Réforme des retraites : cinq questions sur la commission mixte paritaire chargée de trouver un compromis
La réforme des retraites poursuit son parcours législatif. Après avoir été adopté par la majorité de droite au Sénat, le texte fera l'objet d'une discussion parlementaire au sein d'une commission mixte paritaire (CMP) organisée mercredi 15 mars. Sept députés et sept sénateurs seront donc chargés de se mettre d'accord sur une version finale du texte, qui devra être ensuite soumise au vote des deux chambres du Parlement.
Qui compose cette commission ?
La répartition de la commission dépend des équilibres politiques. La commission mixte paritaire réunit sept députés, sept sénateurs et autant de suppléants (mais ces derniers ne prennent pas part au vote). Depuis 2009, le Sénat comme l'Assemblée nationale envoient quatre représentants de leur majorité et trois de leur opposition, comme l'expliquent le site du Sénat et le site d'actualité juridique Dalloz. Au Sénat, les représentants sont désignés par la commission qui suit le texte. Celle des affaires sociales en l'occurrence. A l'Assemblée, ce sont les groupes politiques qui désignent leurs représentants.
Parmi les sept députés appelés à siéger au sein de la commission mixte paritaire, il y a donc trois députés Renaissance (Fadila Khattabi, Stéphanie Rist, Sylvain Maillard), un représentant du MoDem (Philippe Vigier), un membre des Républicains (Olivier Marleix), un du Rassemblement national (Thomas Ménagé) et une députée de La France insoumise (Mathilde Panot). Du côté des sénateurs, on trouve trois élus des Républicains (Catherine Deroche, René-Paul Savary, Philippe Mouiller), une de l'UDI (Elisabeth Doineau), un de Renaissance (Xavier Iacovelli) et deux sénatrices du Parti socialiste (Monique Lubin et Corinne Féret). Pour trouver un accord, la majorité et ses alliés des Républicains sont donc représentés en force, avec 9 membres sur 14.
Comment fonctionne-t-elle ?
Mercredi, dès 9 heures, la CMP réunira ses membres dans une salle à huis clos du Palais Bourbon. Il s'agit d'un outil très courant pour harmoniser les textes votés à l'Assemblée et au Sénat. Depuis les dernières élections législatives, en juin 2022, 14 projets de loi ont ainsi fait l'objet d'une commission mixte paritaire, rappelle LCP. L'objectif est de parvenir à un compromis sur une version commune du texte, en se mettant d'accord sur les mesures qu'Assemblée et Sénat n'ont pas votées dans les mêmes termes. "Le texte, base de la discussion, est le dernier texte voté, c'est-à-dire celui adopté par la dernière assemblée saisie avant la réunion", précise le Sénat. La commission peut ensuite réécrire les articles sur proposition de ses membres.
Fait inhabituel, cette CMP va étudier un texte qui n'a pas fait l'objet d'un vote à l'Assemblée. Car les députés n'ont pas pu voter dans les temps impartis. Cela veut dire que la CMP aura une marge de liberté pour réécrire un texte qui convient au Sénat comme au gouvernement. Les votes au sein de la commission se déroulent à main levée, et en cas d'égalité, l'article n'est pas adopté. En raison des équilibres politiques, le cœur du texte, le recul de l'âge de départ de 62 à 64 ans, ne devrait pas bouger.
Si le gouvernement n'est pas présent au sein de la commission mixte paritaire, il peut toutefois tenter de peser sur les débats en coulisses. "On va travailler pour trouver un compromis. (...) Nous avons des réunions préparatoires prévues à partir de demain", confirme le sénateur Xavier Iacovelli, membre de la commission mixte paritaire, interrogé par franceinfo dimanche.
Que se passe-t-il en cas d'échec ?
Si la commission mixte paritaire ne trouve pas de compromis – un scénario relativement improbable à l'heure actuelle –, la procédure législative sera alors rallongée. Le texte reviendra pour une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, et enfin à l'Assemblée, si les deux versions du texte n'ont toujours pas convergé.
Les oppositions pourront alors tenter de ralentir l'examen final du texte en déposant de nouveaux amendements. Et le temps est compté, puisque le Parlement est contraint de se prononcer au total en 50 jours, soit d'ici au 26 mars à minuit. Après cette échéance, si aucun texte n'est voté, les dispositions de la réforme pourront être mises en œuvre par ordonnance par le gouvernement, selon la Constitution.
Et en cas d'accord ?
Dans ce cas, le texte sera de nouveau soumis au vote au Sénat jeudi à 9 heures pour une dernière validation, puis à l'Assemblée nationale pour un ultime vote à 15 heures. A noter, qu'il n'est plus possible de modifier un texte de loi après une commission mixte paritaire dite "conclusive", c'est-à-dire lorsqu'un compromis est trouvé.
En revanche, le gouvernement n'est encore tout à fait sûr de disposer d'une majorité suffisante à l'Assemblée pour adopter son projet de loi. Face à ce suspense, l'exécutif pourrait se résigner à recourir à l'article 49.3 de la Constitution. Ce dernier permet une adoption sans vote, mais l'expose au risque d'une motion de censure.
Que peut faire l'opposition ?
En attendant mercredi, les oppositions de gauche et d'extrême droite affûtent leurs arguments. "Une CMP, c'est quatorze gars qui se mettent d'accord à huis clos", confie un pilier de La France insoumise à franceinfo. "Ça va être un énorme problème démocratique", anticipe une cadre du Rassemblement national. L'idée qui revient le plus, c'est que la commission mixte paritaire serait "un déni de démocratie". Même sans 49.3, les oppositions ont aussi la possibilité de tenter de renverser le gouvernement par une motion de censure. Elles ne devraient pas se priver de le faire. Enfin, elles ont déjà prévu de saisir le Conseil constitutionnel, notamment pour dénoncer le recours à l'article 38 du règlement du Sénat.
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