: Infographies Crise de l'immobilier : visualisez la baisse des constructions de logements neufs
La construction de logements neufs décline de mois en mois, symptôme d'une crise du secteur immobilier. Professionnels et associations sont inquiets, parlant même d'une situation sans précédent depuis un demi-siècle. Le gouvernement s'est emparé du sujet en novembre 2022, avec le lancement du Conseil national de la refondation dédié au logement, mais les annonces tardent. Initialement prévue le 9 mai, la restitution des propositions a été reportée d'un mois.
Dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, les organisations du secteur immobilier s'impatientent et réclament un "électrochoc". Contacté par franceinfo, le délégué général de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), Didier Bellier-Ganière, parle d'une triple conséquence si des mesures efficaces ne sont pas prises rapidement : "Il y a trois crises qui résulteront de la crise du logement, une crise sociale, une crise économique et une crise sociétale." D'après lui, il est urgent de relancer la production de nouveaux logements. Franceinfo s'est plongé dans les autorisations de permis de construire et les mises en chantier de logements neufs du Service des données et études statistiques (Sdes), et dresse le bilan du ralentissement de l'activité.
Un ralentissement bien installé
La création de logements neufs est au cœur des préoccupations du moment. Les besoins locatifs sont criants et la demande ne recule pas. "On a une vraie crise de l'offre sur ces 18 derniers mois", résume Olivier Durix, directeur général des offres et clients de Bouygues Immobilier. Au mois de mars 2023, le nombre de logements mis en chantier est resté faible, poursuivant le ralentissement de l'activité dans l'immobilier neuf.
Au total, 359 200 chantiers de nouveaux logements ont été commencés sur les douze derniers mois. Une baisse de 8% par rapport à l'année 2021-2022, toujours bien en deçà du niveau record des mises en chantier fin 2017.
Et la crise risque de s'amplifier : les effets accélérateurs de 2022 (dont l'anticipation par les promoteurs de la nouvelle réglementation environnementale RE2020) s'estompent petit à petit et les autorisations de permis de construire restent sous le niveau moyen pré-crise sanitaire.
Cette tendance, si elle persiste, pose plusieurs problèmes : une hausse des prix de l'immobilier, un impact sur la production de logements sociaux, un engorgement du système locatif et l'incapacité de répondre aux besoins en logement des Français. Des emplois dans le secteur de la construction risquent également d'être menacés. Dans un rapport publié en avril 2022, la Fédération française du bâtiment s'alarme de cette conjoncture. Avec un "scénario de croissance de l'activité à même rythme qu'au cours des dernières années, (…) près de 100 000 postes seraient détruits dans le secteur à l'horizon 2024-2025", lit-on.
Des maires qui délivrent moins de permis
Mais d'où vient cette dégringolade ? La FPI pointe du doigt une hausse des coûts de construction, le durcissement des réglementations et l'augmentation des taux d'intérêts. Les professionnels du secteur déplorent également des permis de construire difficiles à obtenir ou dans des délais trop longs. Depuis les dernières élections municipales, les maires en délivrent beaucoup moins. "En moyenne, lors des mandats municipaux précédents, 19 300 logements collectifs étaient autorisés tous les mois, contre 17 500 depuis mars 2020. C'est presque 2 000 logements par mois qui se sont évaporés en termes d'autorisations", constate Didier Bellier-Ganière.
Promoteurs et constructeurs parlent aussi d'un frein social et sociétal aux mises en chantier. Olivier Durix évoque "une crise globale de l'acte de construire". Les riverains ne souhaitent plus entendre les marteaux-piqueurs, voir des grues, ni respirer la poussière au pas de leur porte. Les recours administratifs et pétitions se sont multipliés ces dernières années. Un rejet de la construction "relayé par les élus", souligne le haut responsable chez Bouygues Immobilier. Davantage d'édiles se positionnent contre la création de logements. Un exemple : la mairie d'Illkirch-Graffenstaden, dans le Bas-Rhin, se félicitait, dans son magazine municipal de novembre dernier, d'avoir mis un coup de frein à la "bétonisation", en n'autorisant que "deux permis de construire pour des logements collectifs comprenant plus de cinq logements depuis juillet 2020".
Une demande toujours soutenue
Or, si le nombre de logements neufs baisse, la demande, elle, ne diminue pas. D'après une étude publiée par l'Observatoire de l'immobilier neuf de la FPI, 449 298 logements doivent sortir de terre chaque année pour répondre aux besoins.
La décohabitation – de plus en plus de Français vivent seuls – est la première source de besoin. Viennent ensuite la hausse démographique, les logements vacants ou non rénovés qui creusent les manques et la demande insatisfaite se reportant d'année en année. Depuis le pic de construction de 2017, qui a frôlé l'objectif des 450 000 nouveaux logements, la tendance est à la baisse et la France s'enfonce dans une crise durable.
Réconcilier les Français avec l'acte de construire et relancer la production de logements sont deux objectifs au cœur des réflexions du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement. Reçus par la Première ministre le 24 mai, ses coanimateurs, Véronique Bédague, directrice générale de Nexity, et Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, ont présenté leurs conclusions et défendu leurs propositions. Aucune annonce n'a encore été faite. La prochaine grande étape est prévue le 5 juin, date de la restitution du CNR.
Impatients et inquiets face à l'ampleur de la crise, les professionnels du secteur réclament un acte politique fort et des mesures efficaces. Le logement – premier poste de dépenses des Français – a un impact sur l'emploi, l'intégration sociale et l'environnement. "C'est une certitude, si rien n'est fait collectivement, on va vers une bombe économique, sociale et sociétale", résume Olivier Durix.
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