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Trois questions pour comprendre la réforme des 35 heures à l'hôpital

Des négociations s'ouvrent aujourd'hui sur la question de la réorganisation du temps de travail au sein de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. 

Article rédigé par franceinfo
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Des infirmières marchent dans un couloir de l'hôpital du Scorff, le 28 mars 2013 à Lorient (Morbihan).  (MAXPPP)

C'est un chantier d'ampleur, concernant 38 établissements et 75 000 agents (hors médecins), qu'ouvre Martin Hirsch. Le directeur de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) lance, mercredi 6 mai, les négociations sur la réorganisation du temps de travail à l'hôpital. 

Francetv info vous explique le projet. 

Pourquoi les 35 heures posent problème à l'hôpital ? 

Introduit en 2002, le système des 35 heures à l'hôpital montre ses limites, comme l'a souligné le rapport parlementaire de la députée Barbara Romagnan (PS). D'abord, comme l'indique Le Figaro, le passage aux 35 heures "n'a pas coïncidé avec le nombre d'embauches prévu, faute de moyens et de candidats".

De plus, les rythmes de travail à l'AP-HP sont très divers : 66% des agents travaillent 7h36 (soit 38 heures par semaine) ou 7h50 par jour, mais d'autres font 10 heures de nuit, 12 heures de jour et certains cadres sont au forfait. Le nombre de jours supplémentaires au titre des RTT varie donc entre 18 et 30 jours par an, selon une étude menée dans 151 hôpitaux publics et relayée par Le Figaro.

Or, dans des services fonctionnant tous les jours 24h/24 et face au manque d'effectifs, beaucoup d'agents sont obligés d'accumuler leurs jours de compensation sur des comptes épargne-temps. Le stock représentait 74,7 millions d'euros, fin 2014, et concernait plus de 36 000 agents. Le système fatigue donc les équipes, occasionnant un fort taux d'absentéisme et désorganisant les services. Selon Le Parisien, le personnel de l'AP-HP s'absente en moyenne "seize jours par an" pour raisons médicales, mais cela atteint parfois trente-deux jours. 

En quoi consiste la réforme voulue par Martin Hirsch ? 

Martin Hirsch souhaite donc modifier l'organisation du travail. L'objectif de la réforme, qui pourrait entrer en vigueur le 1er janvier 2016, est donc de gagner "au moins 20 millions d'euros par an", et ce sans diminuer la masse salariale, qui représente environ 60% du budget. "Si on ne changeait rien à notre organisation, (...) il faudrait supprimer plusieurs milliers d'emplois", prévenait le directeur de l'AP-HP, à la mi-mars, dans un entretien aux Echos.

Pour lui, il ne s'agit pas "de modifier la réglementation" des 35 heures à l'hôpital mais de "revoir les manières de les organiser" et de "les répartir dans la semaine", car elles ne sont plus "adaptées à nos besoins". L'AP-HP recherche plus de "souplesse" et souhaite par exemple adapter la taille des équipes aux pics d'activité, tout en "veillant à la qualité de vie au travail". Concrètement, il pourrait s'agir de perdre des RTT en échange de journées de travail plus courtes, indiquent les syndicats. 

Jusqu'à présent, la moitié des hôpitaux publics ont renégocié leurs accords RTT, plus ou moins dans la douleur. Cela s'est traduit par "un retour à l'équilibre budgétaire, par le dégagement d'un bénéfice ou par la réduction du déficit", assure Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF), qui réunit la quasi-totalité des établissements publics de santé. Renégocier les 35 heures serait l'une des solutions pour "tenir budgétairement" au moment où "les contraintes sont fortes". Sur les RTT, la FHF recommande de fixer un plafond à 15 jours par an, pour une économie de 400 millions d'euros.  

Qu'en pensent les syndicats ? 

Avant même l'ouverture des négociations, les syndicats ont exprimé leur opposition au projet. Selon Rose-May Rousseau, responsable de la CGT-Santé citée dans Le Parisien, "le projet de Martin Hirsch vise à supprimer 1 000 emplois par an sur quatre ans". Au micro de France 2, Gilles Damez, de FO, fait lui aussi part de ses doutes : "Ce qu'on redoute, c'est une désorganisation totale et un manque de qualité de soins."

"Sous couvert de qualité de vie au travail, de lutte contre l'absentéisme et l'usure, il veut nous enlever les RTT pour avoir plus de flexibilité et veut supprimer les équipes fixes", s'inquiète de son côté Carole Soulay, responsable SUD. "Quel sera l'impact sur la vie familiale" des agents ? s'interroge-t-elle. L'intersyndicale CGT-SUD-FO a donc lancé un appel à la grève pour le 21 mai.

La situation est déjà tendue dans certains établissements. A l'hôpital psychiatrique Paul-Guiraud de Villejuif (Val-de-Marne), une partie du personnel fait grève depuis l'été 2014, raconte France Inter. Dans l'établissement, les agents ont perdu dix jours de RTT contre des journées de travail raccourcies de 24 minutes. "On ne se repose pas avec 24 minutes de moins. On part plus tôt, oui, mais 24 minutes, qu'est-ce que ça change ?" lance une psychomotricienne. 

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