Nouvelles manifestations anti-"Charlie Hebdo" en Afghanistan, au Pakistan et au Cachemire indien
Au Pakistan, les manifestations contre l'hebdomadaire français, qui n'y est disponible ni en version papier ni sur internet, s'inscrivent dans le cadre de tensions entre le pouvoir et les islamistes depuis l'attaque des talibans contre une école de Peshawar.
"A bas Charlie Hebdo", ont scandé vendredi 23 janvier plusieurs dizaines de milliers de manifestants en Afghanistan et au Pakistan, leur plus grande mobilisation depuis la dernière caricature de Mahomet dans l'édition post-attentat du journal satirique, ainsi qu'au Cachemire indien où des heurts ont éclaté avec la police.
"Mahomet est ma vie", "Notre prophète, notre honneur", "Décapitez le blasphémateur", pouvait-on lire sur des pancartes au cours d'un rassemblement organisé par la Jamaat-e-Islami (JI), l'un des principaux partis islamistes du Pakistan, qui a rassemblé 15.000 personnes à Islamabad, la capitale. "O peuple de France, ô peuple du Danemark, écoutez bien, nous serons aux trousses de quiconque blasphème", a déclaré le chef de la JI, Siraj ul-Haq, appelant à boycotter les produits des pays dont des médias ont publié des caricatures de Mahomet.
"Les musulmans doivent s'unir et défendre l'honneur du prophète de l'islam"
Dans le reste du pays, d'autres manifestations organisées par les islamistes réunissaient aussi des milliers de personnes à Quetta, Peshawar, à Karachi, Muzaffarabad, dans la portion du Cachemire administrée par le Pakistan, et à Lahore, capitale de la province du Pendjab. "Les musulmans doivent s'unir et défendre l'honneur du prophète de l'islam", a ainsi déclaré à Lahore, Hafeez Saeed, chef de la Jamaat ud-Dawa, organisation considérée comme le paravent du Laskhkar-e-Taïba, accusée d'être impliqué dans des attentats dans l'Inde voisine. Les partisans de Hafeez Saeed, dont la tête est d'ailleurs mise à prix pour dix millions de dollars par les Etats-Unis, ont aussi brûlé des drapeaux français, américains et britanniques.
En Afghanistan, on comptait près de 20 000 manifestants à Herat, troisième ville du pays. Des manifestants y ont brûlé le drapeau français et demandé des excuses officielles de la France pour la publication de caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo.
A Srinagar, principale ville du Cachemire indien, commerces et entreprises ont fermé à l'appel d'une importante organisation musulmane et de groupes séparatistes pour protester contre les caricatures "blasphématoires". Des échauffourées y ont éclaté après que la police a tiré en l'air pour disperser un groupe de protestataires qui reprenait des slogans tels que "A bas Charlie Hebdo" à la sortie des mosquées. Aucun blessé n'a été signalé.
Tensions entre le pouvoir et les islamistes au Pakistan
Le Pakistan et l'Afghanistan avaient condamné dans un premier temps l'attaque du 7 janvier à Paris contre le journal satirique, fatale à 12 personnes, mais le ton s'était progressivement durci, des islamistes radicaux rendant même hommage aux frères Chérif et Saïd Kouachi, auteurs de l'attaque. Puis, la classe politique des deux pays, incluant le président afghan Ashraf Ghani et le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, avait condamné la publication d'une nouvelle caricature du prophète Mahomet la semaine dernière en Une de Charlie Hebdo.
Au Pakistan, les manifestations contre l'hebdomadaire français, qui n'y est disponible ni en version papier ni sur internet, s'inscrivent dans le cadre de tensions entre le pouvoir et les islamistes depuis l'attaque des talibans contre une école de Peshawar, un bain de sang qui avait fait 150 morts, dont plus de 130 écoliers, à la mi-décembre. Depuis cette attaque, le pays a levé le moratoire sur la peine de mort, en vigueur depuis 2008, dans les seuls cas de terrorisme, appelé à un plus grand contrôle des écoles coraniques et approuvé la création de nouveaux tribunaux permettant aux militaires de juger des civils soupçonnés de terrorisme ou liés à des groupes rebelles à caractère sectaire, chiites notamment. Or les deux principaux partis islamistes du pays, dont la Jamaat-e-Islami, ont voté contre la création de ces tribunaux, apparaissant aux yeux d'une partie des autorités et de la population comme complices potentiels des talibans.
Par ailleurs, entre 200 à 300 musulmans ont manifesté à Abidjan contre la caricature du prophète Mahomet, un événement rarissime en Cöte d'Ivoire, indique une source sécuritaire. Aucune manfestation anti-Charlie n'avait eu lieu la semaine dernière dans ce pays africain où musulmans et chrétiens, qui représentent 40% et 30% de la population, vivent en harmonie.
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