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Le gouvernement va-t-il abandonner le prélèvement à la source ? Retour sur une semaine de cafouillage en cinq actes

Alors qu'il affirmait le contraire depuis plusieurs semaines, le ministre des Comptes publics n'a pas exclu un "arrĂŞt" de la rĂ©forme contestĂ©e du prĂ©lèvement Ă  la source de l'impĂ´t sur le revenu samedi matin. Avant de corriger ses propos dans l'après-midi.

Article rédigé par franceinfo - Hugo Cailloux
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le ministre de l'Action et des Comptes publics, GĂ©rald Darmanin, Ă  la direction rĂ©gionale des douanes d'Aix-en-Provence (Bouches-du-RhĂ´ne), le 20 juillet 2018. (TH?O GIACOMETTI / HANS LUCAS)

En moins d'une semaine, la réforme emblématique du prélèvement à la source a sombré dans l'incertitude. Le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a évoqué pour la première fois, samedi 1er septembre, un possible "arrêt" de la réforme de la récolte de l'impôt sur le revenu. Cela faisait des mois que l'exécutif affirmait à qui voulait l'entendre que la mise en place de la mesure se ferait sans accroc.

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Pourtant, dès juillet, les premiers signes avant-coureurs sont apparus. Le 5 juillet, Gérald Darmanin annonce que la réforme sera différée d'un an pour les salariés travaillant pour les particuliers. Une fois les vacances d'été passées, la réforme se retrouve brutalement à la limite de l'enterrement. 

Franceinfo retrace en cinq actes les revirements de l'exécutif dans ce dossier.

1Darmanin rassure sur le calendrier

L'information a fait trembler les fenêtres du ministère des Comptes publics. Mercredi 29 août, Le Canard enchaîné affirme que le président de la République doute de pouvoir instaurer le prélèvement à la source. Pire, Emmanuel Macron aurait évoqué une suppression pure et simple du système qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2019. "On se donne jusqu'au 15 septembre pour voir si on le fait ou pas", aurait-il dit. Un coup de tonnerre pour Gérald Darmanin, qui sillonne la France depuis plusieurs semaines pour défendre la réforme.

Sa réaction est immédiate. Invité sur Europe 1, le ministre des Comptes publics balaye les informations du Canard. 

Nous ferons la réforme du prélèvement à la source. Dès la fin janvier 2019, les Français paieront les impôts à la source.

Gérald Darmanin, le 29 août

sur Europe 1

Le ministre concède cependant que deux hommes suivent de très près ce dossier. "C'est une grande réforme, il est normal que le président et le Premier ministre surveillent que ça se passe bien", déclare-t-il. Le ministre ne croyait pas si bien dire.

2Macron évoque un possible report

Moins de 24 heures après le démenti du ministre des Comptes publics, Emmanuel Macron confirme publiquement ses doutes. "J'ai besoin d'une série de réponses très précises", déclare le président lors d'une conférence de presse à Helsinki (Finlande). Il explique avoir besoin "d'être sûr de ce que nos concitoyens vivront le jour où on le mettra en place, si on le met en place. Il est normal que nous nous assurions que les détails soient bien clairs." C'est la première fois que le président évoque l'éventualité que la mesure ne soit pas mise en place.

Car la réforme inquiète le président. Un éventuel fiasco dans la mise en place de la réforme pourrait déstabiliser l'exécutif à une date trop proche des élections européennes de 2019, prévues le 26 mai. La majorité pourrait sortir très affaiblie d'un revers à ces premières élections depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée. De son côté, le Premier ministre promet de faire "le point" sur le dossier d'ici à quelques semaines.

3Darmanin admet un possible "arrêt"...

C'était son cheval de bataille, le voilà maintenant désavoué. Invité sur France Inter samedi 1er septembre, le ministre rétropédale.

Est-ce que techniquement on est prêt ? Oui, on est prêt. Est-ce que psychologiquement les Français sont prêts ? C'est une question à laquelle collectivement nous devons répondre.

GĂ©rald Darmanin, le 1er septembre

sur France Inter

"Prélever l'impôt à la source, c'est la simplicité", affirmait encore le ministre en avril dernier au JDD. Mais les déclarations assurées font maintenant partie du passé. Selon Gérald Darmanin, une réunion avec le président, prévue mardi prochain, décidera du destin du prélèvement à la source. "Nous choisirons ensemble politiquement mardi lors d'une réunion avec le président l'avancée ou l'arrêt de la réforme, puisque le président de la République l'a évoqué", lance-t-il. Le mot est prononcé. On ne parle plus de report, mais d'"arrêt" pur et simple. Selon une source au ministère de l'Economie, interrogée par le JDD, le gouvernement a jusqu'au 15 septembre pour se décider, avant qu'il soit "techniquement trop tard pour faire marche arrière".

Malgré les doutes, le ministre défend sa réforme. Toujours au micro de France Inter, il rappelle que la mise en route du prélèvement à la source a déjà été reportée d'une année par le gouvernement d'Edouard Philippe. Pour lui, un report vaut mieux qu'un abandon, qui serait vu comme un renoncement. "Il y a un an, poursuit Gérald Darmanin, le président de la République a considéré qu'il fallait reporter d'un an la réforme. Ce que nous avons fait et c'était une grande décision heureuse."

4... avant de revenir sur ses propos !

Le ministre ne lâche rien. Interrogé par LCI samedi après-midi, Gérald Darmanin revient sur ses propos tenus le matin même sur France Inter. En une demie-journée, les doutes n'existent plus.

Nous avons l'intention de mener cette réforme.

GĂ©rald Darmanin, le 1er septembre

Ă  LCI

Relancé par le journaliste de la chaîne d'information, qui lui rappelle qu'il a bien parlé de possible "arrêt" de la réforme, le ministre dément. "Non, j'ai toujours dit, et de toute façon, c'est au mois de janvier prochain, que nous avons travaillé, beaucoup, pour apporter des réponses au président de la République. Tant que les choses ne sont pas faites, elles ne sont pas faites. Mais le président de la République a dit qu'il avait l'intention de mener cette réforme".

5Un document publié dans la presse dévoile les fragilités du projet

Le sort s'acharne-t-il contre Gérald Darmanin ? Samedi, le journal Le Parisien publie un article faisant état des résultats de la phase de test menée par le ministère. Le bilan est particulièrement alarmant. Le prélèvement à la source a provoqué certains mois des erreurs par centaines de milliers, comme des prélèvements effectués plusieurs fois, ou le prélèvement à un homonyme. Par exemple, plus de 300 000 erreurs ont été recensées en février 2018, rapporte le quotidien. Tandis qu'en juin dernier, aucune erreur n'a été rapportée. Un signe positif pour les services de Bercy et le ministre, pour qui le dispositif est "prêt".

Dans un tweet publié samedi soir, le ministre des Comptes publics affirme que les bugs ont été corrigées.

Le ministère réagit également dimanche pour assurer que "le système est prêt pour janvier 2019" et que "les anomalies identifiées lors de phases de test ont été résolues". 

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