"Ça peut bouger jusqu'au dernier moment" : les députés des Républicains vont-ils voter la réforme des retraites ?
"C'est la roulette russe ou c'est la grosse Bertha." Voilà comment le sénateur Bruno Retailleau résumait dimanche 12 mars le choix cornélien auquel doit faire face Elisabeth Borne. Invité sur le plateau de CNews, le patron du groupe Les Républicains au Sénat, partisan de la réforme des retraites, a évoqué en creux les deux options qui s'offrent à la Première ministre : risquer un vote très serré à l'Assemblée ou utiliser l'article 49.3 pour évacuer toute incertitude.
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En cas d'accord au sein de la commission mixte paritaire, organisée mercredi, le texte de la réforme sera en effet attendu à l'Assemblée nationale jeudi à 15 heures. Mais le doute subsiste sur le comportement des députés Les Républicains et l'exécutif a sorti la calculette avec fébrilité. Le gouvernement espère au moins compter sur une quarantaine de voix de droite pour obtenir la majorité et ainsi éviter un passage en force avec un 49.3. "Je suis sûre qu'il existe une majorité au Parlement pour voter ce texte qui est nécessaire à notre pays. (...) Chacun prendra ses responsabilités", a déclaré Elisabeth Borne dans Le Parisien, n'hésitant pas à mettre la pression sur le groupe LR.
"Il me semble que le compte n'y est pas"
Selon les informations recueillies par franceinfo auprès des députés de droite, le vote pourrait se révéler très serré. Signe d'un certain malaise, les élus des Républicains n'ont pas fait le plein non plus au Sénat. Six d'entre eux ont voté contre et 18 se sont abstenus. De leur côté, les députés LR sont encore nombreux à se dire indécis dans cette dernière ligne droite du débat parlementaire. "Je vais attendre le résultat de la commission mixte paritaire pour me déterminer", confie Vincent Rolland, député de Savoie. "J'attends le texte de la CMP pour fixer mon vote : abstention ou contre !", ajoute Emmanuel Maquet, élu de la Somme.
"Je vais regarder avec attention le dernier texte 'bloqué' par le gouvernement, mais il me semble que le compte n'y est pas", ajoute un autre député LR. "Je suis très partagé et plutôt pas favorable", confie un parlementaire des Républicains, qui anticipe de toute façon l'utilisation de l'article 49.3. Certains attendent aussi de connaître avec plus de précisions le choix de leurs collègues. "Vu l'état des troupes, je suis plus sur une position d'abstention à ce jour", confie encore un élu sous couvert d'anonymat.
"Plus on sera nombreux à voter 'pour', au sein du groupe, plus je serai prêt à la voter."
Un député LRà franceinfo
Chacun fait ses comptes, à quelques jours de la décision finale. Selon plusieurs sources internes aux Républicains, entre 30 et 35 députés envisagent de voter le texte, une quinzaine pourrait s'y opposer, et environ une dizaine pencherait pour l'abstention. Mais les chiffres varient d'un interlocuteur à l'autre. "On a au moins 20 députés prêts à voter contre, et on pourrait même approcher les 25, assure l'un d'eux. Certains se disent indécis, alors que leur choix est fait, mais ils ont peut-être peur de se faire engueuler si jamais ils disent qu'ils sont contre." Le député du Rhône, Alexandre Vincendet, favorable au texte, nuance : "Le décompte ne veut rien dire, à mon sens : ça peut bouger jusqu'au dernier moment. Mais je pense que la réforme peut passer."
"C'est une question de cohérence"
A quelques jours du vote, le groupe LR reste donc divisé. Plusieurs députés confirment leur intention de jouer les frondeurs et de ne pas voter le texte, à l'image de Julien Dive et Ian Boucard, deux proches d'Aurélien Pradié, l'ancien numéro 2 du parti, qui réclame depuis plusieurs semaines des mesures supplémentaires en faveur des carrières longues.
Mais ils sont aussi plusieurs à choisir de soutenir la réforme sans trembler, à l'image de Michèle Tabarot, Philippe Juvin, Emilie Bonnivard, Alexandre Vincendet ou encore Eric Pauget. "On ne peut pas dire depuis vingt ans qu'il faut travailler plus longtemps et voter le contraire. C'est une question de cohérence et de crédibilité", martèle le député Jean-Louis Thiériot.
Ces parlementaires suivent donc la position d'Olivier Marleix, le président du groupe LR à l'Assemblée, et d'Eric Ciotti, le patron du parti. "Le gaullisme, contre vents et marées, c'est le soin d'une seule exigence : l'intérêt supérieur de la nation. Aujourd'hui, celui-ci nous commande de voter cette réforme", estime le député des Alpes-Maritimes dans Le Journal du dimanche.
"Face aux crises qui nous assaillent, ne faisons pas relâche dans l'irresponsabilité. Gardons le cap du courage et de la cohérence."
Eric Ciotti, président du parti Les Républicainsdans "Le Journal du dimanche"
Comme l'assurait dimanche Olivier Véran, le gouvernement tentera d'éviter de dégainer l'arme du 49.3, qui pourrait attiser la contestation sociale. Compte tenu du niveau "inédit" des manifestations contre la réforme, cela "me paraît incroyable et dangereux", et ce "serait une forme de vice démocratique", a averti Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. Le scénario pourrait aussi présenter un autre risque pour le gouvernement, avec le dépôt d'une motion de censure transpartisane, en cas de 49.3.
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