Pouvoir d'achat : trois questions sur la baisse d'impôts de "deux milliards" en faveur des classes moyennes annoncée par Emmanuel Macron
"J'ai demandé au gouvernement d'y travailler." Le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé, lundi 15 mai, sur TF1, avoir confié à Elisabeth Borne et son équipe un chantier visant à "concentrer sur les classes moyennes" les prochaines "baisses d'impôts pour les ménages", qui pourraient s'élever à deux milliards d'euros d'ici à la fin de son quinquennat, en 2027. Il vise ainsi "les Françaises et les Français qui travaillent dur, qui veulent bien élever leurs enfants et qui aujourd'hui, parce que le coût de la vie a augmenté, ont du mal à boucler la fin du mois". Franceinfo se penche sur ce sujet en trois questions.
1 Pourquoi l'exécutif cible-t-il les classes moyennes ?
Ce geste fiscal est esquissé depuis plusieurs semaines par le gouvernement. Fin avril, la feuille de route pour les "100 jours d'action" de l'exécutif comprenait, dans son dossier de presse, la promesse de "baisses d'impôt pour les classes moyennes d'ici à la fin du quinquennat". Cette dernière s'inscrivait parmi une liste de mesures "en faveur du pouvoir d'achat" et de "soutien sur les revenus" des travailleurs. Elle avait été confirmée par le ministre délégué chargé des Comptes publics, Gabriel Attal, partisan d'un "plan Marshall pour les classes moyennes", qui "comptent pour l'essentiel sur leur travail pour vivre, pas sur les aides sociales ni sur un gros patrimoine".
Alors qu'il se montre omniprésent dans les médias depuis mercredi, enchaînant les interviews post-réforme des retraites, Emmanuel Macron a justifié cette démarche, dimanche, dans L'Opinion (article réservé aux abonnés) : "La fiscalisation des revenus des classes moyennes est trop importante et s'accélère trop vite", a-t-il estimé, jugeant que les impôts "[écrasaient] les gains de pouvoir d'achat" pour les personnes gagnant "entre 1 500 et 2 500 euros" par mois.
"Je parle de ceux qui sont trop riches pour être aidés et pas assez riches pour bien vivre (...) Il faut permettre aux classes moyennes de vivre mieux avec leur salaire. Et donc continuer de baisser leurs impôts."
Emmanuel Macron, président de la Républiqueà "L'Opinion"
L'heure est donc venue, selon le chef de l'Etat, de "poursuivre une trajectoire de baisse de fiscalité sur nos classes moyennes", après avoir déjà "beaucoup" aidé "les bas salaires" et les gens "qui ont décroché". Il y voit un moyen de "redonner de la crédibilité au travail".
2 A quoi pourrait ressembler cette baisse ?
Emmanuel Macron a reconnu, lundi soir, que les contours de la mesure restaient à définir. "Il peut y avoir des choses intelligentes à faire sur une partie des cotisations que vous payez quand vous êtes salarié", a-t-il suggéré, se refusant toutefois à "fermer des portes". Fin avril, Gabriel Attal avait assuré que "tout [était] ouvert".
"Ca peut être de l'impôt sur le revenu, ça peut être des cotisations salariales, ça peut être la question des successions…"
Gabriel Attal, ministre délégué en charge des Comptes publicssur franceinfo, le 28 avril
Dans son entretien à L'Opinion, le président dit vouloir "réduire ce qu'on appelle le coin fiscalo-social", laissant entendre qu'il compte rapprocher le salaire net du salaire brut en rognant sur les prélèvements d'impôts et les cotisations. Un allègement des cotisations salariales semble tenir la corde. "On pourrait imaginer des taux de cotisations salariales progressifs, comme cela existe déjà pour les entreprises", propose Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), dans les colonnes du Figaro. L'exécutif pourrait préférer s'en tenir à des ajustements, selon Les Echos, en jouant aussi sur des baisses de charges et en compensant mieux la perte de la prime d'activité pour un travailleur qui verrait son salaire augmenter.
Le levier de l'impôt sur le revenu, déjà actionné lors du premier quinquennat avec cinq milliards d'euros de baisse, serait moins adapté pour cibler les travailleurs concernés. "Les retraités y sont également assujettis", rappelle Mathieu Plane. Par ailleurs, la piste d'une baisse des impôts de succession, promesse de campagne d'Emmanuel Macron, paraît enterrée. "On ne peut pas tout faire", confirme à demi-mots un ministre de Bercy à France Télévisions. "Très peu de Français relevant de la classe moyenne payent des droits de succession et cette mesure est donc plus susceptible de profiter aux plus aisés", explique François Ecalle, ancien conseiller maître à la Cour des comptes, au Figaro.
3 Pourquoi cette annonce suscite-t-elle des réserves ?
Ces baisses d'impôts sont évoquées alors que le gouvernement s'est engagé à "accélérer le désendettement" de la France. Il a transmis à Bruxelles, fin avril, des prévisions de finances publiques qui détaillent son plan pour ramener le déficit public sous les 3% du produit intérieur brut (PIB) en 2027. Tout coup de pouce fiscal rendrait cet objectif plus difficile à atteindre, au risque de rogner sur les services publics.
"Si on veut soulager les classes moyennes, mécaniquement, les classes supérieures vont payer plus. Or Emmanuel Macron a promis de ne pas augmenter les impôts. Il faudra donc réaliser des économies inédites sur la dépense publique."
Mathieu Plane, économiste à l'OFCEau "Figaro"
Emmanuel Macron peut-il se le permettre ? "Arrêtons peut-être un peu la course à la baisse d'impôts dans ce pays, surtout avec les déficits que nous avons", avait plaidé le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, en février, sur France 2, en défendant le rôle des impôts pour le "financement des services publics et de la solidarité". Autre alerte du premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, en avril, à l'Assemblée nationale : "La situation macroéconomique ne nous permet plus d'opérer des baisses de prélèvements obligatoires non compensées."
Le président se vante d'avoir déjà, durant son premier quinquennat, allégé les impôts de 52 milliards d'euros, "moitié pour les ménages, moitié pour les entreprises". "Les baisses d'impôts qu'on a faites sur les ménages se sont concentrées sur ces classes moyennes", souligne-t-il, citant la diminution de l'impôt sur le revenu, la disparition des cotisations salariales sur le chômage ou encore la suppression de la taxe d'habitation ou de la redevance audiovisuelle.
L'exécutif assure pouvoir aller plus loin. Les deux milliards supplémentaires annoncés figurent d'ailleurs dans la trajectoire budgétaire transmise à la Commission européenne, selon Emmanuel Macron. "On avait prévu dans notre trajectoire un budget pour des baisses d'impôts dans le cadre de la campagne présidentielle sur les droits de succession et sur la conjugalisation de l'impôt sur le revenu pour les couples non mariés", avait reconnu Gabriel Attal, fin avril, sur franceinfo. Reste à déterminer l'entrée en vigueur du rabais, qui interviendra "quand la trajectoire budgétaire le permettra dans ce quinquennat", a éludé lundi soir Emmanuel Macron.
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