Cet article date de plus de quatre ans.

COULISSES. Réforme des retraites, âge pivot, violences policières... Les confidences d'Emmanuel Macron en marge de ses vœux à la presse

Le président de la République s'est livré auprès de plusieurs journalistes après avoir adressé ses vœux à la presse.

Article rédigé par franceinfo - Service politique de France Télévisions
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Le président de la République, Emmanuel Macron, présente ses vœux à la presse, le 15 janvier 2020 à l'Elysée.  (YOAN VALAT / AFP)

Réforme des retraites, élections municipales, communautarisme, mais aussi violences policières… Après ses vœux à la presse, mercredi 15 janvier à l'Elysée, Emmanuel Macron s'est longuement confié sur les sujets d'actualité aux journalistes présents. Le président de la République est également revenu sur les démissions de François de Rugy (en juillet 2019) et Jean-Paul Delevoye (en décembre). "Ce n'était pas une demande de ma part", a-t-il confié. Le service politique de France Télévisions était présent. Voici ce qu'il faut en retenir. 

Sur la réforme des retraites : "Il faut convaincre"

"Il y a des peurs, il y a des angoisses, c'est tout à fait vrai, on n'aime pas le changement." Interrogé sur le contexte social et les manifestations contre la réforme des retraites, Emmanuel Macron a assuré qu'il était "normal" de constater "une inquiétude" et des "mouvements sociaux" sur un tel sujet. Le président de la République a affirmé ne pas craindre d'"effets à long terme" de ce mouvement sur la suite de son quinquennat. Comment sortir de la crise ? Un mot est revenu à plusieurs reprises dans la bouche du chef de l'Etat : la pédagogie. 

"Le cœur de l'information a été beaucoup, ces derniers mois, et c'est normal, sur les régimes spéciaux, puis sur l'âge pivot", a déclaré le locataire de l'Elysée. 

On va devoir rentrer dans un travail d'explication pédagogique, c'est tout à fait normal.

Emmanuel Macron

Pour Emmanuel Macron, "la première défiance, elle est sur le système actuel". Et le président de poursuivre : "Regardez les sondages, 75% des jeunes vous disent qu'ils n'ont pas confiance pour leur retraite dans le système actuel." Avec sa réforme, le président assure que "l'on créé les règles d'un système universel plus transparent et plus confiant". Emmanuel Macron reconnaît toutefois aussitôt : "Il faut convaincre." 

Sur les régimes spéciaux : l'exemple du chauffeur de bus

Le président est également longuement revenu sur les régimes spéciaux et les régimes autonomes, en défendant le futur système. L'occasion de prendre à nouveau l'exemple des conducteurs de bus. "Le chauffeur du bus à hydrogène de Lyon et le chauffeur de la RATP, ils font le même boulot, il ne peut pas y avoir dix ans d'écart dans le départ à la retraite, ce n'est pas juste", a-t-il martelé. Le chef de l'Etat a aussi affirmé une nouvelle fois que "les gens sont de moins en moins attachés à une entreprise, à un secteur toute leur vie". "Cela crée des effets de rupture qui sont très injustes et qui ne sont pas protecteurs pour les gens", a-t-il expliqué. 

Des avocats défilent contre la réforme des retraites, le 16 janvier 2020, à Perpignan.  (JC MILHET / HANS LUCAS / AFP)

Autre exemple : les avocats, vent debout contre la réforme des retraites"On parle beaucoup des avocats, tout le monde a oublié de dire que si vous êtes avocat moins de cinq ans, vous cotisez, mais vous n'avez aucun droit ! Ce sont souvent des jeunes femmes qui sont collaboratrices et qui partent au bout de trois ans, quatre ans pour faire autre chose. Ce n'est pas juste", a développé le président.

Sur l'âge pivot : "Il y aura peut-être 66 millions d'âges pivots"

Interrogé sur le point qui crispe jusqu'aux syndicats réformistes, Emmanuel Macron a indiqué qu'"il y aura peut-être 66 millions d'âges pivots". Le 11 janvier, Edouard Philippe a annoncé le retrait à titre provisoire de cette mesure de court terme, destinée à renflouer l'équilibre des caisses de retraite à l'horizon 2027. Mais, l'âge pivot pourrait, en réalité, être rétabli

Le chef de l'Etat a aussi été interpellé sur un extrait du débat sur la réforme des retraites qu'il avait tenu à Rodez (Aveyron) en octobre dernier. "Si je commence à dire, on garde un régime spécial pour l’un, ça va tomber comme des dominos", avait-il déclaré en citant les policiers, les gendarmes, les infirmiers et les aide-soignants. Une petite phrase qui a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux, après les concessions faites par l'exécutif à certaines professions. 

"Je fais la distinction entre des professions et des fonctions", a répondu Emmanuel Macron. "C'est dans le rapport de Delevoye de juillet dernier. Dans ce rapport, je pense que de mémoire, il y a le 64 ans, a poursuivi le président. Je crois qu'il explique assez bien que c'est un âge d'équilibre du système, mais il dit bien que sur le plan individuel, vous aurez des cas. On sort d'une logique qui était devenue statutaire à une logique d'universalisation et d'individualisation." 

Sur la pénibilité : "Je n'aime pas beaucoup ce terme"

Autre sujet incontournable du débat sur la réforme des retraites : la pénibilité. Il l'avait déjà dit, Emmanuel Macron "n'aime pas beaucoup ce terme", car, selon lui, "si vous interrogez qui que ce soit, il y a plein de gens qui trouvent que c'est pénible ce qu'ils font", a-t-il expliqué, citant ceux qui sont "assis derrière un bureau". 

Un peu plus tôt dans la conversation, le président avait reconnu que "ce n'est pas la même chose d'être derrière un bureau ou d'être exposé à des manifestations tous les jours, ou de porter des matériaux lourds ou de travailler la nuit." Mais pour le président, "c'est lié à une fonction, c'est un temps, c'est le moment où vous l'occupez, ce n'est pas lié à un statut". 

Sur les municipales : pas de remaniement automatique

Dans deux mois, les Français votent pour les élections municipales. Un scrutin majeur, à deux ans de la présidentielle, mais qui s'annonce compliqué pour la majorité, très faiblement implantée et embourbée dans le conflit social. Emmanuel Macron le sait et il a tenu, devant les journalistes, à déminer ce terrain sensible. "Il y a la volonté de beaucoup de maires de ne pas avoir d'étiquette et de ne pas nationaliser leur élection. Moi, je considère que ce n'est pas une élection nationale", a-t-il d'abord soutenu. 

Un assesseur dépouille une urne lors des élections municipales de 2014 à Toulouse.  (PASCAL PAVANI / AFP)

"Le mouvement qui m'a porté à la présidence de la République n'existait pas aux dernières municipales", a également rappelé Emmanuel Macron. 

Considérer que l'on peut, du jour au lendemain, rafler les municipales comme on gagne les législatives ou autre est faux, parce que l'équation politique n'est pas la même.

Emmanuel Macron

"Je ne vais pas considérer que les gens votent pour tel ou tel candidat parce qu'ils soutiennent ou pas le président", a poursuivi le chef de l'Etat, avant d'ajouter : "Je n'en tirerai pas de manière automatique des conséquences nationales." Une manière de dire qu'un remaniement du gouvernement après ces élections n'est absolument pas acquis. 

Sur l'islam, le communautarisme et la laïcité : des propositions bientôt

Emmanuel Macron a indiqué qu'il s'exprimerait bientôt sur "l'organisation de la religion, et en particulier l'islam". Lors de la présentation de ses vœux aux cultes, le 9 janvier à l'Elysée, le chef de l'Etat avait préalablement annoncé qu'il ferait des propositions aux responsables des cultes en février au sujet de la lutte contre la radicalisation islamiste et du contrôle des flux financiers du culte musulman.

Face aux journalistes, le président a expliqué que l'on "confond la laïcité et ce qu'est l'islam". "On veut faire jouer à la laïcité le rôle de l'ordre public de la civilité, de l'égalité femmes-hommes, etc. C'est un sujet qui est toujours éruptif, ce n'est jamais innocent de s'exprimer sur ce sujet", a-t-il estimé. "On doit le prendre à bras-le-corps, car l'islam radical et le communautarisme, ce sont des sujets qui aujourd'hui nourrissent un séparatisme dans la République. Il faut le faire sans stigmatisation et en ayant aussi un volet positif", a-t-il ajouté. "De la même manière que l'on doit lutter contre des séparatismes dans la République, on doit lutter contre toutes les formes d'exclusion que la République concède et toutes les discriminations sur lesquelles elle ferme les yeux."

Interrogé sur son positionnement sur ce sujet – la presse l'a souvent dit mal à l'aise à ce propos – Emmanuel Macron a défendu son état d'esprit.

Je considère que sur ce sujet les esprits sont tellement enflammés que la mesure et la volonté de tenir l'unité sont plus importantes que la volonté de faire plaisir à telle ou telle catégorie.

Emmanuel Macron

Sur les violences policières : "La police, ce n'est pas un camp"

Autre sujet majeur dans l'actualité : les violences policières, alors que les observateurs de la vie politique ont noté une inflexion du discours de l'exécutif à ce propos. "Je n'aime pas le terme de violences policières", a néanmoins réaffirmé Emmanuel Macron devant la presse. "La police, ce n'est pas un camp, a développé le président. La police ou la gendarmerie, ce ne sont pas des gens qui s'engagent dans la police pour être violents. Ce sont des gens qui s'engagent pour vous protéger et faire respecter l'ordre public et les lois de la République." Interrogé sur les propos du préfet de police de Paris, qui avait expliqué à une "gilet jaune" ne pas être "dans le même camp", Emmanuel Macron a dénoncé "une faute" de Didier Lallement.

Quand les policiers ou les gendarmes sortent de leur cadre d'intervention et ne respectent pas les règles déontologiques, c'est une faute professionnelle, il appartient à l'administration qui les dirige de les sanctionner.

Emmanuel Macron

"Quand il y a un sujet dont la justice a à se saisir, ils sont des justiciables comme les autres", a-t-il ajouté.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.