Pourquoi la France refuse-t-elle de mieux rémunérer le congé parental ?
Une directive européenne propose d'indemniser le congé parental au même niveau que le congé maladie, pour inciter plus de pères à le prendre. L'exécutif français refuse, alors qu'il a fait de l'égalité hommes-femmes une "priorité" du quinquennat.
Ils ne veulent pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Les principales organisations syndicales françaises ont appelé, mercredi 2 mai, le président Emmanuel Macron à soutenir une proposition de directive européenne qui augmente notamment la rémunération lors du congé parental. Mais le gouvernement refuse d'approuver le texte en l'état. "Les discussions sont encore en cours", tempère Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, sur France Inter. La directive doit toutefois être votée à la fin du mois de juin par le Parlement européen, à Strasbourg. Franceinfo fait le point sur cette mesure censée encourager les pères à prendre leur congé parental.
Que propose la directive ?
Ce projet de directive (en anglais) prévoit notamment de revaloriser l'indemnité perçue lors des congés parentaux. Pour ce faire, l'UE entend aligner son niveau de rémunération sur les indemnités de maladie. En France, une personne en congé maladie touche 50% de son salaire. Un salarié payé au smic pourrait par exemple percevoir 574,54 euros. Soit un montant bien supérieur à celui du congé parental – plafonné à 369 euros par mois, selon Le Monde.
Autre mesure phare de cette directive européenne, la durée du congé parental pour chaque parent serait d'au moins quatre mois dans tous les états membres. Le texte propose également de permettre de prendre ce congé parental jusqu'aux 12 ans de l'enfant, contre 3 ans actuellement en France.
Enfin, la directive imposerait un congé paternité de 10 jours à la naissance à l'ensemble des États membres de l'Union européenne. En France, un papa bénéficie de 11 jours de congé de naissance, payé par la Sécurité sociale, mais peut choisit d'en prendre moins.
Pourquoi le gouvernement s'y oppose ?
Le rejet de la France peut surprendre. D'autant qu'en mars, le Premier ministre Edouard Philippe a rappelé que l'égalité femmes/homme était la "priorité" du quinquennat.
Lors de son intervention devant le Parlement européen, le 17 avril dernier, Emmanuel Macron a dit qu'il approuvait "les principes" de ce texte mais selon lui, "les congés parentaux payés au niveau de l'indemnité maladie journalière, c'est une belle idée qui peut coûter très cher et finir par être insoutenable".
Un argument repris par Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes. "Il y a une question de financement", abonde-t-elle sur France Inter. Elle a également remis en cause le caractère obligatoire de la mesure.
En France, ce que l'on observe, ainsi que dans certains pays latins, c'est que quand on a des politiques familiales dites obligatoires, en fait, elles ont l'effet inverse à celui recherché.
Marlène Schiappasur France Inter
"En 2014, explique encore la secrétaire d'Etat, le gouvernement a décidé de rendre obligatoire le partage du congé parental, entre les pères et les mères, en se disant 'plus de pères vont prendre leurs congés parentaux'. Non seulement plus de pères ne le prennent pas, mais moins de pères le prennent : on est passé de 96% de mères à 98% de mères."
Comment réagissent les associations familliales et les syndicats ?
Au milieu du mois d'avril, une cinquantaine d'associations avaient déjà publié une lettre ouverte à Emmanuel Macron l'appelant à soutenir la proposition. Elles ont été suivies le 30 avril par la CFDT, la CFTC, la CG, FO et l'Unsa. Les cinq syndicats demandent au président de soutenir cette directive européenne et remettent en cause l'argument financier avancé par le gouvernement.
La directive sur l’équilibre vie privée-vie professionnelle est donc déterminante pour garantir l’autonomie économique des femmes, leur égal accès au marché du travail et un autre partage des tâches.
La CFDT, la CFTC, la CG, FO et l'Unsadans une lettre ouverte à Emmanuel Macron
C'est "faux", répond simplement Yann Serieyx, le représentant de l'Union nationale des associations familiales françaises (Unaf), à l'hebdomadaire Marianne.
Si le congé parental est plus attrayant, davantage de pères le prendront et cela libérera des places en crèche. Aujourd'hui, chaque enfant en crèche coûte à l'Etat près de 1 700 euros. C'est considérable.
Yann Serieyxà "Marianne"
Pour Benoît Hamon, invité de franceinfo, c'est la preuve que "Emmanuel Macron est moins européen qu'il n'est libéral". "Cela n'est pas neutre de faire ces choix-là, a assené l'ancien candidat à la présidentielle, qui sont des choix obsédés par la question des déficits budgétaires, au moment où notre pays a besoin d'un peu de baume, de quelques pansements et d'un peu de progrès."
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