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Rafle du Vel d'Hiv : "Les dessins de Cabu sont là pour nous faire comprendre l'immensité du crime", selon le commissaire de l'exposition au Mémorial de la Shoah

Des dessins de Cabu sur la Rafle du Vel d’Hiv sont exposés pour la première fois à Paris, au Mémorial de la Shoah. Réalisés en 1967, ils ont bouleversé l'auteur, assassiné en janvier 2015 lors de l’attentat contre Charlie Hebdo.

Article rédigé par Anne Chépeau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Jean Cabut, alias "Cabu", en 2008 dans son atelier à Paris. Le dessinateur a été assassiné en janvier 2015 lors de l’attentat contre Charlie Hebdo. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

C’est au printemps 1967 que le journal Le nouveau Candide fait appel à Cabu pour illustrer les bonnes feuilles du livre La grande rafle du Vel d’Hiv, de Claude Lévy et Paul Tillard. Les 16 et 17 juillet 1942, 12884 Juifs sont arrêtés par la police française et livrés aux Allemands. Un ouvrage qui rassemble des témoignages sur cet épisode tragique de la seconde guerre mondiale. "Ça l'a marqué. D'ailleurs, il écrira quelques années plus tard qu'il a fait des cauchemars en l'illustrant", souligne son épouse Véronique Cabut à franceinfo. Le célèbre dessinateur, assassiné en janvier 2015 lors de l’attentat contre Charlie Hebdo, n’avait que 29 ans lorsqu’il les a réalisés.

Le dessinateur est bouleversé par ce qu’il découvre: une vive émotion qu’il traduit dans ses dessins : "Ce qui me frappe, c'est la force de son talent graphique. Il nous fait passer toutes les émotions, il nous fait passer l'écrit, il nous fait passer les pleurs, il nous fait passer la tragédie. Ces enfants qui sont seuls dans le Vel'd'Hiv, qui ne savent plus où aller... Ils ont perdu leurs parents. Il nous raconte une histoire. Je pense que c'est pour ça qu'il fallait qu'il soit là, au Mémorial de la Shoah", souligne-t-elle. C'est là que sont exposés ces illustrations durant l'exposition "Cabu, dessins de la rafle du Vel d’Hiv", du 1er juillet au 7 novembre 2022.

"Bouleversant"

Il n’existe qu’une seule photo de la rafle : celle de l’arrivée au Vel d’Hiv des bus transportant les juifs arrêtés. Les dessins de Cabu sont donc très précieux : ils donnent une force visuelle aux témoignages.

"Il va essayer de traduire en saynètes des témoignages qu'il a lu sur des gens qui deviennent fous, qu'il faut mettre sur des brancards, sur une femme qui s'évade, détaille l’historien Laurent Joly est le commissaire de cette exposition. Il est extrêmement fidèle à ce qui est raconté dans le témoignage, cette femme qui se retourne, qui jette un regard apeuré. Le dessin montre exactement ça. Effectivement, certains dessins qui sont strictement fidèles à la réalité, et d'autres qui sont là pour frapper l'imagination, qui sont là pour nous faire comprendre l'immensité du crime qui s'est opéré à Paris le 16 juillet 1942."

Parmi les dessins les plus marquants : celui de la petite fille. Cabu s’est inspiré de l’histoire de Liza, âgée de 6 ans et demi en juillet 1942. "C'est bouleversant. Si vous regardez ses yeux, elle est complètement triste. Elle est perdue, elle a sa petite étoile jaune et sa poupée. Qu'est-ce qu'elle va devenir ? Pendant ce temps là, son père et sa mère sont arrêtés par la police française. Aussi, il y a la profondeur du dessin et un angle avec la petite fille. Et puis derrière, il y a tout le décor au-delà de la porte", analyse Véronique Cabut.

Ces seize dessins n’avaient jamais été vus depuis leur publication en 1967. Alors qu’on commémore dans quelques jours les 80 ans de la rafle du Vel d’Hiv, ils apparaissent comme un formidable outil de transmission de la mémoire.

L’exposition Cabu – Dessins de la Rafle du Vel d’Hiv est à voir à Paris au Memorial de la Shoah jusqu’au 7 novembre.

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