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Hausse des prix de l'immobilier : "Paris est une ville de passage, comme une gare"

Les prix de l'immobilier dans la capitale ont flambé ces dernières années, selon une étude de la chambre des notaires de Paris et de l'Insee dévoilée jeudi. Surreprésentation des cadres, fuite des familles… Le sociologue Jean Viard analyse les conséquences de cette évolution.

Article rédigé par franceinfo - Propos recueillis par Alice Galopin
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Paris attire une population de cadres à hauts revenus vivant seuls, au détriment des classes populaires et des familles. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

C'est un record et un cap symbolique. Le seuil des 10 000 euros le mètre carré, en moyenne, a été franchi au mois d'août dans la capitale, selon une étude publiée par les notaires du Grand Paris et l'Insee. Au deuxième trimestre 2019, le mètre carré moyen dans l'ancien s'affichait au prix de 9 890 euros, soit une hausse de 6,3% en un an. 

Trop chère pour les ouvriers et les familles, qui se reportent sur d'autres métropoles françaises, Paris attire notamment les cadres à hauts revenus, issus de la mondialisation. Jean Viard, sociologue et directeur de recherches associé au centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), analyse les transformations sociologiques de la capitale.

Franceinfo : Qui vit aujourd'hui à Paris ?

Jean Viard : Paris est devenue une ville de cadres à hauts revenus, où l'artisan a été remplacé par un avocat international. Il faut voir Paris comme une ville mondiale, pas comme une ville française. Les grandes entreprises et les lieux de gouvernance mondialisés sont de plus en plus nombreux dans la capitale. Cela génère une forte demande d'achat qui fait grimper les prix de l'immobilier. 

C'est également une ville de personnes qui vivent seules. Il y a beaucoup d'étudiants ou encore de personnes travaillant à Paris et dont le reste de la famille habite en dehors de la capitale. Il faut aussi prendre en compte que nous sommes sortis du modèle familial d'habitat. A Paris, un mariage sur deux se défait au bout de cinq ans. Sans oublier les personnes qui travaillent dans plusieurs lieux et qui vivent à Paris uniquement quelques jours par semaine. Tous ces profils seuls peuvent faire le choix de vivre en colocation, parce que c'est plus avantageux financièrement.

Enfin, dans le centre de Paris, il y a aussi un phénomène important d'appartements transmis de génération en génération. C'est une dimension qui n'est toutefois pas majoritaire.

Quelles sont les classes sociales qui ont été contraintes de quitter Paris à cause des prix de l'immobilier ?

Ce sont principalement les milieux populaires : les travailleurs des secteurs de production, les employés des services. Ils vivent en région parisienne, voire hors de l'Ile-de-France. Les cadres à hauts revenus ont remplacé les ouvriers. La présence de postes à gros salaire dans de grands organismes mondialisés augmente les prix fonciers à Paris. Mais c'est un bouleversement, pas un effondrement. 

Il y a aussi un phénomène de fuite des familles. Les gens arrivent à Paris pour leurs études et y débutent leur vie de couple. Avec la stabilité et l'arrivée des premiers enfants, beaucoup de cadres décident de quitter la capitale parce qu'ils n'ont pas assez de revenus pour se payer un logement confortable. Ils préfèrent faire des navettes vers Paris pour aller travailler, ou alors changer leur lieu d'emploi. Paris est une ville de passage, comme une gare, car elle est inabordable pour un couple avec enfants. 

Où vont ces familles qui quittent Paris ?

Cela fait la fortune de plusieurs villes comme Rennes, Nantes, Bordeaux, Lille… Elles sont toutes à quelques heures en train de la capitale. Avant, les jeunes couples allaient surtout habiter en banlieue. Mais aujourd'hui, les grandes villes de province se sont révolutionnées et sont devenues plus attractives. L'offre de services, notamment culturels, y est devenue supérieure à celle des banlieues. La qualité de vie dans l'espace public de ces métropoles s'est largement améliorée. On vit aussi bien à Nantes qu'à Paris.

Ce sont aussi des métropoles mondialisées où l'on retrouve les mêmes codes socioculturels qu'à Paris. Elles attirent donc énormément ces nouvelles populations de cadres supérieurs. 

Ces changements ont-ils une incidence sur la sociologie politique parisienne ? 

L'offre politique à Paris témoigne bien que la capitale est devenue une ville de cadres. Les candidats aux municipales de 2020 se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Ils ont le même niveau de diplôme, les mêmes codes vestimentaires. Ce sont des cadres supérieurs, à fort capital culturel. Benjamin Griveaux (LREM), Anne Hildalgo (PS), Cédric Villani (LREM), Gaspard Gantzer (Parisiennes, Parisiens) sont issus du même groupe socioculturel. 

Mais cela ne date pas d'aujourd'hui. Depuis l'élection de Bertrand Delanoë (PS), c'est une élite plutôt de gauche qui a tendance à gouverner la ville, alors que Paris était historiquement de droite. On est désormais face à une alliance des cadres et de la culture. 

La conséquence est qu'il n'y a pas une opposition frontale, entre un communiste et une personnalité de droite, par exemple. La bataille politique se joue entre des candidats assez homogènes. Cela ne bouleversera donc pas la politique de la ville. Ils sont tous favorables à l'écologie, au renforcement du nombre de crèches… Ils voudront aussi tous attirer les grandes entreprises londoniennes si le Brexit a lieu. Sur des sujets comme ceux-là, il n'y a pas d'écart. 

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