Un article de "ELLE" taxé de "relents racistes"
Plus d'une semaine après sa publication, un "décryptage" du magazine féminin sur les "nouvelles égéries noires" refait surface sur le web, et suscite de vigoureuses controverses.
Après ses ratages en 2009 et 2011 sur le sujet des "rondes", le magazine féminin ELLE fait à nouveau polémique. Le 13 janvier, la journaliste Nathalie Dolivo s'intéresse aux "nouvelles égéries noires", pour qui "le vêtement est devenu une arme politique".
L'article, passé plutôt inaperçu il y a dix jours, a refait surface mardi 24 janvier, à l'initiative notamment du site Madmoizelle et repris par le Huffington Post américain.
La communauté noire a "intégré les codes blancs"
Un court papier où l'on apprend qu'avant l'arrivée d'Obama à la présidence des Etats-Unis, la "communauté afro" était "arrimée à ses codes streetwear". Désormais, affirme la journaliste, "le chic est devenu une option plausible" pour les femmes noires, qui ont "intégré tous les codes blancs".
Mais, poursuit Nathalie Dolivo, les noires adaptent le vestiaire chic (blanc, donc) avec des accessoires qui rappellent leurs "racines", comme "un boubou en wax, un collier coquillage, une créole de rappeur". Michelle Obama, qui figurait en 2008 dans le palmarès Vanity Fair des femmes les mieux habillées, "revisite" forcément "en mode jazzy" la garde-robe de Jackie Kennedy.
Un article "réducteur" et "aux relents racistes"
Le site Afrosomething a publié une lettre ouverte à Nathalie Dolivo, fustigeant le ton de "colon émancipateur" de la journaliste et les stéréotypes qui parsèment son article "aux relents racistes". "Les références citées ne sont pas les 'racines' de la communauté noire, mais des clichés produits par la société. (...) Lorsque Prada ou Burberry s'inspirent du continent africain pour leurs collections estivales 2012, vous ne le décryptez pas comme une 'intégration des codes noirs' [par les blancs]", souligne Patricia Ahanda. Et d'ajouter qu'il n'y a pas de "mode noire mais une multiplicité de styles qui puisent leurs inspirations dans différentes cultures et histoires".
L'actrice et ex-Miss France Sonia Rolland a réagi sur sa page Facebook contre "ce genre d'articles réducteurs" et invite à "(se) battre (...) contre ce vide culturel".
Près de 800 réactions sur le site du magazine
Sur le site de ELLE, l'article en question a suscité quelque 800 réactions. Valérie Toranian, directrice de la rédaction du magazine, a publié une réponse mardi après-midi, indiquant que "l’article peut donner l’impression d’un miroir déformant puisqu’il ne s’agit pas en effet de dresser un portrait exhaustif de la communauté noire et de son rapport à la mode". "Notre intention n’était nullement de véhiculer des stéréotypes erronés ou racistes, mais bien plutôt de mettre en avant un mouvement passionnant, riche et porteur de sens", ajoute la directrice.
Mais le recadrage de Valérie Toranian, qui arrive onze jours après la publication de l'article et le début de la polémique, ne sera sans doute pas suffisant. Certains commentaires mentionnent en effet que l'article a été tronqué, et le paragraphe supprimé, que la blogueuse Aubadya a recopié sur son site, assimile la "culture afro" à "la rue".
Un "manque de diversité" dans les rédactions ?
Aux Etats-Unis, le Huffington Post déplore "le manque de diversité dans les rédactions des magazines. Des points de vue variés et adaptés sont nécessaires afin d'éviter les articles erronés de ce genre."
Dommage, la proposition faite en filigrane par le site n'est pas des plus politiquement correctes : "Difficile de croire qu'il n'y ait pas eu de journaliste noir pour écrire à ce sujet avec intelligence, dignité et finesse." Une journaliste noire pour parler des noirs ? Difficile, décidément, d'échapper aux clichés.
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