jouer sur d'autres leviers pour compenser.
"Ce qui joue beaucoup, c'est la concentration du cacao dans le chocolat, note Noé Bauduin, chargé d'études à l'UFC-Que-Choisir.
"Dans certains produits de grandes marques, la fève de cacao, ce n'est pas le gros du prix. Pour le chocolat au lait, la quantité minimale c'est 25 %. Entre le packaging, le coût de la distribution, le cacao ne représente finalement pas grand-chose dans le prix final."
Noé Bauduin, chargé d'étude pour UFC-Que Choisirà franceinfo
Il est également probable que les petites entreprises aient moins de marge de manœuvre pour minimiser la hausse du prix que les géants du secteur. "On est vraiment préoccupés pour les petites TPE et PME. Les grands acteurs ont effectivement des capacités d'anticipation plus fortes. Mais il ne faut pas croire que la situation est facile pour eux non plus", précise Gille Rouvière, du Syndicat du chocolat.
Les augmentations n'arriveront pas au même moment
"Les premières hausses vont devenir concrètes cet été, ça va donc se traduire à la rentrée", estime Pierre-Henri Masson, du Chocolat des Français. Même constat pour le cofondateur d'Éthiquable. La hausse dépendra notamment du moment où les chocolatiers vont se fournir et de leur stratégie pour étaler leurs dépenses. Le Syndicat du chocolat s'inquiète là encore pour les "petits" acteurs, qui n'ont pas encore fait leur stock pour Noël. "S'ils n'ont pas acheté avant, ils vont devoir acheter au moment du pic", déplore Gilles Rouvière.
Le secteur anticipe – et espère – cependant une baisse du cours dans les prochaines semaines. "On a des causes réelles liées aux conditions météorologiques et à la baisse des récoltes, mais c'est amplifié par la spéculation financière, explicite Christophe Eberhart. On est probablement au sommet de la vague et on imagine, dans l'avenir, que la courbe va redescendre."
Les prix resteront toutefois plus élevés que l'an passé, à cause de la baisse de production et de la forte demande. Les chocolatiers attendent surtout la prochaine récolte en Côte d'Ivoire et au Ghana – 70% de la production mondiale de cacao – à la fin de l'année 2024 pour en savoir plus.
Faire des stocks n'aidera pas les chocolatiers
Dans ce contexte, est-il donc judicieux de faire des stocks en tant que consommateur ? "Vous pouvez, oui, répond Noé Bauduin, de l'UFC-Que Choisir. Est-ce que le chocolat va augmenter dans les mois à venir en grande surface ? C'est très probable. Donc effectivement, si vous faites des stocks, vous paierez sûrement moins cher aujourd'hui que dans quelques mois." Mais selon lui, les distributeurs, à l'image de Système U, cherche surtout à justifier les hausses des prix en rayon des prochains mois.
"C'est un ensemble de propos qui alimentent la crise, dénonce pour sa part Paul-Henri Masson. Si le cours est aussi haut c'est parce qu'il y a des craintes de ruptures de stock. Donc si les gens font des réserves, ça ne fera qu'alimenter la hausse du cours."
Selon lui un travail de pédagogie est nécessaire pour expliquer aux consommateurs que le chocolat va devenir un produit plus cher de façon durable. Christophe Eberhart, d'Ethiquable, va même plus loin. Il se réjouit que cette hausse du cours entraîne des tarifs "beaucoup plus rémunérateurs" pour les producteurs en Afrique et en Amérique du Sud. Ces dix dernières années, le cours du cacao était selon lui "excessivement bas".
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