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Le web 2.0 amène son lot de défis aux médias traditionnels qui tentent de s'y positionner

Internet a trouvé sa place dans la vie de millions de de gens en quelques années. Il a donné aux internautes de nouvelles habitudes de consommation, notamment pour ce qui est de l'information.Certes, la France est en retard par rapport à ses voisins européens ou aux Etats-Unis.
Article rédigé par France2.fr
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  (AFP/François Guillot)

Internet a trouvé sa place dans la vie de millions de de gens en quelques années. Il a donné aux internautes de nouvelles habitudes de consommation, notamment pour ce qui est de l'information.

Certes, la France est en retard par rapport à ses voisins européens ou aux Etats-Unis.

Seuls 40% de foyers français sont connectés, contre presque 70% en Angleterre ou en Allemagne, relève Renaissance numérique, une association composé d'universitaires et de dirigeants d'entreprise du secteur Internet qui propose 15 mesures pour atteindre le taux de 80% de foyers équipés d'une connexion Internet.

Aux Etats-Unis, le poids de l'Internet a poussé les médias traditionnels à se renouveler. La presse a du s'installer sur le web pour ne pas perdre lecteurs et annonceurs. Elle tente de tirer profit des possibilités multimédias que lui offre Internet : la vidéo se fait de plus en plus présente dans la diffusion de l'information et de la publicité. Les annonceurs, séduits par le coût peu élevé et le ciblage précis de la publicité web, ont dopé les recettes publicitaires de l'Internet.

Dans leur conquête du web, les professionnels de la presse, de la radio et de la télévision, doivent faire face à la concurrence d'un nouveau type de reporters : les citoyens journalistes. Ces internautes, témoins de l'actualité, s'expriment sur des blog et des sites de partages de vidéos. Leurs contributions nourrissent des "médias alternatifs" que certains commencent à qualifier de cinquième pouvoir.
Internet réserve encore d'autres défis aux médias. Avec l'Internet sans fil et les terminaux tout en un et plus petit, l'information sera disponible n'importe où et n'importe quand.

Les journaux américains cherchent à reconquérir leurs lecteurs et leurs annonceurs en se réinventant sur le web

Les médias traditionnels américains ressentent de plus en plus l"impact de la concurrence que représente Internet.
En terme de vente, les journaux américains constatent une diminution : -2,8% en avril-septembre 2006 sur un an, voire -8% pour le L.A Times, selon la Newspaper Association of America (NAA).
Une récente étude du centre de recherche Pew montre la désaffection des lecteurs américains pour la presse : 43% des Américains se tournent maintenant vers l"Internet pour leurs nouvelles tandis que 17% lisent d"abord un journal national.

Les annonceurs manifestent également un intérêt moins important à l"égard de la presse, de la radio et de la télévision. Les recettes publicitaires en 2006 ont baissé de 3,3% pour la presse locale américaine et celles de la presse nationale n"ont progressé que de 3,3%, selon le cabinet TNS media intelligence. Les résultats de la télévision ne sont pas beaucoup plus élevés, avec des revenus publicitaires n"augmentant que de 5,3%. Cette hausse a été boostée par les élections législatives et sénatoriales qui ont occupé les Etats-Unis l"année dernière.

La crise se répercute par des suppressions de postes : en 2006, les rédactions américaines ont supprimé 18 000 emplois. Le Philadelphia Inquirer va supprimer 68 postes dans sa rédaction soit 17% de son effectif, le Boston Globe va fermer ses trois derniers bureaux à l"étranger, tandis que le groupe Tribune, qui édite le Los Angeles Times, cherche toujours repreneur.

Les recettes publicitaires de la télévision, qui s"élèvent à 65,4 milliards de dollars, et de la presse avec 58 milliards, sont encore largement supérieures aux revenus générés par l"Internet avec ses 9,76 milliards de dollars qui se rapprochent tout de même des 11 milliards de la radio. Cependant, c"est un bond de 17,3% que les recettes publicitaires de l"Internet ont réalisé. Ce dynamisme ne manque pas de susciter la jalousie des médias traditionnels qui veulent eux aussi surfer sur le succès du web.

Les journaux ont donc misé sur une version en ligne de leur édition papier. Et face à la concurrence des nombreuses sources d"information disponibles sur le net, les médias en ligne veulent se positionner comme une référence. « L"Internet renforce la position du Times car il y a de plus de sources que les gens ne peuvent identifier, et nous pensons qu"on se tournera vers nous comme source faisant autorité », explique Vivian Schiller, responsable de NYTimes.com. Le constat dressé par le Projet for excellence in journalism (PEJ) dans son « Etat des médias 2007 » abonde dans ce sens : les journaux « restent les grands fournisseurs d"information, y compris sur le web ».

Les stratégies adoptées pour développer une édition en ligne varient selon les titres. Au Washington Post, il existe deux rédactions distinctes pour la version papier et pour le site web, cette dernière se distinguant par son orientation plus internationale.
Le New York Times, quant à lui, a choisi de fusionner ses rédactions papier et multimédia pour offrir sur Internet une réplique plus performante de leur version papier.

Pour ce qui est du contenu, les vidéos sont de plus en plus présentes. Au Dallas Morning News, six films sont mis en ligne chaque jour. Au NYTimes.com, 25 vidéos sont postées chaque semaine, sur des sujets aussi variés que les derniers gadgets technologiques ou la violence en Tchétchénie.

Les médias en ligne vivent grâce à des techniques de publicités permettant un ciblage très précis du consommateur

En s'installant sur le web, les médias ont du s'adapter à la culture du gratuit qui domine sur le net. La plupart des titres ont donc offert un accès gratuit à l'essentiel de leurs services Internet, tablant sur les recettes publicitaires. La version en ligne New York Times illustre cette tendance. "L'accès de notre site est gratuit à 95%... Nous avons choisi de compter sur la publicité et cela fonctionne bien", explique Vivian Schiller, responsable du NYTimes.com où l'on a misé sur des sites spécialisés tels qu'un site de voyages exploitant le contenu du Times, ou encore une section "mariages" destinée à diffuser les vidéos racontant la rencontre des internautes avec leur conjoint.

La publicité en ligne devrait doubler d'ici 2010 pour atteindre 60 milliards de dollars dans le monde, selon la banque Jefferies. Elle séduit les annonceurs avec son coût peu élevé, ses possibilités multimédias et son potentiel de ciblage du consommateur.
La technique la plus répandue est celle de la publicité contextuelle, liée aux pages vues. C'est cette forme de publicité qui a fait la fortune de Google. Le moteur de recherche utilise un système automatisé sophistiqué pour placer les bannières, Google Adwords, où les annonceurs peuvent acheter n'importe quel mot-clé aux enchères en permanence. Leurs annonces apparaîtront ensuite sur les recherches des internautes qui tapent ce mot, sur des sites partenaires ou même à côté des emails des utilisateurs de GoogleMail contenant ce mot.
Une autre technique de ciblage permet de toucher l'internaute voulu encore plus précisément. Plus marginal, le ciblage comportemental permet de coller au plus près des goûts des consommateurs, en apparaissant en fonction des pages visitées les jours précédents. Les publicités du NYTimes.com obéissent à cette technique. Grâce à des cookies envoyés sur les ordinateurs, Tacoda, leader du ciblage comportemental aux Etats-Unis, identifie les visiteurs qui dans les 15 jours précédents, ont visité, par exemple, un site de vente de voitures et un site typique des hauts revenus, comme une revue financière. La société fera donc apparaître sur les pages sportives du New York Times chargées sur les écrans de ces internautes une bannière pour une voiture de luxe.

Internet devient le lieu idéal pour développer une forme de publicité très ciblée tant les possibilités de connaître les utilisateurs du web sont grandes. Les internautes laissent des indices à propos de leur adresse, de leur situation professionnelle, de leurs goûts en effectuant des achats sur des sites de e-commerces ou en créant leur pages personnelles. Cette forme de publicité pourra se retrouver sur les téléphones portables, les consoles de jeux et les télévisions connectées à Internet.

Toutefois, si la publicité en ligne croît, avec +31,5% en 2006 selon la Newspaper Association of America (NAA), elle ne représente que 5,4% des revenus publicitaires des journaux. "Il est de plus en plus clair que la publicité en ligne ne va pas suffire", prévoit Tom Rosenstiel, directeur de l'institut Projet for excellence in Journalism, un institut qui publie annuellement un rapport sur l'Etat des médias. "Les recettes publicitaires d'un site représentent en général un tiers de ce que rapporterait un journal", indique-t-il. Il suggère un partage des revenus entre fournisseurs d'accès et journaux, comme pour la télévision câblée.
La question du financement des médias en ligne reste donc entière.

En permettant à tous de s'exprimer, Internet a fait émerger les citoyens journalistes

Le phénomène a démarré avec les blogs où les internautes ont commencé à se transformer en éditorialistes du quotidien. Avec les sites de partage d"images et de vidéos, la possibilité de publier un grand nombre de contenus multimédias a été offerte à tous les utilisateurs du net. En quelques années, les contributions des internautes ont pris une telle importance qu"une expression désigne maintenant les reporters en herbe qui s"expriment sur le net :citoyens journalistes. Christine Tatum, présidente de la société américaine des journalistes professionnels (SPJ) définit comme « un gros groupe de gens qui n"ont aucune formation (en journalisme) mais veulent rejoindre le grand débat ».

Léonard Brody, le fondateur de « Now Public », est plus avenant dans sa définition des citoyens journalistes : « il s"agit de gens ordinaires qui sont les témoins de choses extraordinaires et les partagent ». Et nous comprenons son enthousiasme : le site d"information « NowPublic », créé il y a deux ans, fédère 60 000 « reporters » dans 140 pays.

Tout comme ce webzine citoyen, d"autres sites destinés à publier articles et vidéos de particuliers émergent. En décembre, le géant de l"Internet Yahoo! a lancé « YouWitnessNews », un site qui publie des articles de particuliers, après validation par des journalistes professionnels.
Pour la vidéo, on retrouve des sites comme YouTube ou Daylymotion.
Certains reporters en herbe peuvent même espérer être rémunérés. Sur le site de partage de vidéos Revver, les contributeurs sont rémunérés grâce à la publicité. Ohmynews, site sud-coréen, rémunère ses citoyens journalistes en fonction du succès de leur article.

L"essor des articles et vidéos de ces nouveaux reporters pose les questions des droits de propriété intellectuelle et de l"exactitude des informations. « Le gros problème est que beaucoup de ces gens n"ont aucune expérience (…) des lois et des principes fondamentaux d"un journalisme sain et responsable », remarque Christine Tatum. « Si vous pensez que vous n"avez plus besoin des médias classiques, faites l"erreur qui vous mènera devant les tribunaux, et revenez me voir », dit-elle à leur intention.

Si les médias classiques restent indispensables, ces derniers ne semblent pas non plus pouvoir faire l"impasse sur les contributions des citoyens journalistes. « Le contenu fourni par les utilisateurs rapporte de l"argent », remarque Bambi Francisco, le rédacteur en chef du site Marketwatch.com. Ainsi, NowPublic et YouWitnessNews ont noué des partenariats avec des agences de presse classiques et leur fournissent du contenu.

Conscient de l"importance des citoyens journalistes, le site Agoravox, qui revendique 10 000 rédacteurs a organisé le 24 mars à Saint-Denis, les « Rencontres du cinquième pouvoir ».

Ces assises ont permis de débattre de thèmes tels que la censure, l"irruption des internautes dans la campagne présidentielle ou encore les rapports entre médias traditionnels et médias citoyens.

Les médias changent avec Internet : dans la forme avec les vidéos, et dans le contenu, avec les journaux virtuels

L'Internet 2.0 désigne une nouvelle révolution du web, caractérisée par un changement technologique et une croissance exponentielle du nombre d'utilisateurs. Il concerne la deuxième génération de sites nés depuis 2005.

Avec les possibilités qu"il offre en terme de diversité des contenus et des supports, l"information se consommera de moins en moins dans les journaux papier ou pendant le rendez-vous télévisuel du 20 heures pour privilégier le podcast vidéo.
Déjà, les sites Internet des médias traditionnels accroissent le recours à la vidéo, qui deviendra le mode d"expression privilégié, le langage dominant. « Nous assistons à une explosion de la création vidéo et nous entrons dans une ère où la vidéo sera partout », affirme Andrew Nachison, président du centre américain de recherche sur les médias Ifocos. « Les gens vont faire de la vidéo continuellement. Comme il est normal aujourd"hui de taper un e-mail, on fera une mini-vidéo qu"on s"enverra comme message », ajoute-t-il.
Signe de cette tendance, de nombreuses formules de publicité liées à la vidéo sont testées, chez Google par exemple, qui pense lancer un programme de publicité sur YouTube dans le courant de l"année.
"Il est facile de voir qu'à court terme, la tendance actuelle va s'accentuer : les réseaux numériques à large bande vont se répandre, de même que les réseaux mobiles", résume Andrew Nachison.

L"explosion de la vidéo favorise la convergence entre la télévision et Internet. Des décodeurs comme l"Apple TV, lancé le 21 mars, ou le décodeur-enregistreur de TiVo allié à Amazon.com permettent de visionner sur son écran de télévision des films téléchargés sur le net. L"inverse est aussi possible : la Slingbox, commercialisée par Sling Media en avril 2005, se branche sur la télévision pour envoyer par Internet tous les programmes sur n"importe quel ordinateur dans le monde.

L"autre évolution majeure qui marquera la diffusion de l"information sera le développement du sans fil. Podcasts, messages vidéos, sites d'informations, blogs et livres seront accessibles sans fil, en haut débit et à l'échelle planétaire via des téléphones-téléviseurs-baladeurs ou sur écran. Les terminaux miniatures vont se multiplier. "L'audio, la vidéo, l'Internet, le divertissement, tout tiendra dans la main", affirme Amy Eisman, directrice de l'école de communication d'American University.

En attendant ce récepteur unique, on observe l"émergence de « médias virtuels » sur Second Life, un univers imaginaire en 3D qui existe depuis 2003. Sur ce site, les utilisateurs se sont créé une vie parallèle, et évoluent dans une véritable économie basée sur le linden dollar, la monnaie locale. Les partis politiques y font campagne, des vedettes se donnent en spectacle, des étudiants y prennent des cours… Les médias n"avaient donc aucune raison de ne pas s"installer dans Second Life. La radio anglaise BBC y loue une île pour organier des concerts. L"agence de presse Reuters a installé courant 2005 un bureau d"où un journaliste rapporte quotidiennement l"actualité de ce monde virtuel. Depuis décembre 2006, les « Second Lifers » ont même leur propre journal, The Avastar. L"hebdomadaire est une édition de Bild.T-Online.de, la version en ligne du journal allemand Bild.

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