Pâques : pourquoi les prix des chocolats sont plus élevés cette année, et devraient continuer à grimper

Le cours mondial du cacao a bondi de 160% sur un an, en raison notamment de mauvaises récoltes dans les principaux pays producteurs.
Article rédigé par franceinfo
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Des chocolats dans une boutique à Sittard, aux Pays-Bas, le 25 mars 2024. (ROB ENGELAAR / ANP MAG / AFP)

La facture de vos chocolats de Pâques vous a peut-être laissé un arrière-goût amer. Œufs, poules, lapins... L'association de consommateurs UFC-Que choisir, qui a passé en revue un catalogue de 80 chocolats dans une étude publiée mercredi 27 mars, observe que leur prix a augmenté en moyenne de 5% cette année par rapport à 2023. Un niveau bien supérieur à l'inflation alimentaire, qui s'élevait à 1,7% sur un an en mars. Comment expliquer cette hausse des tarifs, qui pourrait bien durer ?

Si le chocolat est plus cher dans les rayons, c'est en partie en raison de l'explosion du prix de la fève de cacao. Son cours mondial a bondi de plus de 160% par rapport à la dernière fête de Pâques, selon la plateforme de trading eToro. Pour la toute première fois, le cacao a brièvement franchi, mardi, la barre des 10 000 dollars la tonne. Une hausse liée aux mauvaises récoltes en Côte d'Ivoire et au Ghana, qui représentent à eux deux plus de la moitié de la production mondiale.

La conséquence d'El Niño

L'Afrique de l'Ouest subit de plein fouet les effets du phénomène climatique El Niño, et a été confrontée ces derniers mois à de fortes pluies et à un épisode de sécheresse. "Cela a engendré un certain nombre de pourritures et de moisissures sur les arbres", expose Thierry Lalet, président de la Confédération des chocolatiers et des confiseurs de France, auprès d'Europe 1. "On a vu l'apparition de maladies, un peu comme dans les vignes". Les conditions humides ont notamment permis la prolifération du virus de l'œdème des pousses du cacaoyer, qui provoque le pourrissement des fèves de cacao sur les arbres.

La hausse du cours du cacao s'ajoute à l'inflation qui a frappé, ces dernières années, d'autres composants du prix des produits chocolatés, comme le sucre et l'énergie. "Bien qu'il soit actuellement comparable à celui de Pâques 2023", le cours du sucre "a augmenté de manière significative (+16%) depuis Pâques 2022", relève la plateforme eToro.

Des coûts répercutés différemment selon les chocolatiers

Cette hausse intervient à un moment crucial pour les chocolatiers : Pâques est le deuxième temps fort de l'année, après Noël. Les célébrations du week-end pascal représentent environ 11% de leurs ventes annuelles, avance le magazine spécialisé LSA. Dans ce contexte, les professionnels du secteur doivent arbitrer entre augmenter leur prix – au risque de couper l'appétit des consommateurs – ou laisser fondre une partie de leurs marges.

Les grands industriels achètent généralement leurs fèves bien à l'avance. Le cacao consommé cette année a été récolté l'année passée, avant qu'El Niño ne frappe, souligne Le Parisien. Mais certains d'entre eux ont d'ores et déjà anticipé et revu leurs tarifs. Début mars, Lindt & Sprüngli avait averti que ses prix allaient augmenter en 2024 et 2025, après une hausse de 10,1% en moyenne en 2023. Ainsi, le lapin doré de la marque est actuellement vendu à un prix 6% supérieur à celui de l'année dernière, selon UFC-Que choisir.

Une partie de cette hausse des coûts reste toutefois "à la charge des fabricants" qui ne "peuvent pas répercuter intégralement cette hausse sur les prix de vente au détail", puisqu'ils sont ajustés à certains intervalles lors des négociations avec les grandes surfaces, "et non en continu", souligne Thomas Juch, directeur des affaires publiques de la fédération des fabricants suisses de chocolat, auprès de l'AFP. "Il y a un effort sur la marge" et l'augmentation pour les consommateurs "est maîtrisée, car les prix ont été fixés avec les distributeurs il y a plusieurs mois, au moment où la hausse des cours du cacao était moins forte", abonde Gilles Rouvière, secrétaire général du Syndicat du chocolat, sur BFM.

"Les Français ont besoin de réconfort"

Du côté des artisans chocolatiers, "nous ne sommes pas sur le même process d'approvisionnement", décrypte Thierry Lalet. "Les fèves que l'on utilise sont hors marché, on travaille beaucoup plus avec des coopératives et on a moins d'intermédiaires", explique sur Europe 1 le président de la Confédération des chocolatiers et des confiseurs de France.

Un chocolatier à Brive (Corrèze) estime, auprès de France Bleu, que la hausse des cours frappe davantage les gros industriels, qui paient habituellement leur cacao "au rabais". "Le problème, c'est qu'il n'y a pas que les matières premières qui augmentent : il y a aussi les rubans et l'emballage alimentaire et chez nous, c'est un pôle très important", témoigne pour sa part la responsable des ventes d'une autre chocolaterie limousine, qui a augmenté ses prix de 2%.

Malgré ces hausses, le secteur se veut toutefois confiant. "Pâques est une fête attendue, le chocolat est un achat plaisir et les Français ont plus que jamais besoin de réconfort et, malgré toutes les crises, les ventes sont en hausse", assure Gilles Rouvière.

Une tendance amenée à perdurer

Mais les prix devraient continuer de progresser dans les magasins durant les prochains mois. "Sur le chocolat de Noël, c'est sûr, il faut s'attendre à un impact fort. Et probablement sur Pâques 2025, si la donne ne change pas", met en garde Dominique Schelcher, directeur général de Système U, sur RMC. "Les négociations de prix avec la grande distribution pour Noël prochain débutent en ce moment, et c'est vrai que nous sommes inquiets", concède le secrétaire général du Syndicat du chocolat, sur BFM. 

"Si on veut que les PME passent cette période [de Noël], les prix devront augmenter, il y a un danger pour la pérennité de ces entreprises qui sont fragilisées", ajoute-t-il. Le syndicat s'inquiète particulièrement pour les "petits" chocolatiers, qui n'ont pas encore fait leur stock pour Noël. "S'ils n'ont pas acheté avant, ils vont devoir acheter au moment du pic", déplore Gilles Rouvière sur franceinfo.

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