Habitat indigne : "Si on laisse les villes toutes seules, elles ne seront pas capables de suivre", alerte le maire de Saint-Denis
Un permis de louer permet aux communes de lutter contre l'insalubrité des logements, mais sa mise en œuvre coûte cher, met en garde Laurent Russier, qui demande le soutien de l'État.
La lutte contre les habitations insalubres peut passer par le permis de louer, un outil à disposition des communes, mais qui demande un investissement, prévient Laurent Russier, le maire de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Sa commune est confrontée à plusieurs milliers de logements indignes.
Un examen professionnalisé des logements
Dans cette rue du centre de Saint-Denis, le numéro 8 a connu des jours meilleurs. La façade du bâtiment inspecté par une équipe municipale est décrépite, des fenêtres ne ferment plus. Dans la cour intérieure, c’est encore pire. "Là, il y a des problèmes de canalisation. Sans doute cela a-t-il affecté les murs porteurs. Ce sont des eaux usées, cela voit avec les champignons et la couleur", constate Jérémy Pérette, de l’Unité habitat de Saint-Denis.
Le long de la façade intérieure, la canalisation verte de moisissures dégouline sur toute la hauteur. Dans la cour, une tranchée balafre le pavé. Un ballon indique que des enfants jouent là. À l’intérieur, Brahim Dandoun et Maryse Thomas, de la mission saturnisme, examinent le mur de la cage d’escalier. Dans les bâtiments construits avant 1949, il y énormément de plomb dans les peintures, selon ces spécialistes. "Vous passez la main dessus, vous la portez à la bouche et les enfants peuvent s’intoxiquer", expliquent-ils.
Tliha, son épouse et son bébé de quelques jours vivent pourtant là depuis mars, dans une pièce de 23 mètres carrés, au loyer de 630 euros.
Ça sent très mauvais dans l’escalier. Il y a beaucoup de rats, beaucoup de cafards. L’été, il y a beaucoup de punaises. On ne dort pas la nuit.
Tliha, locataire à Saint-Denisà franceinfo
Dans le seul centre-ville de Saint-Denis, plus de 2 000 logements sont potentiellement indignes, sur fond de saturation du parc de logement social. Avec le permis de louer préalable, soumis à un diagnostic de la mairie, la ville espère dégoûter les marchands de sommeil, qui risquent des amendes. "On avait demandé de pouvoir taper directement au portefeuille, rappelle Laurent Russier, le maire Front de gauche. C’est-à-dire 5 000 euros d’amende administrative pour un propriétaire qui ne ferait pas de demande de permis de louer. Et pour le propriétaire, s’il loue malgré le refus du permis décidé par la ville, c’est 15 000 euros d’amende."
Un coût pour les communes
Mais ce dispositif, prévu dans la loi Alur de 2014, a mis du temps à se traduire dans les faits à cause de lenteurs de procédure et du défaut d’accompagnement de l’État, estime Laurent Russier. "Si on laisse les villes toutes seules, et c’est pour cela que les villes n’ont pas utilisé le permis de louer, elles ne seront pas capables de suivre, affirme l'élu qui a dû créer et renforcer des services. Cela nous a obligés à recruter des inspecteurs d’insalubrité, à renforcer notre mission habitat indigne et notre mission péril, au niveau de la ville."
Ce sont des moyens humains, au moment où le gouvernement n’arrête pas de mettre la pression sur le budget des collectivités.
Laurent Russier, maire de Saint-Denisà franceinfo
Le phénomène de l’habitat indigne s’étend en région parisienne, quittant les centres des grandes villes pour toucher de plus en plus de pavillons, que se partagent plusieurs familles.
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