Les bonus bancaires au cœur du G20 de Pittsburgh
A chaque G20 son chiffon rouge. Celui de Londres, début avril, avait fait couler beaucoup d'encre autour du problème des paradis fiscaux (cliquer ici pour consulter le bilan du G20 de Londres). Celui de Pittsburgh (Pennsylvanie) semble se cristalliser autour de la rémunération des traders et du contrôle des bonus, ces très juteuses parts variables qui font la joie des acrobates de la finance. Ils sont jugés responsables des prises de risques excessives, pointées comme l'une des causes de la crise, venue l'an dernier du secteur financier.
“Prise de risque prudente”
Mais si la question est jugée d'importance, son règlement reste incertain. Un accord s'est dessiné à Londres autour des principes de base du Conseil de stabilité financière (banques centrales, autorités de régulations et ministres des finances du G20). Il affirmait que les rémunérations devaient être en accord avec les “objectifs à long terme des entreprises” et inventait le concept quelque peu schizophrène de “prise de risque prudente”.
_ Mais pour mettre en musique ces principes, les chefs d'Etats ne sont pas sur la même longueur d'onde. Les plus “pères fouettards” sont les Européens, et tout particulièrement les Français. Fin août, les banques hexagonales ont accepté sous pression de l'Elysée de mettre en place un système de bonus-malus (lire notre article). Il s'agit de différer dans le temps une part des bonus versés aux salariés. Si les performances de l'entreprise s'avèrent mauvaises, cette part différée ne sera pas versée. Il pourrait même y avoir des remboursements. Nicolas Sarkozy affirme vouloir aller plus loin en plafonnant les bonus, ce qui fait dresser quelques cheveux sur les têtes dans les banques tricolores.
Elles craignent en effet d'être pénalisées si elles jouent trop les bonnes élèves alors que leurs concurrentes resteraient plus libres. Et de fait - ce n'est probablement pas une surprise pour l'Elysée - l'Union européenne est déjà un cran en dessous des déclarations de Paris. Les 27 préconisent aussi un étalement dans le temps des bonus et leur versement en fonction des résultats, avec une possible annulation, mais ne sont pas d'accord entre eux sur un plafonnement.
Les banques américaines reprennent leurs habitudes
Le bémol est encore plus accentué du côté de Londres et de Washington. Barack Obama est totalement opposé à la limitation des bonus, qui est, dit-il, contraire à la culture de libre entreprise américaine. Il clame haut et fort qu'il est certes hors de question de revenir à des “comportements irresponsables”. Mais les Anglo-saxons tremblent pour la prééminence mondiale de Wall Street et de la City de Londres s'ils acceptent trop de régulation. Ils craignent de voir des places comme Zurich, Dubaï ou Singapour les surpasser et devenir capitale internationale de la finance.
Et pendant que les Etats tentent de trouver un compromis, la planète finance poursuit sur sa lancée. Selon les témoignages de traders (lire notre enquête), aucun changement n'est vraiment intervenu dans les habitudes. Les hausses de rémunérations sont vertigineuses dans les banques américaines, y compris celles qui ont été aidées par l'Etat ou le sont encore, comme Goldman Sachs (+47% au deuxième trimestre, alors que les effectifs ont fondu de 16% dans le même temps)., JPMorgan (+21% pour les rémunérations en “stock-option”), ou Wells Fargo, qui n'a pourtant pas encore remboursé toutes les aides accordées par l'Etat américain. “Il y aura une autre crise”, prophétise un trader.
Grégoire Lecalot, avec agences
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