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Jeune locataire, bailleur, promoteur... Que va changer pour vous le plan logement du gouvernement ?

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
En France, quatre millions de personnes sont sans abri, mal logées ou sans logement personnel, selon la Fondation Abbé-Pierre.  (PHOTO12 / GILLES TARGAT)

L'exécutif a dévoilé sa "stratégie logement", mercredi 20 septembre. Vous êtes perdu dans toutes ces annonces ? Franceinfo vous résume les incidences, selon votre situation.

Avec plus de 12 millions de personnes touchées peu ou prou par la crise du logement, selon le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre, le gouvernement était attendu au tournant. Mercredi 20 septembre, il a donné les grandes lignes de son plan logement. Concrètement, que vont changer ses annonces à votre vie quotidienne, notamment si vous êtes locataire ? Eléments de réponse.

Si vous êtes locataire dans le parc privé

• Vous allez toucher moins d'APL. Le gouvernement l'a martelé sur tous les tons : les aides personnalisées au logement (APL) coûtent trop cher à l'Etat. Il les a donc baissées. Conséquence ? Quelle que soit votre situation, vous toucherez 5 euros d'APL en moins à partir du 1er octobre 2017. Dans le parc privé, inutile de compter sur la compassion de votre logeur : l'appel lancé par Emmanuel Macron à réduire d'autant les loyers n'a suscité que des rires. "On est dans le ridicule", s'amuse Jean-Claude Driant, spécialiste de l'habitat et professeur à l'Ecole d'urbanisme de Paris, contacté par franceinfo. Manuel Domergue, le directeur des études de la Fondation Abbé-Pierre, se dit tout aussi inquiet. Ce coup de rabot s'attaque aux revenus les plus modestes, souligne-t-il, puisque la quasi-totalité des bénéficiaires des APL "touche moins que le smic".

• Le calcul des aides au logement va changer Autre évolution qui va bouleverser vos habitudes : au 1er janvier 2019, le montant de vos APL ne sera plus évalué par rapport à vos revenus d'il y a deux ans, mais en tenant compte de vos revenus en cours. Or, ce mode de calcul est moins prévisible, explique Pierre Madec, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). "Prendre comme base le revenu touché deux années plus tôt, comme c'était le cas jusqu'à présent, garantissait une certaine stabilité. En 2019, les aides devront s'ajuster en temps réel aux revenus, ce qui risque de créer une instabilité très forte" avec des indus, des rappels, précise-t-il à franceinfo. "Cela peut déstabiliser les ménages fragiles."

Les jeunes actifs seront les perdants de cette réforme.

Pierre Madec, économiste à l'OFCE

à franceinfo

Si vous êtes étudiant ou jeune actif

• Vous allez bénéficier d'une garantie. Vous toucherez, comme les autres, 5 euros d'aide au logement en moins. En revanche, pour mieux convaincre un bailleur récalcitrant, vous pourrez à l'avenir, sans condition de ressources, bénéficier d'une "solution de garantie" via l'extension d'une garantie existante financée par Action Logement (anciennement 1% Logement). 

• Un bail plus court a été conçu pour vous. Tout spécialement à votre intention, l'exécutif a concocté un "bail mobilité" qui peut durer un à dix mois. Avantage : il ne vous sera demandé aucune garantie. Inconvénient : vous devrez plier bagage à l'issue de votre formation ou de votre année universitaire. La Fondation Abbé-Pierre s'inquiète d'ailleurs de cette "attaque très inquiétante" contre le bail privé classique d'une durée de trois ans (sachant que le locataire peut donner son préavis quand il le désire, un mois avant son départ). Ce nouveau contrat, qui s'ajoute à celui sur les meublés (d'une durée de neuf à douze mois) "flexibilise encore le marché. On précarise les jeunes et les précaires", estime Manuel Domergue.

• De nouveaux logements sont prévus. Enfin, d'ici à quelques années, vous ou vos successeurs trouverez peut-être plus facilement un toit : le gouvernement a promis la construction de 60 000 logements pour les étudiants et 20 000 pour les jeunes actifs.

Si vous êtes logé en HLM

• Votre loyer va (peut-être) baisser. Comme les autres, vous subissez à partir d'octobre la baisse de 5 euros des APL. Mais le gouvernement ne s'arrête pas en si bon chemin. Au total, il devrait ponctionner vos aides au logement d'un montant de 50 ou 60 euros, selon Le Figaro. Pas de panique : le gouvernement impose aux bailleurs sociaux une réduction équivalente des loyers et promet un jeu de sommes nulles, c'est-à-dire indolore pour votre portefeuille. 

Malheureusement, à plus long terme, la décision pourrait se retourner contre vous. Qui investira à l'avenir dans le parc social ? Qui le rénovera ? Le sujet devrait faire flamber les discussions au Congrès de l'Union sociale pour l'habitat qui se tient la semaine prochaine à Strasbourg. "Ce prélèvement de 1,4 milliard par an dans le budget des bailleurs sociaux représente une baisse aberrante au moment où il y a quatre millions de mal-logés !, s'indigne Manuel Domergue. Et cela fait autant d'argent en moins pour la prévention des expulsions ou pour la rénovation d'un parc qui se paupérise".

Qui va payer, à terme, si le gouvernement fait les poches des bailleurs sociaux ? Les locataires.

Manuel Domergue, de la Fondation Abbé-Pierre

à franceinfo

Si vous êtes bailleur 

• Vous disposez d'un nouveau bail, plus souple. A votre intention, le gouvernement n'a annoncé qu'une réelle nouveauté, le "bail mobilité" d'un à dix mois à destination des étudiants (ou des personnes en formation). Il a toutefois une contrepartie : vous ne pourrez plus exiger de garanties de la part d'un locataire qui n'est là que pour quelques mois.

Si vous êtes propriétaire d'un terrain

• Vous bénéficiez de forts avantages fiscaux si vous vendez. Vous possédez des terrains où l'on peut bâtir en zone tendue (région parisienne, agglomération où les prix de l'immobilier flambent) ? Bingo, c'est le moment de vendre ! Alors qu'il fallait vingt-deux ans pour ne payer aucun impôt sur la plus-value, l'exonération sera de 100% pour la vente de terrains permettant de construire du logement social, de 85% pour du logement intermédiaire (destiné, sous conditions de ressources, aux ménages de classes moyennes dont les revenus dépassent les plafonds HLM) et de 70% pour du logement libre (le bailleur fixe le prix librement en fonction du marché, sauf à Paris et Lille, où les loyers sont encadrés). 

Le diagnostic gouvernemental fait l'unanimité : il faut débloquer des terrains pour construire dans les zones urbaines dynamiques, où les loyers explosent. Et "ce qui bloque la production de logements, c'est le foncier", résume Pierre Madec. Mais l'économiste regrette qu'on soit loin d'une "réforme en profondeur sur le choc d'offres, même s'il y a des incitations fiscales très importantes". Il déplore surtout que "tous ceux qui ont fait de la rétention de terrain soient récompensés, avec des abattements qui vont aller jusqu'à 100% de la plus-value". Pour la Fondation Abbé-Pierre, il aurait fallu inverser la logique et "taxer plus fortement la rétention sur le long terme, pour obliger les propriétaires à se libérer des terrains fonciers" ou des logements dont ils ne font rien. 

Si vous êtes promoteur

• Les recours seront plus compliqués contre les permis de construire. Votre vie sera facilitée, avec moins de procédures en justice. Les recours contre les permis de construire devront être "motivés dès leur dépôt", les procédures abusives seront davantage "sanctionnées" et des mesures nouvelles seront prises pour "maîtriser la durée des procédures". Pour les modalités, patientez un peu : le gouvernement n'a pas donné davantage de précisions.

• On vous évitera de nouvelles normes. Le gouvernement a claironné qu'il allait "simplifier les normes". C'est sans doute aller un peu vite en besogne. Comme le relevait Le Canard enchaîné, il n'est pas si simple de dénicher des normes à supprimer. S'en prendre à celles sur le handicap ? Risqué politiquement. Elles seront néanmoins assouplies. "Seuls 10% des logements" devront respecter les normes de 2005 "obligeant les promoteurs à dessiner des salles de bain et des entrées immenses pour qu'un fauteuil roulant puisse y manœuvrer et générant des surcoûts", assènent Les Echos.

Quant aux normes environnementales et énergétiques déjà votées, notamment dans le cadre de la loi de transition énergétique, elles seront appliquées. Le gouvernement s'est donc contenté de donner pour exemple la simplification des "normes sismiques lorsqu'elles sont trop sévères dans des zones à faible risque". "En clair, il n'y aura pas – ou le moins possible – de nouvelles normes", conclut Jean-Claude Driant, de l'école d'urbanisme de Paris. 

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