Liste des paradis fiscaux selon l'UE : "Une liste sans sanction n'a aucun sens" selon Oxfam
Pour Manon Aubry, porte-parole et responsable de plaidoyer justice fiscale et inégalités au sein d’Oxfam France, "l'enjeu est un enjeu de cohérence et de crédibilité pour l'UE qui devrait déjà commencer par balayer devant sa porte dans la lutte contre l'évasion fiscale".
Les 28 ministres des Finances de l'Union européenne se sont réunis à Bruxelles pour se doter d'une liste noire de 17 paradis fiscaux opérant hors de leurs frontières, une grande première pour l'UE. Invitée sur franceinfo avant l'annonce de cette liste, mardi, Manon Aubry, porte-parole et responsable de plaidoyer justice fiscale et inégalités au sein d’Oxfam France, a dit préférer voir le "verre à moitié plein", estimant que "c'est la première fois qu'une organisation multilatérale prend en compte des critères de compétition fiscale".
franceinfo : Cette liste noire européenne, c'est un premier pas ou un coup pour rien ?
Manon Aubry : Je pense qu'on peut voir le verre à moitié plein, dans le sens où c'est la première fois qu'une organisation multilatérale prend en compte des critères de compétition fiscale. [L'UE] va prendre en compte des avantages fiscaux dommageables qu'offrent les États pour attirer les multinationales sur leur sol (...). Jusqu'à présent, toutes les listes qui existaient au niveau international sur les questions de paradis fiscaux prenaient essentiellement en compte des critères de transparence et qui aboutissaient notamment aux listes ridicules qui existent aujourd'hui dans le cadre de l'OCDE, où il n'y a qu'un seul pays listé qui est Trinidad et Tobago (...). On fait des progrès sur la définition des critères.
Maintenant, là où le bât blesse potentiellement, c'est sur l'application de ces critères. Oxfam a fait cet exercice en parallèle et on a trouvé qu'en appliquant ces critères, 35 pays devraient être listés. L'autre enjeu, c'est celui des pays de l'Union européenne (...) exclus de cette liste alors qu'ils sont les plaques tournantes de l'évasion fiscale au niveau européen.
Dans votre liste, il y a quatre pays de l'UE, Malte, Luxembourg, les Pays-Bas et l'Irlande. Mais comment l'Europe pourrait mentionner ces pays alors que cette décision se fait à 28, donc avec ces pays ?
L'enjeu est un enjeu de cohérence et de crédibilité pour l'UE qui devrait déjà commencer par balayer devant sa porte dans la lutte contre l'évasion fiscale. Il est possible qu'elle prenne des mesures pour lutter contre l'évasion fiscale en son sein en luttant contre, notamment, cette espèce de concurrence fiscale à laquelle se livrent les pays européens de manière effrénée. L'UE est un bon acteur [pour dresser une telle liste] dans le sens où c'est une organisation multilatérale qui pèse énormément dans le marché économique international. Se pose aujourd'hui la question des sanctions et quand les sanctions sont appliquées par 28 États membres (...), ça peut avoir un impact fort. Après, rien n'empêche aux États à titre individuel, notamment la France, d'aller plus loin, à la fois dans sa liste et dans les sanctions, et rien n'empêche l'UE d'avoir une action forte en son sein pour dire : 'Nous prenons une directive pour lutter contre la concurrence fiscale au niveau européen'.
Il faut des sanctions ?
Une liste sans sanction n'a aucun sens. Quel est l'effet dissuasif d'une liste, s'il n'y a aucune mesure dissuasive pour que les entreprises n'aient pas d'activité économique là-bas ? L'objectif n'est pas juste de pointer du doigt des pays, c'est de faire en sorte que, concrètement, les entreprises, les individus, arrêtent d'utiliser les paradis fiscaux qui font perdre des dizaines, voire des centaines de milliards d'euros à nos États et l'enjeu, c'est qu'a priori l'Union européenne ne va pas encore annoncer de sanctions, ce sera peut-être pour février, on nous dit peut-être mars et il faudra continuer à maintenir la pression sur l'UE pour qu'en effet ces sanctions soient les plus fortes et les plus dissuasives possibles.
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